L’Islam est une religion de non violence
3042007Par : Bashar Humeid
Publié en 1966, l’ouvrage intitulé « La Doctrine du Premier Fils d’Adam: Le Problème de la Violence dans le Monde Islamique » a été la première publication dans le mouvement islamique moderne à présenter un concept de la non-violence. Ce livre, qui en est à sa cinquième édition, est encore disponible aujourd’hui.
Il a été écrit par Jawdat Saïd, né en Syrie en 1931, puis parti dès son plus jeune âge en Egypte pour étudier la langue arabe à l’Université Azhar. Il y prit une part active dans la vie culturelle égyptienne. Il entretenait des liens étroits avec le mouvement islamique de cette époque.
A cette époque déjà, Saïd avait attiré l’attention sur les effets négatifs de la violence qu’entretenait le mouvement islamique en Egypte, et avait écrit son livre comme une réponse directe aux écrits de Sayyid Qutb, mort en 1966, et considéré comme le père de l’Islam militant.
D’autres intellectuels du monde islamique s’étaient également insurgés contre Qutb à cette époque, parmi lesquels Hasan al-Hudaybi, le leader des Frères Musulmans égyptiens.
Au début des années 1980, les Frères Musulmans de Syrie commencèrent – en dépit des avertissements de Saïd – à se rebeller contre le gouvernement de Hafez al-Asad. Cette révolte fut matée dans le sang, et se termina en 1982 par un massacre dans la ville de Hama.
A la suite de cette défaite, le mouvement commença en envisager sérieusement l’idée d’une démilitarisation. A l’époque, les écrits de Jawdat Said connurent une popularité toujours croissante dans les milieux islamiques activistes.
Le concept de la non-violence selon Said
Dans l’introduction à son livre « La Doctrine du premier Fils d’Adam », Jawdat Said se place dans la tradition de réformateurs islamiques tels que Abd al-Rahman al-Kawakibi (mort en 1902) et Muhammad Iqbal (mort en 1938), le poète et philosophe mystique indien.
Saïd y souligne également l’importance de l’écrivain algérien Malik bin-Nabi (décédé en 1973) et de son ouvrage intitulé « Les Conditions de la Renaissance ».
Ce que ces philosophes ont en commun est l’accent mis sur la réforme au sein des sociétés islamiques. Ils voient les problèmes dans leurs sociétés plus comme le résultat d’évolutions internes défavorables que comme celui de l’intervention coloniale.
Les travaux de Saïd sur la non violence font partie d’une série d’écrits traitant de problèmes personnels et sociétaux, et qui servent de repères aux activités islamiques. Ils s’adressent en premier lieu à la jeunesse islamique, et présentent un type de vie islamique qui réfute la violence.
La non-violence comme commandement divin
Saïd considère cette approche comme fondée sur le Coran. Dans la Sourate 5, versets 27–31, on peut lire comment « Abel, qui craignait Dieu » avait même refusé de se défendre contre son frère, bien qu’à la fin, Caïn le tua.
Saïd voit cela comme une quête de l’humanité, pour réagir « comme le premier fils d’Adam, qui ne s’est pas défendu contre les attaques de son frère ». La non-violence exprimée par le fils d’Adam constitue, aux yeux de Saïd, « une position à laquelle doit aspirer l’humanité entière, et à y adhérer comme l’un des commandements divins. »
De plus, Saïd se réfère aux histoires des différents prophètes du Coran et souligne que les seules charges dont ils furent accusés fut leur croyance en un Dieu unique de la création. Aucun d’eux, toutefois, ne tenta de propager ses idées par la violence.
Saïd y voit l’indication claire que la pratique de la violence est incompatible avec la foi même du Coran. Mais comment Saïd explique-t-il alors les autres versets du Coran qui appellent les croyants à se battre ?
Différentes interprétations du Coran
Du point de vue de Saïd, le Coran stipule deux conditions préalables pour une guerre légitime. D’abord, la guerre ne doit être déclarée que si l’adversaire défie le principe fondamental du Coran de « non coercition de religion », c’est-à-dire si l’ennemi viole le principe de « liberté d’opinion. »
Ensuite, la nation qui déclare la guerre doit elle-même adhérer à ce principe.
Dans son livre datant de 1988, « Lis! Le Seigneur ton Dieu est Bienveillant », Saïd expose son idée d’un Islam exempt de toute violence en développant une approche importante à l’interprétation du Coran.
Il souligne que les diverses interprétations du texte du Coran constituaient un défi même pour les premiers disciples du Prophète Mahomet.
Il cite le quatrième Calife, Ali ibn Abi Talib, qui, en désaccord avec ses adversaires (les Kharijites) exigea que l’on ne tienne pas compte des textes parce que chaque groupe avait sa propre manière de les interpréter. En place, les aspects pratiques devaient être discutés pour tenter de parvenir à une solution satisfaisante.
Saïd en conclut que le Coran demande aux gens de rechercher la vérité dans le monde réel, et non dans les textes du Coran. L’appel à « parcourir la terre » se répète treize fois dans le Coran. Saïd en tire la conclusion que cela constitue une partie de la révélation divine: chercher la connaissance sur le monde, son histoire et ses sociétés. C’est là que réside pour lui la « signification profonde et le miracle du Coran ».
De nouvelles interprétations du Coran
Cet appel à « parcourir » est couplé à l’exigence de la lecture. Après tout, « Lis ! » est le premier mot révélé au Prophète. Saïd interprète cela comme un appel à se familiariser avec l’histoire de l’aventure humaine, à laquelle on accède en premier lieu par le biais de la lecture.
Etayant son point de vue par des approches provenant de la tradition islamique, Saïd trace ainsi la voie à une nouvelle interprétation du Coran qui ne met plus l’accent sur les textes sacrés, mais place plutôt l’expérience humaine aux avant-postes.
C’est la raison pour laquelle les interprétations de Saïd ont été sévèrement attaquées par la pensée conservatrice. L’un de ses adeptes, Adel al-Tal, écrivit un livre en 1995 dans lequel il accusait Saïd d’être un « matérialiste déguisé en musulman. »
Conflit entre science et violence
Mais à ce jour, Saïd est resté fidèle au texte du Coran. Il cite souvent le Coran pour étayer son point de vue sur la non-violence.
Le passage qu’il cite le plus souvent est la Sourate 2, versets 30-33, dans laquelle les anges protestent contre la décision de Dieu d’envoyer un représentant sur terre. Leur argument consiste à dire que ce représentant ne fera rien d’autre que semer le trouble et répandre le sang. En réponse, Dieu enseigne à Adam « toutes les choses et leurs noms. »
Saïd comprend ce passage comme une dispute symbolique entre science et violence. Dans le langage des versets du Coran, cela signifie une dispute entre « donner des noms » et « créer le trouble et répandre le sang ».
L’humanité, conclut Saïd, devrait et peut utiliser la capacité donnée par Dieu à raisonner pour réaliser la paix sur terre.
Source : http://www.magharebia.com
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