Mollahs : Genèse et responsabilités historiques !

29082007

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(Texte extrait du livre: Mollahs de la consommation – Mohamed LOUIZI) 

Genèse :

Le Coran, à l’image des autres Ecritures révélées, est descendu pour réformer la vison que les gens peuvent avoir de Dieu, pour remettre de l’ordre dans la vie spirituelle et intellectuelle de l’Homme, pour rétablir la foi de l’unicité à la place de la multitude de divinités, et pour montrer les limites, voire même les contradictions, abritant les différentes traditions religieuses païennes et polythéistes, associant d’autres divinités au Dieu unique.

De ce fait, le Coran refuse toutes les formes d’associationnisme et d’intercession entre le serviteur et son Seigneur. Personne, pas même les Prophètes et les Messagers, n’a le droit d’intercéder ou de prétendre une quelconque entremise entre l’Homme et Dieu. Dieu dit dans le signe 79 de la sourate La Famille de Imran : « Convient-il que l’homme à qui Dieu a donné le livre de la sagesse et le don de prophétie dise aux hommes : Soyez mes adorateurs ? Non, soyez les adorateurs de Dieu, puisque vous étudiez la doctrine du livre et que vous cherchez à le comprendre ». Les Messagers sont venus juste pour apporter la bonne nouvelle à ceux qui adorent un Seul et Unique Dieu et pour avertir ceux qui sollicitent des divinités intermédiaires des conséquences de leurs choix.

Méditons ce signe coranique de sourate la Table, quand Dieu dit, en s’adressant à Jésus : « Ô Jésus, fils de Marie, est-ce que c’est toi qui a dit aux hommes : « Prenez-nous, ma mère et moi, pour divinités en dehors de Dieu ? » – « Gloire à toi ! Dit Jésus, il ne m’appartient pas de dire ce qui n’est pas une vérité pour moi. Si je l’avais dit, ne l’aurais-tu pas su ? Car tu connais le fond de ma pensée, et je ne connais rien de la tienne. En vérité, les mystères n’ont point de secret sur Toi. Je ne leur ai dit que ce que Tu m’as ordonné de leur dire, à savoir : « Adorez Dieu, mon Seigneur et le vôtre ! » Et je fus témoin contre eux, aussi longtemps que je vécus parmi eux. Mais depuis, que Tu m’as rappelé à Toi, c’est Toi qui les observes, car Tu es le Témoin de toute chose. » (1).

A travers les temps, et dans le quotidien de toutes les traditions religieuses sans exception, des hommes, hormis les Prophètes et les Messagers, se sont imposés comme intermédiaires entre le serviteur et son Seigneur, que ce soit dans l’interprétation des textes révélés ou de montrer des certaines façons, très divergentes, de pratiquer les offices et les actes à caractère cultuel et rituel.

Le Coran cite des exemples visant attirer l’attention des croyants des dangers que représentent les intermédiaires religieux sur la vie spirituelle, intellectuelle et même sur la vie sociale et ce, afin que les adorateurs d’un Dieu unique ne commettent plus les mêmes erreurs que celles de commises par leurs ancêtres. Dieu dit, aux sujets d’un certain nombre de juifs et de chrétiens : « Ils ont élevé au rang de divinités en dehors de Dieu leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Messie, fils de Marie, alors qu’ils avaient reçu ordre de n’adorer que Dieu l’Unique, en dehors duquel il n’y a point de divinité. Gloire à Lui ! Il est infiniment au-dessus de ce qu’ils prétendent Lui associer. » (2). Il dit aussi, dans la même sourate : « Ô vous qui croyait ! Un grand nombre de rabbins et de moines dévorent d’une manière illégale les biens de leurs semblables et les écartent de la Voie de Dieu. » (3).

Depuis la mort du Messager Mohammad, les interprétations n’ont cessé de se multiplier. Des personnes prétendant détenir une certaine connaissance des textes se sont mis et se sont imposés, comme parcours inévitable, entre les croyants et le Seigneur. L’histoire de l’exégèse et des interprétations, celle des écoles de jurisprudence dite « islamiques » et des courants doctrinaux, est témoin d’une nouvelle métamorphose, rapidement grandissante, de cette forme de trinité : (SeigneurIntermédiaireServiteur), et qui s’est installée dans le quotidien religieux en moins d’un siècle après la clôture de la révélation coranique, et y est restée en s’enracinant davantage le long des quatorze siècles derniers. Chose qui traduit le fait qu’entre le serviteur et Dieu, il faut d’abords passer par un intermédiaire, un exégète ou un interprète, un jurisconsulte ou un cheikh, …etc.

L’intermédiaire montre les limites de faire. Les frontières de penser. Les traditions de manger et de se revêtir…etc.

Différentes bannières des Mollahs :

Le Coran fait quelque 600 pages seulement ! Parlant clairement et sagement, aspirant à la tranquillité de l’esprit et à l’équilibre de la vie, et appelant à l’unité dans le respect de la diversité culturelle et de la pluralité sociale. Le patrimoine des intermédiaires, quant à lui, s’évalue à des milliards de milliards de pages, publiant des lectures et des avis, souvent contradictoires et divergents, appelant parfois à la haine et à l’intolérance, causant des conflits et des guerres, déchirant les croyants, d’abords entre musulmans et non musulmans, et ensuite entre courants différents, des chiites, des sounites et des soufis. Et à l’intérieur même d’une même tendance doctrinale, des sous courants se partagent l’espace géographique et le temps politique, des Hanbalites, des Malikites, des Hanafites, des Chaféites, des Dahirites… Et au sein même de chaque sous courant, l’espace et le temps sont à nouveau répartis en sous groupes divergents, les hanbalites par exemple se déclinent en plusieurs variétés contradictoires, des Salafiya Wahhabites, des Salafiya Frères Musulmans, des Salafiya Jihadistes,…et cela ne s’arrête guère.

Dans ce contexte, les « fatawa » comme « paroles » d’intermédiaires et comme « institutions », ont pris forme de références inéluctables, au fil des siècles. Elles représentent l’intitulé même de la complication de la révélation coranique par les intermédiaires. Le Coran qui est fondamentalement conçu par les soins de Dieu pour qu’il soit clair, évident et accessible à tout un chacun, à condition d’user bien sûr de la raison pour acquérir la foi, est devenu, a travers les fatawa très compliqué, inaccessible et référence instrumentalisée de toutes les controverses qui secouent la société moderne.

Dieu n’a donné à aucune personne le droit de parler en Son Nom, au contraire il rappelle dans le Coran, l’ensemble des devoirs et les limites à observer minutieusement, par tout le monde, religieux ou ordinaire, vis-à-vis des vérités et des prescriptions révélées. Dieu dit : « Ceux qui dissimulent les signes évidents et la bonne direction que Nous avons clairement révélés dans le Livre, ceux-là seront maudits de Dieu et de tous ceux qui peuvent les maudire, à l’exception de ceux qui se repentent, s’amendent, divulguent la vérité. A ceux-là J’accorderai Mon Pardon, car Je suis Plein de clémence et de compassion » (4). Il dit aussi : « Y a-t-il plus coupables que ceux qui inventent des mensonges sur le compte de Dieu ? Ceux-là comparaîtront devant leur Seigneur et les témoins s’écrieront : « Les voilà, ceux qui ont attribué des mensonges à leur Seigneur ! » Que la malédiction de Dieu s’abatte sur les coupables, qui détournent leurs semblables de la Voie de Dieu, qu’ils cherchent à rendre tortueuse et qui ne croient pas à la vie future ! » (5).

Responsabilités historiques des Mollahs :

La « fatwa » a participé durant les siècles révolus à la segmentation de l’espace et des esprits. Elle a causé des séquelles quasi permanentes empêchant les peuples et pays, doctrinalement et historiquement considérés comme « terre de l’islam », de se relever de nouveau pour participer activement dans le progrès pacifique que l’Humanité espèrent vivre dans son ensemble.

Le quotidien sanguinaire que vivent quelques pays arabes, à l’heure même de l’écriture de ce texte, est conséquence directe, ou indirecte, de « l’institution de la fatwa » et de l’instrumentalisation des textes religieux.

Les fantasmes qui alimentent les tensions entre « l’orient » et « l’occident », au moins du côté oriental, se basent essentiellement sur des fatawa très politisées.

Les exécutions de ceux qui sont excommuniés et qualifiés par des Mollahs, comme renégats ou apostats trouvent soutien et appui, uniquement dans des « fatawa » des écoles de jurisprudence et dans des textes mensongères, affectés délibérément au Messager Mohammad. Ni Le Coran, ni le Messager ne peuvent être considérés comme responsables des ambitions sanguinaires d’un certain nombre de Mollahs.

Au contraire, le Coran appelle à la « Liberté », dénonce toutes les entraves et n’impose aucune contrainte en matière de religion à quelque forme que ce soit. Il garantit à toute personne la possibilité d’agir, de penser, de croire, d’exprimer et de publier ses convictions et ses choix.

En plus de cela, Il donne l’exemple de cet esprit de liberté, d’ouverture sans limites et de dialogue, lui qui ne contient pas que les seules paroles de Dieu, mais aussi celles de Satan, de Pharaon, des détracteurs païens que connaît l’histoire humaine depuis la nuit des temps. Il publie ces paroles au même titre que les Sagesses divines !

La liberté est très chère et très précieuse, coraniquement parlant. Dieu dit à son sujet : « Point de contrainte en religion maintenant que la Vérité se distingue nettement de l’erreur » (6). Il dit aussi en s’adressant au Messager Mohammad : « Dis : la Vérité émane de votre Seigneur. Croira qui voudra et niera qui voudra ! » (7).

La lapidation ou le châtiment corporel à coup de pierres jusqu’à la mort, réservé aux femmes au nom de la chasteté, dans des soi disant « régimes islamiques », n’est écrit nul part dans le Coran, mais des Mollahs moyenâgeux, vivant sous l’emprise des régimes totalitaires et corrompus, ont inventé ce châtiment barbare et inhumain, qui rappelle une sorte de cannibalisme primitif et non pas l’esprit de miséricorde habitant le corps de l’idéal coranique.

En un mot, la situation chaotique dont laquelle baignent les pays dit « islamiques » n’est pas débarquée de nulle part, comme ça hasardeusement, mais elle est sortie de « l’utérus » même, de l’institution de la fatwa sous « accouchement » césarien et sans « péridurale ».

Aujourd’hui, des intermédiaires, traditionnels ou modernes, rigides ou adaptatifs, très médiatisés ou souterrains, essayent de maintenir la masse des croyants, sous la houlette des institutions de la fatwa. Ils défendent, corps et âme, l’idée reçue et largement émise, selon laquelle le Coran est très difficile à comprendre et à appréhender. Et que seuls les Cheikhs, ont la capacité mentale et intellectuelle de comprendre et d’expliquer, par la suite, à cette masse d’handicapés rationnels, ce que Dieu a voulu dire et prescrire. En remontant à la surface du débat, au début de ce 21ème siècle, des « momies » jurisprudentielles protégées dans des « pyramides » d’écritures héritées de l’ère médiévalo-abasside, et hautement conservées au moyen de « l’embaumement » politico-religieux.

Notes :

1-

Coran, 5, 116-117

2-

Coran, 9, 31

3-

Coran, 9, 34

4-

Coran, 2, 159-160

5-

Coran, 11, 18-19

6-

Coran, 2, 256

7-

Coran, 18, 29







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