La Rage de consommer
5042008Extrait du Livre :
Mollahs de la consommation – Décembre 2006
Par Mohamed LOUIZI
En mai 2004, les auteurs John de GRAAF, David WANN et Thomas NAYLOR, ont publié un livre chez les éditions FIDES, intitulé J’achète ! Combattre l’épidémie de surconsommation(1), étudiant et analysant les comportements de la surconsommation aux Etats Unies et même ailleurs, c’est à dire là où The Américain Dream multiplie les adeptes.
Le livre propose une lecture assez argumentée du quotidien de la surconsommation. Il s’est appuyé sur des données statistiques silencieuses et glaciales prouvant que nous sommes tous atteint, à des degrés très rapprochés, d’un virus social appelé : la rage de consommer.
Ce dernier se caractérise par les traits suivants : état pénible, contagieux, socialement transmissible, surcharge, endettement, anxiété et gaspillage. Résultant de la volonté acharnée d’avoir toujours plus et qui menace sérieusement les portes feuilles, les amitiés, les familles, les communautés et l’environnement (2).
Le livre traite ce virus, en montrant ses symptômes, en indiquant ses causes directes et indirectes et en proposant des « vaccins » et des « antidotes » efficaces visant à une guérison permanente et à un retour à des styles de vie moins coûteux et plus humains(3).
Ce virus se traduit dans les apparences par la fièvre du shopping, l’épidémie des faillites, l’enflure des attentes, la congestion chronique, le stress de l’excès, les convulsions familiales, le sentiment d’inutilité, l’épuisement des ressources naturelles, la dépendance aux choses matériels, l’insatisfaction quasi permanente…etc. (4)
Et pour s’arrêter que sur l’élément qui nous intéresse, le livre déplore que le nombre de personnes déclarant faillites chaque année, aux Etats Unies, est beaucoup plus élevé que le nombre de diplômés universitaires. La dette des gens en faillites est équivaut à 22 mois de salaires(5), mais faut-il d’abord trouver un travail permettant et aidant au remboursement de ses dettes. La chroniqueuse Ellen Goodman, dans All Consuming Passion, résume ce cycle vicieux dont lequel s’abrite des individus et des familles, ainsi : « La norme, c’est de porter des vêtements qu’on achète pour aller travailler, de traverser des embouteillages dans une voiture qu’on est encore entrain de payer, afin d’obtenir l’emploi dont on a besoin pour pouvoir se payer les vêtements, la voiture et la maison, qu’on laisse vide toute la journée pour pouvoir se permettre d’y habiter » (6).
Ce style de surconsommation a rendu la vie insupportable, routinière et vide de sens. Lorsque la Mère Teresa vint aux Etats-Unis pour recevoir un diplôme honorifique, elle déclara : « C’est l’endroit le plus pauvre que j’aie jamais vu ! »(7). Robert Seiple, directeur de l’organisation caritative chrétienne « Vision Mondiale », ajoute qu’ : « Elle ne parlait pas de l’économie, des fonds communs de placement, de Wall Street, ni du pouvoir d’achat. Elle parlait de la pauvreté de l’âme » (8). Dans le même sens, Lee Atwater, stratège électoral du Parti républicain, a fait un aveu peu avant de mourir d’une tumeur cérébrale, il a dit : « Les années 1980, c’était l’acquisition : celle de la richesse, du pouvoir, du prestige. Je le sais. J’ai acquis plus de richesses, de pouvoir et de prestige que la plupart des gens. Mais on a beau acquérir tout ce qu’on veut, on finit tout de même par se sentir vide » (9).
La rage de consommer est aussi un problème familial. Certaines études montrent, qu’à cause de cette maladie, et en l’espace d’une génération, le temps que les parents consacrent à leurs enfants a décliné d’au moins 40%. Puisque les parents travaillent davantage, pour gagner davantage, pour acheter davantage, mais aussi pour rembourser leurs dettes. L’une de ses études a démontré que les couples américains trouvent à peine 12 minutes par jour pour se parler !
La rivalité avec les voisins mène plusieurs familles à l’endettement et engendre des conflits latents sur les questions d’argent qui entraînent souvent la séparation et l’éclatement de la famille. Les conseillers dans les relations familiales rapportent que les discussions sur l’argent constituent un facteur qui précipite 90% des cas de divorce engendrant des situations sociales chaotiques et très coûteuses sur tous les plans : éducatif, sécuritaire, social, économique…
Pour plus de détails sur cette maladie, une lecture de ce livre, est vivement conseillé, elle montrera d’autres facettes diaboliques de la rage de consommer touchant la totalité des gens, quelque soit leur religion, leur système de valeur, de référence, leur éducation ou leur statut socioprofessionnel.
Faillites personnelles, ici et ailleurs
Aujourd’hui, plusieurs études statistiques publiées parlent des menaces réelles que causent « la rage de consommer » arrosée par la pratique de l’usure dans les sociétés « occidentales ». Des articles nous interpellent sur l’explosion des faillites en Grande Bretagne, d’autres alertent sur l’état de surendettement en France ou sur les pulsions catastrophiques de surconsommation attisées par les prêts à intérêt aux Etats-Unies…etc.
Le Figaro a publié un article le 20 mai 2006, intitulé « Inquiétudes sur le niveau d’endettement des ménages » alertant sur le surendettement. Pour l’auteur : « La vraie raison de s’alarmer se trouve du côté du surendettement des Français. Selon la Banque de France, les crédits à l’habitat ont augmenté de 15% l’an dernier, soit un rythme double de celui des crédits à l’investissement des entreprises ». «Par rapport à leur revenu disponible, l’endettement des ménages est passé de 49% en 1995 à 57% en 2003 et 64% en 2005», s’est inquiété le gouverneur de la Banque, Christian Noyer, dans sa lettre annuelle au président de la République. «La solvabilité des Français atteint des seuils critiques», résument les économistes de la Société Générale.
L’émission télévisée « C dans l’air », de la chaîne publique française « France 5 », a choisit comme thème de l’une de ses débats, diffusé pour la dernière fois le vendredi 16 juin 2006, le thème « Vivre à crédit », en invitant Robert Rochefort (Sociologue et directeur du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), Marie-jeanne Husset (Directrice de rédaction du mensuel 60 millions de consommateurs) et Elie Cohen (Economiste, directeur de recherche du Centre national de recherche scientifique au CEVIPOF). Lors de cette émission, les intervenants ont commenté et analysé, entre autres, le dernier rapport de la Banque de France, rendu publique le 23 mai 2006, annonçant que le taux d’endettement des ménages français atteint un niveau record en 2005, avec une dette qui a représenté 64 % du revenu disponible brut.
L’endettement s’est accéléré en 2005, en augmentant de 10,5 %, contre 9,9 % en 2004. Selon l’Observatoire de l’Endettement des Ménages (OEM), 52,6 % des ménages français étaient endettés en novembre 2005. 73 % des débiteurs surendettés le deviennent de manière passive, c’est-à-dire à la suite d’accidents de la vie. La perte de son emploi demeure le facteur dominant (31 %), suivi du divorce, de la séparation ou du décès du conjoint (17 %).
Cette progression est due à la poursuite de la hausse des prêts à l’habitat, les crédits à court terme ne représentant que 4,5 % de l’encours total de dettes des ménages. Le crédit fait des ravages et jamais les ménages n’ont eu de dettes aussi importantes en France. Sans compter les faillites personnelles de plus en plus nombreuses. La France demeure malgré tout beaucoup moins endettée que la plupart de ses voisins européen, et donc extrêmement moins que les ménages américains, dont le taux d’endettement est de l’ordre de 130 % de leur revenu disponible.
Sébastien MARTIN, du journal Le Figaro, a publié le 8 août 2006, un article intitulé « Les faillites personnelles explosent au Royaume-Uni ». Il rappelle des chiffres réels, traduisant cela. Quelque 26 000 personnes se sont déclarées en faillites personnelles au deuxième semestre soit un bond de 66 % par rapport au chiffre de la même période de l’an dernier. À ce rythme la barre de 100 000 faillites individuelles devrait être dépassée pour la première fois cette année, soit plus qu’un doublement en deux ans.
Marie Phoenix a publié un autre article, le 6 février 2006, allant dans le même sens et intitulé « Immobilier UK : nombre record des faillites personnelles » sur le site : leblogefinance.com, en se basant sur un dépêche de l’AFP, montrant que le nombre de ménages britanniques contraints de se déclarer en faillite en raison d’une dette devenue insupportable a battu un nouveau sommet en 2005, avec 67 580 foyers, selon les derniers chiffres officiels publiés. Le nombre de faillites est en hausse de 45% par rapport à 2004, traduisant une augmentation record jamais atteinte depuis 45 ans. En 2005, 10 260 ménages britanniques, incapables de rembourser leurs emprunts, ont été dépossédés de leur maison. Soit 70 % de plus qu’en 2004.
Dans le site Internet officiel de La Poste Suisse, un article publié le 4 août 2006, attire l’attention, par son titre d’abord « Personne n’est immunisé contre l’endettement » et par ses données relativement inquiétantes. Selon l’auteur, le nombre des faillites personnelles a atteint un nouveau record cette année, Les chiffres enregistrés par l’Association Suisse des Sociétés Fiduciaires de Recouvrement (VSI) montrent que bon nombre de citoyens suisses sont aussi endettés. Les branches des commandements de payer, des faillites et des exécutions de saisies ont enregistré des valeurs records: en 2005, les sociétés membres de la VSI ont émis environ 850 000 mandats d’encaissement et environ 1 million de mises en demeure. Le volume des créances s’élevait à 3,7 milliards de francs (1 CHF = 0,648 EURO).
En Belgique, et malgré la légère baisse du nombre de surendettés de 2004 à 2005, expliquée principalement par les modifications techniques légales, le chiffre reste colossal. A la fin de l’année 2005, 343 020 personnes (ou 501 102 contrats de crédit pour un montant de 1,84 milliard d’euros) en défaut de paiement pour les contrats de crédit à la consommation et d’emprunts hypothécaires, étaient répertoriées auprès de la Banque nationale de Belgique. Cela équivaut à 4,2% de la population adulte (10)
Le 12 avril 2006, Georges Quioc a publié un article dans Le Figaro, intitulé « Les faillites personnelles en plein boom aux Etats-Unis », qui montre que plus de deux millions d’américains se sont déclarés en faillite personnelle l’année dernière, soit 30% de plus que l’année précédente, selon les statistiques judiciaires américaines. Sur le seul dernier trimestre 2005, leur nombre a bondi de 80%.
Ce fléau de l’endettement et du surendettement est devenu un phénomène généralisé sur l’ensemble des ménages, suivant le style de vie matérialiste ou le Américan way of life, que ce soit dans les pays européens et américains ou même dans les pays dits « en voie de développement ».
Notes :
1- John de Graaf, David Wann, Thomas Naylor, J’achète ! Combattre l’épidémie de surconsommation, Traduction de Michel Saint-Germain, Les Editions FIDES, 2004
2- Ibid., page 22.
3- Ibid., pages 241 à 330.
4- Ibid., pages 35 à 165.
5- Ibid, page 48.
6- Ibid, page 68.
7- Ibid., page 114.
8- Ibid., page 114.
9- Ibid., page 114.
10- Source : Observatoire du Crédit et de l’Endettement (2004), Crédit et endettement des ménages. 10 ans d’Observatoire, p. 15. publié sur le site : http://www.luttepauvrete.be/chiffres_surendettement.htm
A suivre prochainement:
« Rage de Consommer: Vaccins pour se guérir !«
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