Tempête artificielle autour de l’annulation d’un mariage
3 06 2008Par Jean-Pierre ROSENCZVEIG
(Président du tribunal pour enfants de Bobigny)
Rarement une décision de justice aura fait contre elle une telle unanimité que ce jugement du TGI de Lille annulant un mariage à la demande du mari qui avait découvert lors de la nuit de noce que son épousée n’avait pas la virginité à laquelle il s’attendait. L’époux se plaignait de la tromperie sur une qualité essentielle de celle qui était devenue sa femme.
Les instances en annulation de mariage sont rares (600 environ pour 230 000 mariages par an) et de mémoire de juriste on ne trouve pas de décision équivalente à celle de Lille.
Des égéries du droit des droits des femmes ont démarré au quart de tour à l’image d’Elizabeth Badinter qui s’offusque de ce que la virginité des femmes puisse encore être une référence et qui sans craindre l’emphase et l’excès déclare avoir « honte de la justice française ». La secrétaire d’Etat aux droits des femmes affirme avoir été révulsée toute la journée par cette décision. Fadila Amara secrétaire d’Etat à la politique de la ville et ancienne présidente de « Ni putes, ni soumises » n’est pas la dernière à manifester son indignation, Sihem Habchi actuelle présidente de l’association affirmant pour sa part que cette décision équivaut à « une véritable fatwa contre la liberté des femmes « (sic). Pour le conseiller juridique de l’Elysée – Dominique Paillé – si on tient la décision pour légale il faut changer la loi au plus vite. A gauche comme à droite le discours public commun est de s’offusquer contre cette décision considérée comme une décision rétrograde qui ramènerait les femmes à devoir venir vierges au mariage.
La seule voix divergente est celle de la garde de sceaux Rachida Dati, interpellée sur la légalité de cette décision de justice et invitée à la combattre. On invite la Chancellerie à faire appel ou à engager un recours dans l’intérêt de la loi devant la Cour de Cassation. En l’état elle s’y refuse.
Et bien évidemment, cette voix dissonante cristallise elle-même la critique voire entraîne dans les médias des attaques indignes et choquantes tirées de l’histoire personnelle de la ministre.
Il est évident que le fait que la mariée ne soit plus vierge, pas plus que celui que le marié ait eu des relations sexuelles avant mariage, ne saurait être au XXI° siècle un argument pour annuler un mariage. On aurait même tendance à penser qu’il est souhaitable que les deux époux aient pu avoir une vie riche et pleine avant se marier, de se poser, de s’engager solennellement avec la femme ou l’homme de leur vie. On ne doit pas oublier qu’avec l’allongement de la durée de la vie ils peuvent sans trop de difficultés atteindre les noces d’or dès lors qu’ils franchissent le cas fatidique des 5 ans et quart de mariage période où se cristallisent un maximum de crises conjugales débouchant sur le divorce.
Il est tout aussi évident qu’on ne doit pas négliger que pour une partie de la population – y compris de jeunes filles – la donne machiste reste forte : pour ceux là il faut que les femmes arrivent vierges au mariage. On sait même que certains ” vendent” – 8000 euros pour le dernier chiffre que j’ai repéré dans mon cabinet – cette virginité. Tout cela est suranné, condamnable, complètement en opposition avec l’idée des droits humains universels. Chaque femme, chaque homme doit être libre de sa vie affective et sexuelle et doit pouvoir se marier ou pas.
On sait la pression qui pèse sur certaines jeunes filles qui ne peuvent pas assumer devant leur famille de n’être plus vierges et d’avoir eu des relations sexuelles hors ou avant mariage. Des officines fleurissent en France comme à l’étranger pour reconstituer des hymens afin de pouvoir retrouver place dans la communauté ou ne pas la perdre !
Comment ne pas être choqué de cette pression communautaire ? Et il serait hâtif de ne viser qu’une communauté… On sait que certains médecins sont régulièrement sollicités pour délivrer des certificats de virginité notamment dans des milieux catholiques ou musulmans. Comment ne pas être indigné de constater que bien évidemment ce sont d’abord sinon essentiellement les femmes qui subissent cette pression ? Pour les hommes on continue à penser que c’est plutôt un bon point qu’ils aient vécu avant le mariage.
On doit entendre ces sensibilités qu’on ne partage pas, on doit les combattre. Et la loi a consacré certaines avancées dans le champ privé comme celle qui veut qu’un époux puisse être poursuivi pour viol s’il abuse de sa femme. Le droit général d’entretenir des relations sexuelles ne soulage pas de l’obligation de demander une autorisation ponctuelle !
Mais dans cette affaire la désinformation est majeure. Ainsi comment titrer “un mariage cassé pour faute de chasteté” (Métro 30 mai 2008)?
La question posée aux juges lillois n’était pas celle de la virginité au mariage ou celle de la chasteté avant la mariage, mais celle de savoir, pour annuler un mariage, si la mariée avait trompé son époux sur un élément essentiel.
Le mari l’affirme, la jeune femme l’admet.
C’est ce mensonge qui veut annulation du mariage qui rappelons-le est un contrat, certes encadré par la loi (avoir 18 ans sauf dispense du procureur, donner personnellement son consentement, être de sexes différents, etc.), mais est bien d’abord une convention entre un homme et une femme qui désirent unir leur vie.
Pour des raisons qui sont les siennes l’époux voulait s’unir à une femme n’ayant jamais connu bibliquement d’autres hommes (ah le mythe de la virginité !) et, on le suppose, à une femme appelée à ne point en connaître d’autres hommes dans le temps du mariage. C’est un projet de vie comme un autre. Certaines veulent des enfants ou refusent d’en avoir.
Après tout la femme aurait pu avoir également une telle exigence et avancer le souci d’être la seule femme de son homme.
On pourrait imaginer à l’inverse un homme qui souhaiterait une femme expérimentée pour ne pas supporter l’inexpérience!
L’épouse n’ignorait pas les attentes de son futur ; elle devait savoir que c’était essentiel pour lui au point de ne pas lui dire la vérité de face quitte à assumer une rupture. Elle admet devant les juges avoir trompé sur ce point son époux. Avait-elle été forcée à se marier ?
De la même manière un mariage aurait encouru l’annulation si la femme soucieuse d’avoir des enfants et qui ne l’avait pas caché à son futur apprenait que, se sachant stérile, son époux lui avait caché cette donnée essentielle.
Les juges ont déjà annulé un mariage dans un cas où un conjoint avait caché qu’il avait déjà été marié ou un autre qu’il avait été condamné dans une affaire de droit commun ; dans d’autres cas on a retenu que l’un des conjoint avait trompé l’autre sur sa nationalité ou sur son aptitude à avoir des relations sexuelles normales.
En droit – article 180 du code civil - on parle de « qualité essentielle de la personne», mais chacun aura compris qu’en l’espèce, peu importe pourquoi, référence religieuse ou autre, les deux époux s’étaient accordés sur un point, l’un trompant sciemment l’autre sur ce sujet.
Certains jettent des cris d’orfraie en prétendant que la virginité ne peut pas faire l’objet de convention. J’avoue pour le coup ne pas comprendre. On est dans le strict registre privé.
Des futurs époux y attachent un intérêt; d’autres pas. La société n’a pas à intervenir sur ce terrain. Et en l’espèce elle n’intervient pas sur ce sujet, mais sur le mensonge au moment de conclure ce contrat fondamental pour la vie de chacun qu’est le mariage, pour ses conséquences et sachant qu’on n’en sort quand même pas aisément.
Etant observé que si l’un – en l’espèce Madame – ne peut pas assumer sa vie passée face à celui avec lequel elle entend s’unir et si celui-ci attache une importance à ce point à ce sujet, l’union est mal embarquée. Si ce n’est pas une annulation de mariage, c’est un divorce qui se profile. A moins qu’on n’oblige (comment ?) les époux à rester mariés et vivre ensemble ?
La ministre de la justice a donc raison de se positionner comme elle l’a fait sur la question de principe qui était posée.
Beaucoup sont allés un peu vite en commentaires avec des propos incendiaires et démesurés. On est dans un procès privé, entre personnes douées de discernement, d’une trentaine d’années si je ne m’abuse pour le mari, une vingtaine pour l’épouse. Cette dame, dans un premier temps, a sûrement pensé que son mari ne réagirait pas comme il l’a fait en constatant qu’elle n’était pas vierge ; apparemment elle n’a pas réussi à le convaincre de passer outre. Peut-être en fin de compte l’a-t-elle échappé belle de ne pas rester mariée à un homme à ce point attaché à de telles valeurs machistes !
De là à crier au retour de l’obscurantisme il y a un plus qu’un pas. J’aimerais savoir ce que font tous ceux qui vilipendent cette décision pour aider au quotidien les femmes de France encore prisonnières des pressions qui pèsent sur elles et pour faire entendre aux hommes qu’une femme n’est pas un objet d’appropriation.
On a hâte de voir une femme engager un procès pour annulation de mariage en excipant que son conjoint n’est pas à l’égal de ce que qu’il lui avait laissé miroiter. Un tel procès rééquilibrera peut être les plateaux de la balance.
En tous cas la décision de Lille me semble juridiquement imparable si l’on s’attache seulement aux dires des principaux concernés. On est dans un procès civil où l’ordre public n’est pas troublé. Il faut s’attacher à ce qui aux yeux des intéressés est essentiel et surtout au fait que l’un a tenté de tromper l’autre sur une question essentielle aux yeux de chacun et de nature à rendre la vie commune impossible.
Il n’y a pas matière à changer la loi sur l’annulation du mariage. Il n’y a pas régression du statut des femmes. On ne peut pas parler de répudiation. Peut être même, comme l’avance la ministre de la justice, certaines femmes mariées contre leur gré trouveront là matière à se libérer.
Reste qu’une question qui me tarabuste : si sur tous les sujets de société qui émergent les termes sont autant pipés, comment parviendront nous à y apporter de vraies et bonnes réponses ?
Source :
Cher Mohamed,
C’est un sujet qui devrait bien faire jaser encore, et je suis surpris d’avoir « l’honneur » d’être le premier à pouvoir publier mon petit commentaire là-dessus sur ton blog..
Je suis d’abord outré par la récupération douteuse qui est faite de cette affaire. Une personne décide, conformément à la loi, d’annuler son mariage -qui demeure sur le plan juridique un contrat établi entre deux parties-, suite au mensonge de l’autre personne sur un aspect qui pour lui est important. C’est tout à fait légal, et acceptable, et je suis agacé par l’aubaine que semblent avoir trouvés tous les hérauts d’une bien-pensance bien éthérée pour faire leurs gorges chaudes de la vie privée d’autrui. Tous ces politiciens et ces personnalités publiques en manque d’audience, ou encore ces quelques « féministes » en perte de vitesse saisissent la balle au bond, oubliant que la non-virginité de la jeune femme n’est pas en jeu, mais bien plutôt le fait qu’elle ait menti sur ce qui -elle le savait- importait beaucoup à son futur mari qui ne le sera pas. J’aurais personnellement fais la même chose que le monsieur. Une relation de couple est basée sur la confiance, si celle-ci est trahie avant même le mariage établi, alors je ne vois pas sur quoi le mariage va tenir..
Surtout, je ne peux que constater la dérive de plus en plus probante de notre Etat qui se voulait jusqu’alors laïc, c’est à dire de ne pas intervenir dans la sphère du religieux et à respecter toute séparation entre l’Eglise (les religions en général) et l’Etat. Les saillies nombreuses contre cette banale décision de justice révèlent en filigrane la volonté non plus laïque, mais bien plutôt laïciste, visant non plus à protéger chaque citoyen dans ses croyances -et d’ailleurs l’homme aurait pu très bien être athée et souhaiter que sa future femme soit vierge ou n’ait pas couché avec une pléthore d’hommes avant lui, et vice-versa d’ailleurs, ce serait son droit à elle de l’exiger aussi- mais bien à imposer un idéal de société libertin et débauchard, ce qui est proprement scandaleux.
A lire les débats et articles sur ce fait divers, on à l’impression qu’il est devenu interdit pour une personne, qu’elle que soit son sexe d’ailleurs, de vouloir se préserver de la fornication. Pour être de bons citoyens, il faudrait être vendus à la phallocratie et l’injonction permanente à une sexualité débridée et sans limites. L’esprit de mai 68, qui se voulait combattre une certaine forme d’oppression (non sans dogmatisme primitif avec ses slogans creux « il est interdit d’interdire », etc..) vient à son tour imposer ses verrous sur la société en terme de moeurs et exiger son ultra-fornication et son ultra-sexualité comme normes ambiantes. Combien de gens sont malheureux à cause de ces valeurs délétères.. L’Amour avec un grand a disparait pour s’effacer devant l’accumulation d’amours, avec un petit « a » et un « s », qui cache en fait beaucoup de « s ».. On ne peut plus envisager de ne souhaiter s’unir qu’à une seule personne jusqu’à la fin de sa vie sans être taxé d »obscurantiste » ou de « rétrograde » -un avis que semble partager d’ailleurs l’auteur du texte au passage (ou alors doit-il se sentir obligé de donner un gage en ce sens pour que sa parole puisse être entendue? Enfin c’est tout de même révélateur d’un état d’esprit ambiant..).
Et arrêtons l’hypocrisie, l’interdiction de la fornication et des relations sexuelles hors-mariages demeure un des piliers de base dans les trois grandes religions monothéistes, et à fortiori surtout dans l’Islam. La capacité d’un être humain à se préserver sur ce plan et à faire preuve de patience et de vertu constituent de plus des valeurs universelles garantes de la paix sociale. Penser qu’en stigmatisant à tout bout de champ les réfractaires qui osent refuser d’appliquer un mode de vie basé sur la débauche relève de la dangereuse ignorance.. Il est intéressant de constater comment la presse française, rédigée par une collection de journaleux hédonistes à la déontologie versatile, fait figure d’organe peu ouvert à toute expression autre que la « bonne parole » des partisans du il-faut-s’amuser-profiter-de-la-vie qui d’ailleurs est du même acabit que celle qui nous pousse à consommer. Celui qui refuse de se laisser entraîner dans la course aux richesses ou la course à la fornication devient du coup largement immunisé contre les sentiments de frustration profonds que de telles normes hédonistes viennent à créer. Il devient du coup bien gênant pour nos sociétés d’ultra-consommation qui ont besoin de la frustration de l’individu comme vecteur de son aliénation et donc comme moteur pour la consommation.. D’où le rappel à l’ordre soudain qui essaye de se justifier par cette affaire..
Chacun doit rester libre de ses choix, et l’exploitation cynique de cette banale affaire de justice est de bien mauvaise augure en ce qui concerne la qualité du débat public dans notre pays sur les questions de société..
salam ‘aleikoum
J’avais l’intention de laisser un petit commentaire mais après avoir lu votre commentaire, Yamine, je n’ai rien à ajouter. C’était un bonheur de vous lire et je n’aurais pu faire mieux, ni dans la forme ni dans le fond.
Bonjour, tout ça aura au moins ,le mérite qu’on en parle, pour ma part, tout ceci est d une autre époque,Si cette femme avait voulu annulé son mariage,pour les mêmes raisons que son mari,aurai t’elle eu gain de cause?
François
Dernière publication sur L'air du temps: , ,A tous pour lutter contre le fanatisme,et l'obscurantisme. : Condom ville Gersoise.
Paix sur vous!
Chère Nadia je vous remercie si mon commentaire vous a fait plaisir et vous vous y retrouvez et bien alors ce fut également un plaisir pour moi de l’avoir écris, et il n’aura pas servit à rien. Cher François j’imagine que dans l’esprit de cette décision de justice si la femme avait voulu annuler ce mariage pour la même raison, par exemple en découvrant que l’homme avait déjà eu une relation sexuelle avec une autre femme (en découvrant par exemple qu’il était marié ou alors d’une autre manière), je suppose que le mariage aurait été également annulé. Et d’ailleurs la décision n’aurait en ce sens pas soulevé le tollé qu’elle a pu susciter j’imagine, puisqu’il aurait été bien plus mal aisé de la decrier au nom de la lutte manichéenne contre « l’oppression masculine » et pour la « liberté » des femmes. Le problème ce serait pour la femme de s’en rendre compte, alors que pour un homme il est bien plus aisé de vérifier la non-virginité de son épouse (si on exclut les cas de rupture accidentelle ou de reconstitution chirurgicale de l’hymen).
Salaam
Bonjour,
Je ne vois pas en quoi l’annulation du mariage a èté mondialisé?
Je vois que tous le monde on parle dans leur blog.
Je trouve trés louche cette histoire. Tellement bizar que je vous avourais je me suis pas du tout interessé à cette histoire.
Eh oui! les religion interdissent les rapport sexuelle avant mariage. Mais ce n’est pas une raison d’interdire à se marié avec une non viérge! aprés c’est une question de choix!
C’est encore une façon de donner une mauvaise image au Musulman!!