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Il était une fois … un inféodé sur le chemin de Damas : histoire de Abou Hourayra (9)

31102008

Par Mohamed LOUIZI

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9- Abou Hourayra, chantre au service des Omeyyades ! (1)

Abou Hourayra était surnommé aussi le cheikh de la Madirah, surtout depuis son allégeance ostentatoire faite à Mouawiyah(1) et aux Omeyyades(2) ! 

A base de viande – Halal ! – et de lait, la Madirah était la soupe préférée de Mouawiyah qui la servait volontiers à ses hôtes, à ses mercenaires et à ses alliés. On raconte que Abou Hourayra raffolait également de ce plat « omeyyade » plus que de n’importe quel autre délice, à tel point que ses contemporains utilisaient cet aveu de faiblesse gastronomique contre lui, et s’en servaient pour lui lancer des pointes assaisonnées de fortes doses d’ironie et de satire !

Badii Az-Zamane Al Hamadani, romancier qui excelle dans l’art de la Maqãma (sorte de roman picaresque en prose rimée), s’est servi de l’une de ses œuvres littéraires intitulée  la Maqãma Madiriah, pour se moquer implicitement de Abou Hourayra, s’empiffrant de la Madirah tout en prenant le parti de Mouawiyah contre Ali Ibn Abi Taleb et en reconnaissant sa légitimité en tant qu’imam et calife !(3)

Az-Zamakhchari relate dans son livre Rabiî Al Abrar que Abou Hourayra mangeait la Madirah avec Mouawiyah après avoir fait la prière avec son adversaire Ali ! Et quand les gens lui posaient la question sur l’incohérence de son propre comportement, Abou Hourayra répondait sans état d’âme que : « La Madirah de Mouawiyah est certes plus succulente et plus grasse mais la prière derrière Ali reste meilleure ! »(4). D’où le proverbe arabe : « Faire la prière derrière Ali et manger sur les tables de Mouawiyah », une façon de joindre l’utile à l’agréable et aussi d’avoir le séant entre deux chaises !

En effet, Abou Hourayra s’est vendu à la cause des Omeyyades depuis les premiers jours de leur dynastie. Il n’avait pourtant aucune des qualités requises pour séduire Mouawiyah qui était en quête de légitimité comparativement à celle de Ali Ibn Abi Taleb et de ses enfants.

D’abord, Abou Hourayra n’était ni originaire de la Mecque ni descendant de Omeyyah, ancêtre des Omeyyades, il ne pouvait donc apporter aucun soutien ni familial ni tribal à Mouawiyah !

Militaire, il n’était guère assez courageux pour soutenir et défendre, avec son propre sabre, Mouawiyah et son Empire. D’ailleurs, Mahmoud Abou Rayyah confirme dans son livre cité précédemment, que Abou Hourayra n’avait participé à aucune conquête ni expédition, ni avant ni après sa conversion(5) ! La seule information historique – rapportée elle aussi par Abou Hourayra (!) – qui stipule qu’il avait participé à la conquête de Mu’ta en l’an 8 de l’hégire, est complétée par une autre information qui confirme qu’il avait fuit la guerre par peur et par lâcheté(6) ! Pour Mahmoud Abou Rayyah, cette lâcheté détestable aurait été aussi l’une des raisons qui motivait son exclusion forcée à Bahreïn du vivant du prophète ! Raison pour laquelle, Abou Hourayra ne pouvait pas proposer des services militaires utiles à Mouawiyah ! 

Il n’était pas non plus assez fortuné pour pouvoir soutenir économiquement les Omeyyades, surtout après que Omar Ibn Al Khattab lui eut repris l’argent qu’il avait détourné quand il était gouverneur de Bahreïn. Il vivait, depuis, dans la misère et peut-être avec les revenus modestes d’un emploi précaire !

De plus, Abou Hourayra n’était pas non plus un stratège politique qui pouvait à ce titre conseiller et éclairer les choix de Mouawiyah car si cela avait été le cas, pourquoi aucun  des quatre califes n’avait-il fait de lui l’un de ses conseillers les plus proches ?

Il n’était pas non plus poète et on sait que les poètes jouaient à cette époque – et même aujourd’hui encore dans certains pays du Golfe – le rôle des médias de propagande au service du palais sultanesque. Ceux-là faisaient les éloges de l’Empereur, chantaient les mérites des princes, glorifiaient les héros de l’armée et se moquaient des ennemis. On parle même des poètes comme Al Farazdaq(7), Jarir(8), Al Akhtal(9),… qui soutenaient les Omeyyades en contrepartie de l’acquisition du prestige social et de l’argent, une sorte de mercenariat poétique qui était largement répandu à l’époque. D’ailleurs, Abdelamlik Ibn Marwane – cinquième roi de la dynastie omeyyade de 685 à 705 – avait dit un jour : « Chaque dynastie a son poète. Le poète des Omeyyades est Al Akhtal ! »(10).

Étant analphabète et sans qualification littéraire, Abou Hourayra ne pouvait pas prétendre à cette fonction honorifique. Cela explique aussi sa jalousie développée contre les poètes. On peut comprendre pourquoi il avait cité un jour ce Hadith : « Il vaut mieux pour un homme que sa cavité soit remplie de pus et de sang plutôt qu’elle soit plein de poésie »(11). Par conséquent, Mouawiyah ne pouvait pas compter sur ses piètres talents pour remplir cette mission de propagandiste !

En résumé, si Abou Hourayra n’était ni descendant de la noblesse mecquoise, ni brave militaire, ni richard fortuné, ni stratège surdoué, ni poète inspiré… Comment a-t-il alors réussi à séduire Mouawiyah ? Quel genre de service extraordinaire lui a-t-il proposé et rendu ?

Il se peut que Kaâb Al Ahbar ait joué un rôle de médiateur décisif dans ce rapprochement entre Mouawiyah et Abou Hourayra, puisqu’il était à la fois l’un des consultants politiques privilégiés de Mouawiyah à Damas et aussi l’une des références théologiques favorites de Abou Hourayra ! Un tel rapprochement ne pouvait être que bénéfique pour la stratégie de Kaâb qui exigeait non seulement un canal d’infiltration et de transmission incarné par Abou Hourayra mais aussi un pouvoir politique puissant pouvant assurer la légitimité et l’officialisation des informations transmises par l’intermédiaire de Mouawiyah.

Une autre raison aurait toutefois facilité la « servitude volontaire »(12) de Abou Hourayra à la cause des Omeyyades. En effet, Abou Hourayra aurait assuré aux Omeyyades l’assise et la légitimité religieuses qui leur faisaient défaut face à Ali Ibn Abi Taleb. Et ce, en inventant des Hadiths attribués mensongèrement au prophète tout en répondant à l’obsession du pouvoir politique convoité par les Omeyyades !

Comment cela était-il possible, surtout quand on sait qu’à cette même époque Abou Hourayra souffrait lui-même d’une absence de légitimité religieuse ? Il fallait en acquérir une, puis essayer de gagner, par la suite, la confiance de Mouawiyah !

Voici pourquoi la première étape de la stratégie que poursuivait Abou Hourayra était d’abord de se refaire l’image d’un héritier privilégié du savoir prophétique, en multipliant les contes sur le prophète et en répondant à tous genres de questions, même à celles qui, justement, le remettaient  en question, comme cela a été montré dans les paragraphes et articles précédents.

Aucun des arguments que Abou Hourayra avait conçu pour assurer sa propre défense n’était crédible. Ses salamalecs ou ses « salades » verbales ne faisaient que concentrer davantage de doutes sur lui. Toutefois, il savait pertinemment que sa répétition inlassable des mêmes mensonges les rendait relativement crédibles, tout au moins aux yeux de Mouawiyah. D’autant plus qu’à cette période, bon nombre de compagnons très proches du prophète et pouvant encore contredire Abou Hourayra et le remettre à sa place avaient déjà disparus.

Un proverbe nous dit que « Au royaume des aveugles les borgnes sont rois ».  Et comme les Omeyyades avaient le vent en poupe, les voiles de Abou Hourayra « n’attendaient » plus que ça pour se regonfler sans retenue et avec un maximum d’approximations et de mensonges !

(A suivre …)

Notes :

1- Après l’assassinat du troisième calife Ottmane Ibn Affane, Mouawiyah cria vengeance et conduit la guerre de Siffin contre le quatrième calife Ali Ibn Abi Taleb en l’an 657. En 660, il se fait proclamer calife à Jérusalem. En 661, Ali est assassiné par un Kharijite. Mouawiyah devient dès lors le premier roi omeyyade prenant de Damas la capitale de sa dynastie. En 668, Mouawiyah reconnaît Yazid, son fils, comme son successeur. Il ordonne aux habitants de Damas de prêter serment de fidélité et d’allégeance à son fils. Le régime de gouvernance devient héréditaire et perd son caractère pseudo électif.

2- Dynastie de rois qui gouvernèrent le monde musulman conquis de 662 à 750. Les Omeyyades furent ensuite détrônés en 750 par les Abbassides, qui fondèrent une nouvelle dynastie à Bagdad en Irak.

3- Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.62-63

4- Ibid., p.62

5- Ibid., p.80-81

6- Ibid., p.80-81

7- Né au Koweït en 641. Inspiré, il a servit poétiquement les omeyyades jusqu’à sa mort en 732. Connu par sa poésie satirique.    

8- Né à Riyad en Arabie Saoudite pendant le califat de Ottmane Ibn Affane. L’un des poètes omeyyades les plus influents. Connu lui aussi par sa poésie satirique surtout dans les échanges avec Al Farazdaq. Décédé quelques mois après la mort de celui-ci

9- Poète chrétien, il avait mis sa poésie au service de la dynastie omeyyade jusqu’à sa mort survenu en 708.

10- Souléïmène Harytani, Al Khamrah, Dâr Al Hassad, Damas, 1996, p.77

11- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.153

12- « Servitude volontaire » est un néologisme utilisé en 1549 par Étienne de la Boétie –  à l’âge de 18 ans –  dans son réquisitoire contre l’absolutisme et les régimes tyranniques «Discours de la servitude volontaire ou le Contr’un ». Pour l’auteur, le secret de toute domination ce n’est pas la violence du pouvoir mais la servitude volontaire du peuple «Un homme ne peut asservir un peuple si ce peuple ne s’asservit pas d’abord lui-même » ; « Il suffirait à l’homme de ne plus vouloir servir pour devenir libre » ;… Il y explique comment « faire participer les dominés à leur domination » ? Comment fait-on pour instaurer, et aussi pour détruire, une pyramide du pouvoir ? Comment les courtisans choisissent volontairement la servitude ?…

Pour lire la totalité de ce discours, consulter :

http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire




Il était une fois … un inféodé sur le chemin de Damas : histoire de Abou Hourayra (8)

24102008

Par Mohamed LOUIZI

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8- Enseignements prophétiques ou récits talmudiques ? (Suite)

[…] On s’aperçoit très vite, en effet, de l’influence, directe ou indirecte, de Kaâb sur Abou Hourayra à la lecture de nombreux Hadiths présumés « authentiques », signés par ce dernier. Ces Hadiths, en vulgarisant les croyances talmudiques, témoignent de l’ampleur de la pénétration ancestrale de nombreux concepts et traditions israélites jusque dans l’inconscience collective de ladite communauté musulmane, qui reste majoritairement animée par la culture religieuse, celle-ci continuant de se diffuser en grande partie à travers ces mêmes Hadiths.

Les exemples de cette pénétration sont nombreux. Même les religieux officiels, ou reconnus comme tels, reconnaissent l’existence de cette influence nuisible mais sans en faire grand cas. Car ces mêmes religieux ne vont pas au-delà de ce constat et n’épurent pas textuellement leurs propres livres des résidus de cette influence(1). Charge donc au lecteur néophyte ou confirmé de faire ce travail critique, au risque de provoquer la colère de ces mêmes religieux ; surtout lorsque l’on pointe du doigt un personnage, hautement sacralisé, tel que Abou Hourayra !

Pour ne citer qu’un simple exemple parmi tant d’autres, Abou Hourayra rapporta un Hadith dans les présumées « authenticités » de Al Boukhari et de Mouslim, dans lequel il affirma que le prophète Mohammed avait raconté un jour l’histoire d’un prophète israélite nommé Josué, fils de Noun. Ce dernier, étant parti en guerre, avait ordonné au Soleil, par la grâce de Dieu, de s’arrêter pendant un moment en lui permettant ainsi d’achever son Jihad contre les ennemis de Dieu à la lumière du jour ; et Dieu, toujours selon Abou Hourayra, arrêta effectivement la course du Soleil pendant presque une journée(2)!

Comment cela est-il possible ?

Le prophète pouvait-il, dogmatiquement parlant, confirmer un tel phénomène aussi extraordinaire, sachant que lui-même lisait dans le Coran et transmettait donc aux gens que : « …Il [Dieu] astreint le Soleil et la Lune à poursuivre leurs courses, l’un et l’autre, jusqu’au terme fixé… »(3), « C’est lui qui a créé la nuit et le jour, le Soleil et la Lune, chacun voguant dans une orbite bien déterminée »(4), « Et le Soleil qui ne saurait rejoindre la Lune ni la nuit qui ne saurait devancer le jour, chaque astre devant voguer sur l’orbite qui lui est assignée ! »(5)… ?

Le prophète pouvait-il transmettre quelques idées contredisant la révélation de ce qu’il recevait ?

Pouvait-il raconter aux gens des histoires permettant la compréhension de leur religion mais qui ne figuraient pas dans le Coran ? Car ni cette histoire ni même le nom de Josué n’y sont cités !

Est-il possible qu’il apprenne à sa communauté que le Soleil pouvait par simple ordre ou invocation (sincère !) cesser de poursuivre son mouvement, au risque de mettre en péril tout l’ordre universel ?

Si c’était effectivement possible, alors pourquoi le prophète ne l’a-t-il jamais fait à l’instar de Josué ? Etant entendu que le prophète s’est retrouvé plusieurs fois, lui aussi, dans de telles situations de guerres tout à fait semblables ?

En effet, Médine avait subit des souffrances suite au siège mené par une large coalition tribale à son encontre pendant environ 25 jours durant l’an 5 de l’hégire – 627 de l’ère chrétienne(6). Le jour même de la levée du siège, le prophète demanda aux Médinois de se rendre immédiatement à Banû Qurayza – une forteresse juive – qui avait visiblement trahi ses conventions de paix signées avec le prophète, en participant avec les coalisés. C’était le début de l’après-midi lorsque le prophète s’adressa ainsi à ses compagnons : « Qu’aucun d’entre vous n’accomplisse la seconde prière de l’après-midi – Al Asr – avant d’avoir atteint le territoire de Qurayza !»(7). On raconte même qu’une polémique éclata, en route, entre 2 groupes de compagnons à l’heure de la seconde prière(8)

Le premier groupe interpréta l’ordre prophétique en respectant sa finalité visant à mobiliser les troupes avant le coucher du soleil ; ceux-là firent la seconde prière à l’heure. Le deuxième groupe, plutôt littéraliste, prit l’ordre prophétique au premier degré et s’y conforma à la lettre ; ceux-là n’accomplirent pas la seconde prière jusqu’à leur arrivée aux alentours de Qurayrza, quelques heures après le coucher du soleil ! On raconte que le prophète loua les deux attitudes.

Sans rentrer nécessairement dans le vif de cette polémique, il est clair que le prophète avait demandé à son armée de se dépêcher et non pas au Soleil de cesser sa course pour lui permettre d’achever son action militaire à la lumière du jour ! Il a agit sur les paramètres maîtrisables et non pas sur les autres qui ne dépendent ni de sa volonté ni de ses prérogatives, telle que la course du soleil. Pourquoi le prophète n’avait-il pas agit de la même manière qu’avait prétendument employé Josué fils de Noun ?

La réponse à cette question se trouve en partie dans le compte rendu d’un événement dramatique survenu du vivant du prophète. Il s’agit de ce qui se passa le jour du décès de son bébé Ibrahim – bébé né du mariage du prophète avec Mariya, une ex-Copte égyptienne. Ce jour-là, et juste après l’enterrement de Ibrahim, on raconte que le Soleil se fut éclipsé(9). Des Médinois interprétèrent ce phénomène par la tristesse du Soleil engendrée par la mort de Ibrahim, en associant ainsi la disparition du bébé et l’éclipse solaire et en y voyant un message de consolation de la part du Ciel à destination du prophète. Mohammad réfuta immédiatement et avec force cette interprétation superstitieuse et confirma avec la plus grande clarté que: « Le Soleil et la lune sont deux signes parmi les signes de Dieu. Leur lumière ne s’obscurcit pour la mort de personne !»(10).

Dans son livre Muhammad : vie du Prophète, Tariq Ramadan commente cet événement avec les mots suivants: « Muhammad rappelait ainsi à ses compagnons l’ordre des choses et la nécessité de ne pas se tromper dans l’interprétation des signes afin de ne point verser dans la superstition (…) Le signe de la présence de l’Unique à l’instant de la mort d’un homme n’est point dans l’apparition d’un quelconque miracle, mais bien plutôt dans la permanence de l’ordre naturel, dans l’éternité de Sa création traversée çà et là par le passage des êtres créés, qui passent puis s’en vont. »(11)

Cet événement montre à quel point le prophète était habité par l’esprit du Coran qu’il a éclairé quant au sens des phénomènes naturels, sur l’ordre qui régit l’Univers et sur l’indépendance totale entre les velléités humaines d’un côté, et les lois cosmiques de l’autre. Entre ces deux sphères il n’y a aucune relation de cause à effet et les unes ne justifient pas les autres !

Est-il possible que ce même prophète ait raconté à ces mêmes compagnons l’histoire de Josué qui a fait arrêter la course du Soleil sur simple ordre ?

Si cela s’avère impensable, d’où provient alors ce récit au juste ?

Abou Hourayra l’aurait-il réellement entendu de la bouche du prophète? Ou bien, n’y avait-il pas là, de nouveau, un tiers très loquace et apparemment très bien informé de la biographie biblique de Josué comme l’était évidemment Kaâb Al Ahbar 

Après quelques recherches dans le Livre de Josué(12) – le premier livre des Prophètes pour la tradition juive et le sixième livre de l’Ancien Testament chrétien  on s’aperçoit très vite que ce récit y figure bel et bien: « … Alors Josué parla à l’Éternel, le jour où l’Éternel livra les Amoréens aux enfants d’Israël, et il dit en présence d’Israël : Soleil, arrête-toi sur Gabaon, Et toi, lune, sur la vallée d’Ajalon ! Et le soleil s’arrêta, et la lune suspendit sa course, Jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. Cela n’est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Le Soleil s’arrêta au milieu du ciel, Et ne se hâta point de se coucher, presque tout un jour… »(13) ! 

Ce même récit a longuement alimenté la polémique entre l’Église romaine du XVI siècle et les scientifiques qui réfutaient cette vérité théologique prétendument infaillible : celle de l’arrêt de la course du Soleil pendant presque une journée à l’époque de Josué, puisque cela est évidemment en parfaite contradiction avec toutes leurs observations astronomiques.

L’Église se servit de ce récit comme d’une vérité eschatologique indiscutable pour accréditer à la fois sa propre vérité scientifique (!) plaçant la Terre(14) au centre de l’Univers et pour imposer aussi sa conception aristotélicienne dite de la « continuité de la matière » et réfutant donc l’existence du vide au sein de l’Univers !

Et puisque, comme le répliquaient des scientifiques, la course et le déplacement du Soleil impliquent l’existence évidente du vide sans lequel le Soleil ne pourrait se déplacer continuellement en suivant une orbite bien déterminée, des jésuites présumaient, quant à eux, que les mouvements célestes que l’on perçoit ne sont que de simples illusions d’optique(s) et sensitives !

Dans tout son zèle eschatologique, l’Église de l’époque voulut donc à tout prix sauver le Livre de Josué en préférant voir en ce texte comme un nouveau dogme métaphoriquement indicible ;  une sorte de vérité à défendre, coûte que coûte, vaille que vaille, quitte à faire appel à ses pouvoirs inquisiteurs contre les scientifiques qui remettaient ce dogme ecclésiastique en cause, comme par exemple Giordano Bruno(15)ou Galilée(16) et bien d’autres savants des XVIème et XVIIème siècles ! 

De surcroît, la charge de la preuve pesait du côté de ces toutes nouvelles sciences. Ce n’était donc pas aux jésuites de l’époque de revoir leur copie mais bien aux scientifiques de corriger la leur.

Des théologiens musulmans nous disent aujourd’hui même, à la manière de l’Église du XVI siècle, que si la science contredit une vérité religieuse – un Hadith de Abou Hourayra par exemple – ce n’est pas aux théologiens de trouver la source de l’erreur ou de remplacer leurs conceptions dogmatiques du texte présumé « sacré » par des interprétations métaphoriques, relativement acceptables, mais au contraire : charge à ces scientifiques importuns de trouver l’erreur dans leurs travaux, puis de faire leurs mea-culpa puisque le « sacré » est immuable !

Et c’est justement ce que l’on trouve à la lecture de l’explication du Hadith de Josué dans Fath Al Bari(17). Des théologiens n’ont pas cherché à examiner l’origine de ce récit biblique ou de vérifier sa véracité ni même d’y voir un sens imagé à interpréter.

Ils n’ont pas cherché à savoir si OUI ou Non, il s’agit  de l’un de ces énièmes contes que Kaâb avait racontés à Abou Hourayra et que ce dernier s’est empressé, comme d’habitude, d’attribuer mensongèrement au prophète Mohammed !

Ils n’ont pas cherché non plus à évaluer la vraisemblance scientifique d’un tel phénomène cosmique à la lumière des données astronomiques. La seule chose que l’un de ces pieux théologiens a pu découvrir, certainement après bien des heures de recherche poussée à l’extrême, c’est le jour exact de ce supposé arrêt du Soleil à l’époque de Josué : pour ce théologien musulman illuminé(18), il s’agit du 14 juin CQFD (!) – le jour le plus long de l’année selon ses calculs : Eurêka ! Eurêka !

D’autres récits de Kaâb Al Ahbar, attribués par Abou Hourayra au prophète Mohammed contredisent des fondamentaux du Coran – si l’on s’arrête sur leur portée dogmatique – et instaurent la superstition dans l’imaginaire des croyants. Or toutes ces falsifications constituent, depuis des siècles, l’essence et le socle même du dogme sunnite concernant la création, les signes de la fin des temps, le retour de Jésus, l’antéchrist, le séjour dans la tombe, la Résurrection, le Jugement dernier, le Paradis, l’Enfer,…etc(19).

Ce faisant, des mollahs sunnites, défendent corps et âme, les contes du duo « Kaâb–Abou Hourayra », au nom d’un mythe fondateur qui est celui de la défense de la tradition prophétique sacrée, à n’importe quel prix.

L’ensemble de ces récits mériterait d’être analysé, profondément, pour s’arrêter, le temps qu’il le faut, sur l’illusion et sur l’aveuglement des théologiens dogmatiques qui continuent de conduire aux bûchers et aux guerres religieuses(20) chaque année, et depuis 14 siècles, des centaines de milliers de personnes innocentes, enfants, femmes et hommes, et qui condamnent et excommunient des centaines d’intellectuels et de libres penseurs(21) lorsqu’ils remettent en question un seul Hadith de Abou Hourayra, alors que ce dernier contredit pourtant les données de la science et du bon sens. Ineptie donc, mais toujours vérité théologique prétendument absolue et donc immuable, exactement comme l’affirmait mordicus l’Église au XVI siècles.

D’ailleurs, les psychopathologies dogmatiques des institutions juives, chrétiennes et musulmanes ne sont-elles pas similaires, avec tout de même un décalage temporel que l’on peut évaluer à quelques siècles ?

Ladite communauté musulmane contemporaine n’est-elle pas en train de revivre à sa manière l’horrible Moyen Âge chrétien ?… 

Cependant, il me semble qu’il y a tout de même une moralité que l’on peut tirer de ce Hadit !

Je dirais en effet :

Si Josué a réussi à arrêter la course du Soleil pendant 23 heures et 20 minutes (selon certaines estimations des plus sérieuses(22) !), des Abou Hourayra(s) millénaristes et contemporains ont réussi, quant à eux, à arrêter la marche de l’histoire ; de la vie de toute une civilisation, de l’art, de la culture, de la science,… pendant quelques années lumières … et ça continue toujours !

(A suivre… )

Notes :

1- Des religieux sunnites confirment que dans les livres d’exégèse du Coran et dans les recueils des Hadiths les connaissances israélites et bibliques sont très présentes mais ils ne les montrent pas au lecteur, non pas pour qu’il puisse faire attention mais juste pour rendre à César ce qui est à César. Pour plus de détails sur ce sujet, lire par exemple :

Moustapha Bouhandi, At-Ta’athire Al Massihi fi tafssir Al Coran, Dâr At-Tali’ah, Beyrouth, 2004 (en arabe)  

2- Hadith rapporté par Abou Hourayra considéré authentique par Al Boukhari et Mouslim.

Al Boukhari, op.cit., Vol.2, p.307, n° 3124

D’autres Hadiths témoignant de cette influence à lire dans :

Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.102-112

Moustapha Bouhandi, op.cit., p.62-93

Abd Al Jawad Yassine, op.cit., p.265-268

3- Coran, 31, 29

4- Coran, 21, 33

5- Coran, 36, 40

6- Tariq Ramadan, op.cit., p.206-218

7- Ibid., p.218

8- Ibid., p.219

9- Ibid., p.292

10- Ibid., p.292

11- Ibid., p.292

12- Le livre de Josué est le premier livre des Prophètes pour la tradition juive et le sixième livre de l’Ancien Testament chrétien. Il fait suite au Pentateuque, qui se terminait à la mort de Moïse aux portes du pays du Canaan, et relate la «conquête » du « pays promis » sous la direction de Josué. Ce livre porte son nom parce qu’il en est le personnage principal, pas parce qu’il en est l’auteur. Selon la tradition juive, il fut écrit par Jérémie, lequel puisa dans des documents anciens. Les chapitres 1 à 12 décrivent la conquête de Canaan ; les chapitres 13 à 24 montrent comment les tribus d’Israël se répartirent le pays et rapportent la recommandation finale de Josué. Deux versets importants du livre de Josué sont le commandement du Seigneur de méditer les Écritures (Josué 1:8) et l’appel de Josué au peuple à être fidèle au Seigneur (José 24:15). (Source : Wikipédia)

13- Livre de Josué, chapitre 10, 8-14

14- L’Eglise catholique adoptait et défendait, au Moyen Âge, la théorie d’Aristote qui considère que la matière est continue, et qu’il n’y a donc pas de place pour le vide. Cette question de l’existence du vide troublera les esprits, nous dit Claude Allègre (*), jusqu’au début du XXème siècle. Elle ne sera véritablement traitée qu’aujourd’hui à partir de la physique non linéaire.

(*) – Claude Allègre, Un peu de science pour tout le monde, Fayard, Paris, 2003, p.11   

15- Livré à l’Inquisition le 23 mai 1592. Pendant sept ans il sera interrogé et torturé. Le 17 février 1600, il a été brûlé vif.   

16- Condamné le 22 juin 1633 à la prison à vie, jugement modifiée par la suite en assignation à résidence surveillé dans sa maison personnelle jusqu’à sa mort en 1642 !

17- Fath Al Bari Bi Charhe Sahihe Al Boukhari, de son auteur Ibn Hajar Al Askalaniy, est un livre de commentaire et d’explication du recueil des Hadiths de Al Boukhari.

Sur Internet à l’adresse : http://hadith.al-islam.com/

18- Ce théologien s’appelle Haroun Ibn Youssef Ar-Ramadi (cf. l’explication de ce Hadith dans Fath Al Bari Bi Charhe Sahihe Al Boukhari )

19- D’autres études/articles analysant certains de ces Hadiths viendront compléter et enrichir cette étude. A suivre sur ce blog prochainement.

20- Il s’agit de toutes les guerres survenus quelques années après la mort du prophète Mohammad : guerre du chameau, Siffin, Karbala, l’ensemble des guerres de conquêtes dites islamiques, les conflits permanents entre chiites et sunnites,… Toutes sont alimentées par des Hadiths presque authentiques (!)

21- La liste des torturés en raison de leurs pensées dérangeantes est assez longue, elle mérite une étude indépendante. La machine théologico-politique – Al Azhar, Mollahs sunnites et chiites, Frères Musulmans,… – poursuit ses procès inquisitoires à l’égard de nombreux libre-penseurs.

22- Sur un site Internet (*) évangéliquement engagé, j’ai trouvé l’histoire d’un groupe d’ingénieurs (!) qui voulait remonter le temps et reconstruire le calendrier du soleil depuis le début, en s’aidant d’un ordinateur puissant. Il se trouve que ce calculateur s’est arrêté étrangement pendant un moment. Le groupe d’ingénieurs a pu soulever une anomalie dans ce calendrier : l’absence d’un jour ! C’est comme si la course du soleil s’est arrêtée pendant une journée, il y a quelques milliers d’années ! Les ingénieurs devaient trouver donc une explication à ce phénomène étrange ! Quand soudainement l’un des ingénieurs, très croyant, s’est mis à lire le Livre de Josué pour y trouver une explication théologiquement correcte. Sur ce site Internet, il est écrit :« Et voici pourquoi ce groupe d’ingénieurs de l’espace se pencha sur le passage de Josué chapitre 10, versets 8 à 14, récit qu’ils auraient jusqu’alors qualifié de ridicule, au nom même du bon sens élémentaire: « L’Éternel dit à Josué: Ne les crains point, car je les livre entre tes mains, et aucun d’eux ne tiendra devant toi »

Josué appréhendait-il que l’ennemi, qui le cernait de tous côtés, ne profitât de la nuit pour envelopper et vaincre Israël? Le texte rapporte qu’il implora l’Éternel pour qu’Il immobilisât le soleil. Il fut exaucé: « La lune suspendit sa course… Le soleil s’arrêta au milieu du ciel, et ne se hâta point de se coucher, presque tout un jour »

Terminant sa lecture, le savant croyant s’adressa à ses collègues: N’est-ce pas là l’explication de ce jour manquant au calendrier? Cette nouvelle information fut programmée pour la machine; celle-ci reprit les calculs des conjonctions planétaires de cette époque, donnant son accord, tout en révélant une lacune dans la précision des données reçues. L’exacte durée du temps supplémentaire s’interposant dans le calendrier à l’époque de Josué était de 23 h20, et non de 24 h. Se penchant à nouveau sur la Bible, ces hommes de science y découvrirent une précision inattendue: « Le soleil… ne se hâta point de se coucher, presque tout un jour ».

Presque! Un petit mot du texte sacré revêtant une grande importance, mais mettant ces érudits dans une nouvelle perplexité: Si l’on ne pouvait expliquer la mystérieuse interférence de 40 minutes dans le temps passé, on ne faisait que reporter le problème aux 1000 ans qui sont devant nous, où ces 40 minutes réapparaîtraient maintes fois multipliées dans les probabilités orbitales. Il fallait donc à tout prix résoudre cette nouvelle énigme. » Des histoires similaires se trouvent dans d’autres sites voulant montrer les vérités des Hadiths en les justifiant par des arguments qui se veulent scientifiques ! comme quoi les similitudes entre croyants sont presque parfaites !

(*) - http://www.axess.com/moto/Soleil.html

      http://www.tharsei.org/la_une.html




Il était une fois … un inféodé sur le chemin de Damas : histoire de Abou Hourayra (7)

17102008

Par Mohamed LOUIZI

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8- Enseignements prophétiques ou récits talmudiques ?

En réponse à ces questions, des historiens mettent l’accent sur un élément important qui souligne le rapport suspect qu’entretenait assidûment Abou Hourayra avec un rabbin talmudiste, nommé Kaâb Al Ahbar.(1)

Celui-ci s’affichait publiquement comme converti à l’islam, depuis le mandat de Omar, mais qui ne l’était peut-être que pour s’infiltrer au sein de la communauté médinoise pour des raisons purement stratégiques(2). Une manœuvre singulière à ne pas mettre, peut-être, sur le compte d’une quelconque théorie du complot juif millénaire, opposant « musulmans » et « juifs », mais qui s’éclaire à la lumière des éléments politiques et des données militaires sur toute cette période de l’histoire, qui fut profondément marquée par des conflits opposant la communauté médinoise naissante et des tribus israélites voisines.

Kaâb Al Ahbar était un talmudiste érudit(3), originaire du Yémen tout comme Abou Hourayra(4). Après sa conversion apparente à l’islam, il se consacra à la diffusion de son savoir israélite dans les mosquées, en profitant des turbulences et du vide engendrés suite à l’assassinat de Omar Ibn Al Khattab(5).

D’ailleurs, Kaâb faisait parti –  à en croire les travaux historiques de Ibn Isshac, de At-Tabari et de Ibn Al Atir – d’une organisation criminelle secrète et pluriconfessionnelle, qui chargea le Persan mazdéen Abou Lou’alouah, vivant à Médine en captivité, d’assassiner Omar le calife(6).

A mon sens, ce crime avait quatre grands objectifs :

Premièrement, se venger de la défaite historique des Persans face à l’armée de Omar dans la guerre de Al Qadissiyah(7) en l’an 15 de l’hégire.

Deuxièmement, permettre aux Israélites de redorer un blason souillé par les défaites de leurs quatre tribus : Banou Qaynouqaâ, Banou Nadîr, Banou Koryazah et Khaybar dans les conflits qui les ont opposés aux Médinois du vivant du prophète(8).

Troisièmement, préparer le terrain pour que les Omeyyades s’emparent à nouveau des pouvoirs et des privilèges qu’ils avaient perdus au moment de la prise de la Mecque par le prophète Mohammed.

Et quatrièmement, mettre ainsi un terme à l’évolution de la construction sociale que le prophète avait entamée en faisant disparaître les diverses formes de ségrégation, d’injustice, d’esclavage, de tribalisme, sources de guerres et de chaos structurel. Ces maux sociétaux resurgiront quelques temps après la mort du prophète, pour s’accentuer davantage pendant le mandat du troisième calife Ottmane Ibn Affane(9), et avant de s’enraciner définitivement avec l’instauration violente de la dynastie omeyyade.

Politiquement, cela signifia le démantèlement inattendu de toute l’organisation mise en place par le prophète et relativement bien pérennisée par les deux premiers califes qui lui succédèrent. En effet, la concertation dans la gestion politique et sociale de Médine céda aussitôt la place, elle aussi, à un régime oligarchique, essentiellement basé sur un esprit tribal et clanique.

Symboliquement, cela signifia le retour triomphal et en force des valeurs antéislamiques ancestrales et le vieillissement prématuré des valeurs islamiques prônées et encore récemment instituées par le prophète. L’assassinat d’Omar le calife représentait, de ce point de vue, une victoire plus que symbolique et aussi une façon de faire d’une pierre quatre coups !

Mais comment être sûr de l’implication directe de Kaâb Al Ahbar dans ce crime politique ?

Les historiens Ibn Isshac et At-Tabari rapportent un fait accablant qui confirme l’implication évidente de Kaâb, en le considérant comme l’un des principaux instigateurs de l’élimination physique de Omar(10).

En effet, un jour Kaâb vint rendre visite à Omar pour lui annoncer son entrée en martyre sous trois jours ou sous trois nuits !… Omar très surpris de cette annonce suspecte, demanda alors à Kaâb des détails supplémentaires et Kaâb de lui répondre : « J’ai lu cela dans le texte de la Torah [Pentateuque] ! ». « Ah bon ! Trouvez-vous vraiment le nom de Omar dans la Torah ? » répliqua le calife. « Sûrement pas, mais j’y trouve votre descriptif ! » dit Kaâb(11).

Le lendemain, Kaâb revint annoncer à Omar qu’il ne lui restait plus que deux jours. Et le surlendemain, il revint une nouvelle fois pour lui annoncer l’approche du jour « J » ! Or c’est exactement ce qu’il advint, puisqu’à l’aube de la journée suivante à la mosquée, Omar fut poignardé mortellement six fois par le Persan Abou Lou’alouah et qu’il succomba ainsi de ses blessures !

L’historien Ibn Saad rajoute qu’à ce moment douloureux Kaâb revint dire à Omar que ses prévisions s’étaient réalisées(12) ! On peut tout de même se demander légitimement s’il s’agissait bien de prévisions nourries par des prophéties du Pentateuque ou au contraire d’un plan d’action criminelle très bien mené.         

Kaâb dont les mains portaient encore les traces de sang du calife, se vit aussitôt octroyer le statut de maître spirituel et de savant érudit de l’islam. Ces disciples se multiplièrent et parmi lesquels et pas des moindres, on retrouva « notre » fameux Abou Hourayra qui servit de canal de transmission au savoir talmudique israélite, légèrement transformé dans la forme pour finir en imposture du savoir prophétique.

Hélas, ce stratagème a prospéré depuis ce temps et jusqu’à nos jours. Car nombreux sont encore ceux qui n’arrivent toujours pas à admettre que Abou Hourayra n’était pas un lauréat de l’école prophétique mais un brillantissime disciple du temple talmudique. Et pourtant Abou Hourayra ne cachait pas pour autant ses sources d’information et ses relations dans une grande intimité avec Kaâb Al Ahbar !    

Dans le Mowataa de Malik Ibn Anas, les Sounanes de Annassaiî, le Mousnade de Ahmed Ibn Hanbal et les Sounanes de Ad-Darimiy, Abou Hourayra confirmait ses relations avec Kaâb et racontait même qu’il était parti en voyage et à sa recherche jusqu’en Syrie pour s’enrichir de son savoir du Pentateuque et de ses connaissances talmudiques(13). Car juste après l’assassinat de Omar, Kaâb quitta Médine et s’installa à Damas en Syrie pour y devenir, « totalement par hasard » nous dit-on, le conseiller politique de Mouawiyah qui y préparait, dès lors, les prises des pouvoirs par les Omeyyades et l’avènement de leur empire.(14) 

Abou Hourayra et Kaâb se sont vus pendant un certain temps pour opérer visiblement une étude comparative entre les Hadiths de Abou Hourayra et le contenu de la Torah(15) et non pas le Coran !

Kaâb authentifia et valida ainsi ses contes et ses inventions de toutes pièces puis l’appuya en témoignant publiquement que ses Hadiths ne contredisaient pas le texte de la Torah et que Abou Hourayra était donc l’une des rares personnes (arabes) qui connaissaient la Torah pourtant écrite en hébreu et par cœur(16)!

Une autre question se pose cependant : pourquoi Abou Hourayra était-il parti jusqu’en Syrie à la recherche de ce rabbin converti ou quel savoir supplémentaire cherchait-il au juste s’il possédait vraiment tout l’héritage de la prophétie de Mohammad ?

Pourquoi était-il allé chercher des additifs chez Kaâb sachant que celui-ci, même en supposant que sa conversion fût sincère, ne rencontra jamais le prophète de son vivant et qu’il n’était donc pas en mesure de témoigner de quoi que ce soit ?

Est-ce que l’authenticité des Hadiths de Abou Hourayra devait être évaluée par rapport à son degré d’harmonie avec l’esprit du Coran ou par rapport à sa concordance avec la Torah ?

Est-il vrai que Abou Hourayra connaissait la Torah pourtant écrite en hébreu, lui qui ne savait même pas lire une ligne du Coran, écrit en arabe, dans sa langue maternelle ?

A qui faut-il encore rappeler que Abou Hourayra était analphabète et qu’il ne faisait même pas partie des gens qui connaissaient le Coran par cœur  ?! 

Comment explique-t-on, justement, le fait que Abou Hourayra ne connaissait pas le Coran par cœur mais qu’il connaissait prétendument la Torah ?

Comment se fait-il que Abou Hourayra prétendait mémoriser les paroles du prophète par cœur mais qu’en même temps il ne mémorisait pas le Coran ?

Le Coran ne méritait-il pas d’être mémorisé au même titre que les Hadiths ?

Sinon, en quoi la connaissance par cœur de la Torah pouvait-elle représenter un nouvel intérêt dans l’authentification et la transmission d’un quelconque savoir prophétique ?

Par ailleurs, le fait de valoriser Abou Hourayra de cette façon, ne faisait-il pas partie de la stratégie intelligemment menée par Kaâb ?

Une stratégie inaugurée par sa conversion apparente qui lui permit de gagner davantage la confiance et le pouvoir d’agir à sa guise et de diffuser en toute sécurité et impunité des concepts plutôt proches des croyances juives que des idées contenues à un état embryonnaire dans le Coran, par une simple attribution de complaisance au prophète. Une telle aventure ne pouvait pas être menée à terme sans l’élimination physique de Omar qui, de ce point de vue, représentait un obstacle physique réel face aux projets de Kaâb puisque Omar s’opposait farouchement à la diffusion des Hadiths de Abou Hourayra. Ledit Abou Hourayra que Kaâb – nous l’avons déjà vu plus haut – considérait comme un canal fiable et pouvant assurer pareille pénétration théologique !  

Comment se fait-il que Kaâb ait autant valorisé quelqu’un que Omar avait soupçonné et même frappé et qualifié de mythomane ?

Doit-on prendre en compte les avertissements de Omar à l’encontre de Abou Hourayra ou bien les éloges obséquieux que lui faisait Kaâb ?

Les Hadiths de Abou Hourayra reflètent-ils réellement les sagesses prophétiques ou bien les enseignements talmudiques qui étaient les plus opportuns pour Kaâb ?…  

(A suivre …)

Notes :

1- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.97-112 

Ad-Dahbi, op.cit., Internet

Moustapha Bouhandi, op.cit., p.62-79

Abd Al Jawad Yassine, op.cit., p.265-267        

2- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.101

Mahmoud Abou Rayyah, Adwa’a Ala As-Sunna Al-Mohammadiah, p.125

3- Ibid., p.98

4- Ibid., p.101

5- Ibid., p.99

6- Mahmoud Abou Rayyah, Adwa’a Ala As-Sunna Al-Mohammadiah, p.125-128

7- Guerre opposant l’armée de Omar, 30.000 soldats, commandée par Saâd Ibn Abi Wakkas, et l’armée persane, 120.000 soldats, dirigée par Roustom en l’an 15 de l’hégire – 636 de l’ère chrétienne. Guerre qui s’est achevée par la victoire de l’armée de Omar, en signant ainsi la fin de la dynastie sassanide et le début de l’invasion islamique.  

8- Pour plus de détails sur ces quatre conflits, lire :

Tariq Ramadan, op.cit., p.164-167, 196-200, 218-222, 245-247

9- Sept choses ont été reprochées à Ottmane et qui ont alimenté le soulèvement populaire contre son pouvoir de troisième calife :

Premièrement, donner le un cinquième du butin de la terre africaine conquise à un        membre de sa tribu d’origine Marwan Ibn Al Hakam, sachant que le butin devait être     distribué sur les nécessiteux, les orphelins… comme le veut la tradition.

Deuxièmement, être propriétaire de sept grandes maisons au moment où des Médinois peine à en posséder une.     

Troisièmement, adopter la connivence et la préférence tribale et familiale quant à la      désignation des gouverneurs ; la majorité des gouverneurs était des Omeyyades.

Quatrièmement, refuser de fouetter Al Walid Ibn Okbah, son gouverneur à Al Kouffa en Irak, après avoir conduit la prière en état d’ivresse ! Sachant qu’il fouettait d’autres personnes ordinaires pour des raisons semblables ! (80 coups de fouet nous disent les sources théologiques)

Cinquièmement, marginaliser les compagnons et ne pas procéder à des concertations systématiques quant à la gestion de Médine et des terres conquises !

Sixièmement, ne pas assurer une distribution juste des richesses ! 

Septièmement, être le premier calife à user de la violence physique pour maltraiter et faire   taire l’opposition ! On raconte que Ottmane avait fouetté Ammar Ibn Yassir, parce que ce dernier lui avait porté une lettre de l’opposition contestant ses politiques injustes» pour plus de détails, lire :

Ibn Katibah, Al Imamah wa As-Siyassah, p.32 (en arabe) 

At-Tabari, Tarikh At-Tabari, Vol.6 (en arabe) 

Mohamed Hassanine Haykal, Ottmane Ibn Affane, An-Nahdah Al Misriyah, Le Caire, 1968     (en arabe)

Taha Hussein, Al Fitnah Al Kobra, Dâr Al Adab, Beyrouth, 1967 (en arabe)

Adonis, At-Tabit wa Al-Moutahawil, Vol.1,  Dâr As-Saqi, Beyrouth, 2006, p.223-225,    366 

10- Mahmoud Abou Rayyah, Adwa’a Ala As-Sunna Al-Mohammadiah, p.125-128

11- Ibid., p.125-128

12- Ibid., p.125-128

13- Moustapha Bouhandi, op.cit., p.62-79

14- Abd Al Jawad Yassine, op.cit., p.266

Mahmoud Abou Rayyah, Adwa’a Ala As-Sunna Al-Mohammadiah, p.121

15- Moustapha Bouhandi, op.cit., p.62-79

16- Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.100 




Il était une fois … un inféodé sur le chemin de Damas : histoire de Abou Hourayra (6)

10102008

Par Mohamed LOUIZI

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7- … à la colère de Omar !

Entre le deuxième calife Omar Ibn Al Khattab et Abou Hourayra les relations étaient très tendues. Voilà ce que nous racontent les historiens de cette époque. Et ce, pour deux raisons essentielles :

la première était en relation directe avec la quantité et  les contenus contestables des récits de Abou Hourayra. La seconde raison concernait l’honnêteté et la confiance dans lesquelles Abou Hourayra n’étaient pas non plus un exemple à suivre… 

Selon les historiens, Omar Ibn Al Khattab avait nommé Abou Hourayra gouverneur de Bahreïn en l’an 20 ou 21 de l’hégire(1). Et ce, après la mort de l’ancien gouverneur Abou Al Alaa Al Hadramiy qui avait été, lui, nommé directement par le prophète Mohammed.

Omar s’appuyait pour faire ce choix sur le fait que Abou Hourayra faisait partie de l’équipe qui accompagnait Al Hadramiy bien que les habitants de cette contrée ne connaissaient  Abou Hourayra que comme muezzin [celui qui fait l’appel à la prière](2)  – et non comme imam [celui qui conduit la prière] – dans l’une de leurs mosquées.

On citait aussi d’autres critères qui motivaient ce choix, parmi lesquelles figurait la volonté de Omar de garder les gens d’expérience et de confiance proche de la direction centrale située à Médine et de nommer gouverneurs des contrées lointaines des personnes relativement jeunes pour acquérir de l’expérience(3).

Abou Hourayra rentrait dans cette catégorie puisqu’il était âgé de moins de 40 ans au moment de sa nomination et qu’il n’était pas du tout expérimenté pour rester à Médine à côté du calife, à l’image de Ottmane, de Ali et bien d’autres compagnons.

Deux ans plus tard, Omar releva Abou Hourayra de ses fonctions parce que ce dernier s’était constitué quelques richesses personnelles en faisant mauvais usage de l’argent public et nomma alors Ottmane Ibn Abi Al Asse At-Takafi(4) à la place de cet indélicat.

D’après plusieurs versions, Abou Hourayra avait détourné quelques milles dinars de l’argent public collecté auprès des musulmans et correspondant, entre autres, à leurs zakat(5). L’essentiel n’est pas de savoir exactement et à la virgule près la somme détournée par Abou Hourayra mais plutôt de s’arrêter sur le fait  historique accompli. Et qui vole un œuf vole un bœuf nous dit-on !

A son arrivée à Médine, il dut s’expliquer et rendre compte de cette affaire devant Omar le calife. L’entretien se passa très mal entre les deux hommes. On raconte que Omar dit à Abou Hourayra : « Ennemi de Dieu, ennemi de son Livre ! As-tu osé voler le bien de Dieu ? Sinon, d’où as-tu les dix milles ? »(6) Et Abou Hourayra de répondre : « Je ne suis ni l’ennemi de Dieu ni l’ennemi de son livre. Je suis plutôt l’ennemi de leurs ennemis et je ne suis pas celui qui vole le bien de Dieu ! Quant à ces dix milles, il s’agit des chevaux qui se sont reproduits et des dons qui se sont succédés du ciel !»(7), comme si auparavant, ce dernier avait été propriétaire de chevaux et comme si du ciel, l’or et l’argent pleuvaient !

Dans une autre version, Abou Hourayra justifiait l’acquisition de ces biens par les bénéfices de ses activités commerciales à Bahreïn, en provoquant ainsi la colère de Omar qui répliqua : « Nous vous avons nommé gouverneurs et pas commerçants ! »(8).

Ensuite Omar contraignit Abou Hourayra,cette fois-ci par la force, à rendre cet argent indu à Bayte’mal al mouslimine – le Trésor public  de l’époque(9). Il le mit à sang en le fouettant violemment pour donner ainsi l’exemple aux autres gouverneurs. Et il le menaça même d’expulsion vers son pays natal, le Yémen, pour y goûter une nouvelle fois la misère et pourquoi pas, pour y conduire les « ânes » de cette région au pâturage au lieu de gouverner les affaires de la cité.(10)  

Une deuxième affaire opposa une nouvelle fois les deux  hommes lorsque Abou Hourayra commença à diffuser abondamment et en public des contes, récits et autres sornettes, qu’il attribuait sans aucun scrupule au prophète Mohammad. Omar contesta les contenus et la quantité de ces récits puisqu’il avait accompagné le prophète de très près pendant 18 ans et qu’il était donc en mesure de discerner le vrai du faux dans les récits de Abou Hourayra.

Omar décida d’interdire catégoriquement à Abou Hourayra de raconter tout et n’importe quoi sur le prophète au risque même d’encourir le châtiment corporel et l’expulsion de Médine. On peut reprocher tout de même à Omar cette mesure limitative de la liberté d’expression mais lorsque l’on voit les dégâts que causent aujourd’hui les récits de Abou Hourayra aux quatre coins du monde, on peut comprendre l’intérêt d’une telle mesure sans pour autant l’admettre ou l’admirer sur la forme. Je veux surtout attirer l’attention du lecteur sur tous ces récits et Hadiths appelant à la haine, à la misogynie, aux meurtres …(11) 

Ad-Dahbi rapporte dans ses biographies que Omar tenait Abou Hourayra en le menaçant d’expulsion. Omar disait à Abou Hourayra: « Soit tu mets un terme à tes contes soit je vais te renvoyer vers ta tribu Daous au Yémen ! »(12).

Ibn Abi Al Hadid rapporta ces propos de Omar à Abou Hourayra, dans son livre explicatif de Nahje Al Balagah supposé avoir été écrit par Ali Ibn Abi Taleb. Omar aurait dit à Abou Hourayra: « Mets un terme à tes contes nombreux car il se peut que tu sois mythomane !»(13).

En effet, Omar Ibn Al Khattab appelait les gens à lire le Coran et à se contenter exclusivement de ses contenus, sans aller chercher d’autres informations superfétatoires. Et c’est justement l’attitude que l’on trouve décrite dans le recueil de Al-Boukhari. Dans le même sens, Abdallah Ibn Abbas(14) rapporta un Hadith(15) évoquant les derniers moments du prophète. Ce Hadith laisse à penser qu’avant la mort de celui-ci, il ordonna à ces compagnons de lui ramener de quoi écrire un autre livre – autre que le Coran ! – qui garantirait aux gens la guidance et qui leur ferait éviter les conflits, comme si le Coran seul n’y suffisait pas. Et c’est Omar, selon ce Hadith douteux, qui empêcha le prophète d’écrire un tel livre et qui lui rappela que le Coran était déjà amplement suffisant ! D’autres disent qu’il ne s’agissait pas d’un livre, à proprement parler, mais plutôt d’un testament – wassiyyah en arabe – à dimension politique désignant le nom du calife qui allait lui succéder.(16) 

Néanmoins, il n’est pas question pour l’instant d’analyser de plus près ce Hadith, ni de montrer son insolence à l’égard du prophète ni de découvrir de plus près le personnage de Abdallah Ibn Abbas qui présentait des similitudes comportementales et idéologiques avec Abou Hourayra à plusieurs niveaux. Ce qui m’intéresse le plus, c’est l’attitude de Omar envers le Coran et envers la diffusion des Hadiths. En optant exclusivement pour le Coran, des contemporains peuvent en déduire à travers cette attitude que Omar était un coraniste affirmé(17) et hostile à ladite sunna prophétique.

En outre, une décision fût prise. Omar empêcha Abou Hourayra de diffuser ses contes. Et ce ne fut qu’après la mort de Omar que Abou Hourayra put de nouveau renouer avec ses mauvaises et vieilles habitudes.

Selon Ibn Kathir dans Al Bidayah wa An-Nihayah, Abou Hourayra disait : « Nous ne pouvions rapporter les Hadiths du prophète qu’après la mort de Omar qui nous faisait craindre son fouet et sa colère ! »(18). Ce que confirma des siècles plus tard le syrien Mohammed Rachid Reda(19) (1865 – 1935), qui fut l’un des principaux maîtres de l’imam Hassan Al Banna le fondateur de la  société des Frères Musulmans, et qui avait écrit dans sa revue Al-Manar ceci : « Si Omar Ibn Al Khattab avait vécu jusqu’à la mort de Abou Hourayra, certainement on n’aurait pas eu tous ces Hadiths ! »(20). Dans ce cas de figure, y’aurait-il eu quelque chose que l’on aurait nommée sunna ? L’islam serait-il pour autant incomplet en l’absence des Hadiths de Abou Hourayra ?…     

Au vu de ces informations historiques, il est clair que Omar désapprouvait totalement les récits de Abou Hourayra. Par conséquent, pourquoi Omar le soupçonnait, le frappait et le menaçait-il si ce dernier était vraiment l’un des compagnons de confiance permanent et proche du prophète ?

Pourquoi n’a-t-il pas fait de lui l’un de ses consultants privilégiés, puisqu’il prétendait être l’hériter du savoir et de la sagesse prophétique ?

Et si Abou Hourayra avait reçu le mandat de diffusion de ce savoir  prophétique complémentaire, pourquoi a-t-il renoncé devant les menaces de Omar sachant que le prophète n’a renoncé devant aucune menace ?

Est-ce cela le bon exemple à donner aux générations futures ?

La vérité ne mérite-t-elle pas d’être dite au risque même de se voir infliger toutes sortes de tortures ?…

On raconte, par ailleurs(21), que Omar allait demander l’avis des femmes du prophète et de certains compagnons pour savoir comment gérer des situations et quelles décisions prendre pendant son mandat de calife, en s’inspirant justement du comportement et de la sagesse prophétique.

Les femmes du prophète et les compagnons de confiance rapportaient des informations et même des citations prophétiques pour aider le calife à faire le bon choix. S’agit-il là de deux poids deux mesures de la part de Omar ? Je ne le pense pas ! Puisque Omar faisait bien la distinction entre le Coran d’un côté, comme texte révélé, source d’orientations générales, et les sagesses prophétiques qui,  d’un autre côté, pouvaient, à un moment donné, apporter un éclairage pratique et procédural.

Et c’est justement ce que demandait Omar aux différents consultants qui rapportaient des paroles de sagesse ne contredisant ni le texte ni l’esprit du Coran et qui sont restées jusqu’à aujourd’hui source d’inspiration et d’admiration. Par contraste saisissant, les Hadiths rapportés par Abou Hourayra sont loins de refléter cette sagesse et cette fidélité à la révélation coranique.

Enfin, entre les récits de Abou Hourayra et les témoignages des proches du prophète, l’invraisemblance est plus que parfaite. Pourquoi donc de tels écarts ?

D’où Abou Hourayra puisait-il ses contes et ses fables ?

Qui était (étaient) son (ses) maître(s) penseur(s) ?

Quelles étaient ses sources d’informations authentiques?…

 

(A suivre …)

Notes :

1- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.86

2- Ibid., p.86

3- Ibid., p.92-94

Noureddine Ibn Moukhtar Al Khadimi, Al Ijtihad Al Maqasidy, Kitab Al Oumma, Qatar,  1998, n°65, p.99

4- Ibid., p.86

5- Ibid., p.87

   Ad-Dahbi, Siyar A’alâm An-Noubala’a)

6- Khalid Mohammad Khalid, op.cit., p.148

7- Ibid., p.148

8- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.88

9- Khalid Mohammad Khalid, op.cit., p.148

Khalid Mohamed Khalid rajoute : « …Abou Hourayra accepta de verser puis leva les mains au ciel et dit : « Dieu ! Pardonne à l’Emir des croyants » Quelques temps après, Omar proposa le poste à Abou Hourayra. Ce dernier refusa. Comme Omar demanda      pourquoi, Abou Hourayra répondit : « Pour qu’on n’insulte pas mon honneur et qu’on ne prenne pas mon bien… » Ibid., p.148

10- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.86-90

11- A suivre sur ce blog l’analyse de certains Hadiths de Abou Hourayra exprimant cela.

12- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.86-90

13- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.113

14- Abdellah Ibn Abbas était très jeune, entre 9 et 13 ans, au moment de la mort du prophète mais malgré cela il a rapporté plusieurs centaines de Hadiths ! Quelques 1696 dans le Mousande de Ahmed Ibn Hanbale par exemple ! Les traditionnistes le considère comme « l’érudit de la communauté musulmane » ! Néanmoins, il présente des similitudes avec le personnage de Abou Hourayra que ce soit en raison des contenus étranges de ses Hadiths ou même en raison de ses attitudes politiques. On raconte que lui aussi avait détourné des fonds publics au moment de son mandat de gouverneur à Bassora en Irak en l’an 40 de l’hégire sous le califat de Ali Ibn Abi Taleb ! Pour plus de détails, lire :

Abderrazak Îde, Sadanatou Hayakili Al Wahmi : Al Bouti Namoudajane, At-Tali’a,   Beyrouth, 2003, p.69-77  

15- Al Boukhari, op.cit., Vol. 4, p.434

16- Adonis, op.cit., p.161

17- Ce néologisme est utilisé par les Cheikhs de Al Azhar – université et pouvoir d’inquisition égyptien – les prédicateurs du courant salafiste et la machine théologico-politiques des Frères Musulmans à travers le monde – à l’image de Al Qaradawi  pour désigner et excommunier toute personne musulmane, mettant en question l’authenticité présumée de la sunna et des supposés Hadiths prophétiques, et appelant à une réévaluation du patrimoine religieux et surtout la portée humaine et pacifique de l’ensemble des textes hérités.    

18- Ad-Dahbi, op.cit., Internet

19- Mohammed Rachid Reda (1865-1935), réformiste et penseur de la renaissance islamique à la fin du 19ème et le début du 20ème siècle. Influencé par la pensée de Jamal Dîn Al Afghani et de Mohamed Abdu. Le 15 mars 1898, il publia le premier numéro de  la revue Al Manar, qui tachait de partager ses idées, son exégèse du Coran, ses avis jurisprudentiels avec les lecteurs du monde arabe. Quatre ans après sa mort survenu le 22 août 1935, c’est  Hassan Al Banna, le fondateur du mouvement des Frères Musulmans qui s’est chargé de la direction et de la rediffusion de cette revue. Hassan Al Banna était aussi très marqué par la pensée de Mohammed Rachid Reda.

20- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.114 (Cf. Revue « Al Manar », Vol. 10, p.851)

21- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.115




Il était une fois … un inféodé sur le chemin de Damas : histoire de Abou Hourayra (5)

3102008

Par Mohamed LOUIZI

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6- Des soupçons de Aïcha …

Les historiens et biographes nous racontent que la mère des croyants, Aïcha, vécut avec le prophète plus de 8 ans avant qu’il ne la quitta, alors qu’elle semble avoir eu l’âge de 18 ans(1). 8 ans est une durée relativement suffisante pour connaître de plus près le prophète Mohammad plus que n’importe quelle autre personne, en faisant évidemment abstraction de ses autres femmes, de ses enfants, de ses proches et  de tous ses compagnons familiers.

Il se trouve que les récits de Abou Hourayra l’ont interpellé à maintes reprises. Que ce soit par leurs quantités astronomiques ou par leurs contenus suspects(2) ! En effet, après la mort du deuxième calife, Omar Ibn Al Khattab, survenue en l’an 23 de l’hégire, douze ans après la mort du prophète, Abou Hourayra commença à diffuser en toute liberté des contes – dits Hadiths – en se présentant toujours comme le compagnon à la prodigieuse mémoire inégalée et en faisant passer ses élucubrations pour des citations prophétiques insoupçonnables(3) !

Un jour, Aïcha reprocha à Abou Hourayra le fait de ne plus cesser de raconter aux gens des récits suspects. Et Abou Hourayra de lui répondre : «Au moment où j’accompagnais le prophète de plus près pour apprendre ses Hadiths, toi, tu t’occupais plutôt de ton miroir, de ta boîte à khôl et de tes crèmes de beauté »(4). Prononcée par Abou Hourayra à l’égard de l’une des mères des croyants (!), cette réponse, incontestablement éloquente et respectueuse, montre à quel point ce personnage posait déjà de sérieux problèmes à son époque et à celle qui faisait partie de la sphère privée et intime du prophète : l’une de ses propres femmes. 

Or, le prophète cachait-il des Hadiths à ses propres femmes pour ne les divulguer exclusivement et en toute discrétion qu’à Abou Hourayra ? Aïcha préférait-elle s’intéresser à sa beauté plutôt qu’à l’apprentissage du savoir de son mari ? Aux yeux de Aïcha, les produits cosmétiques étaient-ils plus intéressants que les sagesses prophétiques comme osait le prétendre et même le lui reprocher inélégamment Abou Hourayra ?…

Un autre événement survînt quelques années plus tard, vers l’an 43 de l’hégire, opposant de nouveau Aïcha à Abou Hourayra. Il s’agit d’un Hadith – compilé dans les dites authenticités de Mouslim et dans le « Mousnad » de Ahmed Ibn Hanbal – que Abou Hourayra a rapporté et aussitôt réfuté par Aïcha, seulement quelques jours plus tard !

Abou Hourayra racontait que le prophète avait dit ceci : « Celui qui se réveille un matin du mois de ramadan souillé à la suite d’un rapport charnel avec sa femme, doit s’abstenir de jeûner »(5). Lorsqu’elle entendit parler de ce Hadith, Aïcha démentit immédiatement cette information en s’appuyant non seulement sur sa connaissance de ce que faisait le prophète dans de telles situations, mais aussi sur le témoignage de Oum Salama, une autre femme du prophète. Toutes les deux témoignèrent dans un Hadith compilé dans les présumées authenticités de Al Boukhari et de Mouslim que : « Il arrivait que le prophète se réveillait le matin souillé à la suite d’un rapport charnel, et malgré cela il poursuivait son jeûne »(6) !

Abou Hourayra se trouva pris au piège de ses propres dires puisque son Hadith fut démenti par deux des femmes connaissant le prophète mieux que lui, et sur un sujet qui les concernaient de près. Néanmoins, il réussit tout de même à trouver malicieusement une issue de secours en prétendant que ce n’était pas lui qui avait entendu le prophète dire cela mais qu’un autre compagnon, nommé Al Fadl Ibn Abbas(7), l’avait entendu et le lui avait rapporté ! Et puisque Al Fadl Ibn Abbas était déjà mort depuis 25 ans(8) il n’existait évidemment plus aucun moyen de vérification mais Abou Hourayra s’épargna l’opprobre ! En fait, au lieu de reconnaître son erreur, il préféra faire porter ce mensonge sur le dos d’un défunt. Après tout, pourquoi pas ?

Un autre Hadith traitant de la poésie, rapporté par Abou Hourayra était aussi sujet à la critique et à la rectification par Aïcha. Abou Hourayra rapportait que le prophète avait dit un jour : « Il vaut mieux pour un homme que sa cavité soit remplie de pus et de sang plutôt qu’elle soit plein de poésie »(9). Hadith qui peut signifier un rejet absolu de la poésie par le prophète ! En entendant ce Hadith, Aïcha réagit de nouveau sans attendre, en soupçonnant Abou Hourayra de ne pas transmettre exactement ce qu’avait dit le prophète. Ainsi elle rectifia ce Hadith en disant : « Il vaut mieux pour un homme que sa cavité soit remplie de pus et de sang plutôt qu’elle soit pleine de poésie blasphématoire à mon égard ! »(10) Elle précisa donc que la poésie remise en cause était celle qui se moque et qui dénigre le prophète, puisqu’il s’agissait selon Aïcha et dans l’esprit de son mari de dénoncer la poésie diffamatoire et non la poésie dans l’absolu, comme l’avait prétendu Abou Hourayra.

(A suivre …)

Notes :

1- L’âge de Aïcha – troisième femme du prophète après Khadijah et Sawdah – lors de son mariage est sujet à controverse. Des Hadiths rapportés, entre autres, par Mouslim rapportent qu’elle s’est mariée à l’âge de 6 ou 7 ans et que le mariage a été consommé quand elle eut atteint l’âge de 9 ans, juste après l’hégire et l’installation du prophète à Médine. D’autres estiment son âge au moment du mariage à plus de 10 ans, en se basant sur d’autres Hadiths, estimant son âge au regard de sa date de naissance et aussi par rapport à d’autres événements historiques dont elle aurait été témoin dans son enfance. Ce mariage précoce continue d’alimenter les critiques à l’égard du prophète. En effet, certains y voient de la maltraitance… D’autres disent que ce type de mariage faisait parti des mœurs de l’Arabie d’il y a 14 siècles. Le mariage précoce des garçons et des filles n’avait rien de choquant, à en croire certains historiens, en Arabie et même ailleurs. En France, les filles pouvaient se marier à partir de 15 ans comme le stipulait le Code de Napoléon de 1804. On ignore quel était l’âge limite à partir duquel une jeune fille pouvait se marier en France, il y a 14 siècles ? Le Code de Napoléon n’a subi de modification qu’en mars 2005 – c’est donc tout frais ! – après l’adoption d’une nouvelle loi (Art. 144 du code civil) portant l’âge du mariage pour les femmes de 15 à 18 ans ! Par rapport à cette histoire du prophète, il est peut être intéressant d’étudier en profondeur les différentes versions rapportées et traditions de l’époque ainsi que leurs évolutions à travers le temps, avant d’émettre des jugements de valeurs sans fondements historiques et sans prise en compte des us et coutumes anciennes. Quoi qu’il en soit, le passé et tous les faits historiques quels qu’ils soient ne peuvent être jugés correctement qu’à l’aune de leurs propres contextes.   

2-   Moustapha Bouhandi, op.cit., p.18-23

3-   Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.114

4-   Ad-Dahbi, Siyar A’alâm An-Noubala’a, source Internet 

    Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.147-149

5-  Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.149

6- Ibid., p.149

7- Ibid., p.149

8- Ibid., p.149

9- Ibid., p.153

10- Ibid., p.153







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