Quelques inquiétudes concernant mon pays natal, le Maroc
1 07 2015
Le modèle musulman tolérant, apaisé et pacifié au Maroc, depuis des siècles, et tant vanté par des observateurs locaux et internationaux, ainsi que par des États qui veulent confier la formation de leurs « imams » à l’institution religieuse officielle marocaine (La France a déjà fait ce choix), m’inquiète un peu.
En effet, quelques événements, que j’espère isolés, font craindre l’apparition progressive du spectre de la radicalisation, de l’extrémisme religieux et de l’intolérance, et présage le pire, si rien n’est fait. Les malheurs n’arrivent pas qu’aux autres, dit-on !
D’abord, et cela, en soi, n’est pas un fait isolé , c’est le contenu même du projet de réforme de la « Loi pénale », proposé par le ministre de la Justice et des Libertés marocain, issu du parti islamiste qui est à la tête du gouvernement, le PJD, depuis l’après « printemps marocain ». Cette réforme permettrait, si elle est adoptée en l’état, de mettre sous le coup de la sanction pénale de nombreuses libertés fondamentales, intimement liées aux droits de l’homme et du citoyen. Le débat à son sujet continue à diviser la société marocaine, y compris dans les réseaux sociaux (lire en français ici).
Après, il y a cette intervention de l’intellectuel égyptien laïque, Sayyed Al Qemni, qui n’est pas passée inaperçue sous les radars des réseaux islamistes et conservateurs. Des cheikhs dits modérés, à l’image d’Abdelbari Zamzami, ont qualifié cet intellectuel d’apostat et d’hérétique (lire en arabe ici) – Zindiq en arabe, avec ce que cela pourrait évoquer, en références à des textes sacrés, comme châtiment et au risque d’être interprété, par des cerveaux jihadistes dérangés, prêts à tuer, comme une « fatwa » et un feu vert pour l’assassiner au nom de Dieu. Abdelbari Zamzami, peut-il dire ce qu’il a dit sans être inquiété pénalement ? Le premier ministre marocain appréciera.
D’autres islamistes dits modérés, du PJD en particulier, dans une course électoraliste à peine voilée, ont fait dans la surenchère habituelle, en demandant, purement et simplement, la dissolution du parti politique qui a invité l’intellectuel Sayyed Al Qemni et lui a permis simplement de prendre … la parole !
Le « crime » commis par Sayyed Al Qemni ?
Il s’est juste exprimé, dans un Maroc supposé ouvert d’esprit comme d’habitude, à sa manière. C’est à dire avec franchise, esprit critique aiguisé, et avoir réfléchi, à haute voix et devant un public pacifique, aux sujets de l’héritage islamique qui, en partie, est responsable de la mésaventure et de la décadence structurelle de nombreux pays musulmans, pris d’assaut par des islamistes, dits modérés, et des courants salafistes représentant la profondeur stratégique des premiers. Sayyed Al Qemni a surtout remis en question toutes les bases idéologiques sur lesquelles se construit le rêve, inavoué de certains, de voir surgir au Maroc, un califat islamique ou un émirat annexé à l’État Islamique.
Parmi ces événements inquiétants, il y a l’histoire de ces deux filles, issues de la région d’ Agadir qui sont poursuivies, mais réellement poursuivies, par la justice marocaine, pour avoir simplement portées des … jupes, au début du mois de Ramadan (lire en français ici).
D’ailleurs, le pouvoir, excusez-moi de la comparaison, semble tolérer la petite « culotte » de Jennifer Lopèz et de son fessier exhibé, à Rabat – tout un symbole historique – il y a quelques semaines, et dont l’événement a été transmis par une chaine nationale, 2M pour ne pas la citer. Le pouvoir semble vouloir sanctionner, par la loi pour atteinte à l’ordre public, dans les prochaines semaines, deux jeunes filles marocaines qui ont « osé » porté … des jupes ! Des filles censées être libres de s’habiller comme elles l’entendent, dans un Maroc qui n’était pas comme ça, en tout cas pas à ma connaissance !
Enfin – je peux en citer d’autres exemples – c’est ce que montrent ces deux vidéos, tournées hier soir à Fès – tout un symbole historique aussi – montrant le lynchage violent d’un homme désarmais, suspecté d’être homosexuel. L’on voit une foule de jeunes le frappant avec une violence indescriptible, à coups de poing et coups de pieds, parce qu’il est … homosexuel. Dans la seconde vidéo, l’on entend des cris d’ « Allah Akbar », « Dieu est Grand » accompagnant ce lynchage (voir les vidéos ici et ici et lire en arabe ici).
J’ai quitté le Maroc en 1999 pour venir en France poursuivre mes études. Il n’était pas comme ça. Je poursuis son actualité depuis toujours. J’y reviens presque une fois par an. Je constate certaines améliorations encourageantes et d’autres régressions inquiétantes. Le Maroc, dans l’esprit des occidentaux et des français, avec qui je travaille et je discute, est synonyme de tolérance religieuse et de paix sociale, malgré de nombreux indicateurs politiques, sociaux et économiques qui virent, peu à peu, au rouge vif. Mais comparé à d’autres pays du Nord de l’Afrique et du Moyen-Orient, le Maroc reste un oasis d’hospitalité, de tolérance et de paix.
A l’analyse de ces événements, je crains vraiment pour mon pays. Je me permets désormais, avec le seul moyen que j’ai, de tirer la sirène d’alarme et de dire attention. L’extrémisme est comme le feu de forêt dans une journée caniculaire. Lorsqu’il commence, il est imprévisible, il consume tout et détruit tout à son passage. Personne n’est à l’abri, y compris ceux qui y voient une manne de voix lors des prochaines élections.
Non, le Maroc ne doit pas virer vers l’extrémisme aveugle et vers l’intolérance meurtrière. Ceux qui le gouvernent, qu’ils soient islamistes ou laïques, qu’ils soient du Makhzen non-élu, ou du gouvernement élu, n’ont pas à laisser l’impunité jihadiste s’installer et l’intolérance religieuse se normaliser – Je n’ai pas évoqué ici la situation des chiites et des chrétiens du Maroc qui n’est guère réjouissante.
J’ai lu ces jours-ci un article sur Hespress (lire en arabe ici), relatant la publication d’un rapport, fait par un institut de recherche très proche des frères du PJD, qui démontre la réalité d’un retour significatif vers le religieux au Maroc. Si l’on croit et prend en compte des faits relatés, liés à l’augmentation de la construction de nouvelles mosquées, depuis l’année 2011/2012, et l’augmentation de taux de remplissage des mosquées existantes, entre autres indices, ce retour est plus que réel.
Par conséquent, il est légitime, voire urgent, de poser la question de la signification et du vrai sens de ce « retour au religieux ». S’agit-il d’un retour vers une religion – au sens de récit de la foi musulmane – fait de tolérance, d’hospitalité et de paix, comme les religiosités respectives de nos grand-parents, qui ont su incarner ces valeurs et faire du Maroc, pendant des siècles, un symbole de ce que pourrait signifier vraiment la noblesse de la tolérance ?
Ou bien, s’agirait-il d’un retour voilé, vers une idéologie de conquête, à la fois en lien avec la pensée et le projet islamiste de la branche dure des « Frères Musulmans », en l’occurrence la branche qotbiste et takfiriste, et à la fois en parfaite fidélité à ce que représente le salafisme wahhabite qui a détruit des pays entiers et terrassé un héritage civilisationnel irremplaçable – y compris la maison natale du Prophète à la Mecque ! – et qui, désormais, menace le Maroc tout comme ses autres voisins ? Simples interrogations.
l’école de formation des imams au Maroc qui t’inquiète, n’est que le fruit d’une mure réflexion de sa Majesté le Roi Mohamed 6 ( qu’ALLAH le protège et rallonge dans sa vie) c’est une contribution historique sans précédant pour réformer et innover l’art de l’oraison.
Cher ami, votre nationalisme vous aveugle lorsque vous prétendez que le Maroc « comparé à d’autres pays du Nord de l’Afrique et du Moyen-Orient, le Maroc reste un oasis d’hospitalité, de tolérance et de paix ». On dirait un tract de l’office de tourisme marocain ou du Makhzen accueilllant un chef d’état européen: accueillir le tourisme de masse ne veut pas dire tolérance. Sinon les émirats arabes seraient la capital de la tolérance. En étant ou en faisant mine d’être naif, vous travestissez la réalité: le Maroc a toujours été islamiste dans son fonctionnement 1/parce que le Roi est le commandeur des croyants! c’est à dire un super ayathollah bien avant la révolution religieuse en Iran! 2/parce la religion imprègne depuis toujours l’univers social et politique du pays. Seuls les pays voisins, Algérie et Tunisie ont tenté une séparation du religieux et du politique, avec des fortunes diverses certes, mais ils l’on fait.Les Algériens et les Tunisiens ont combattu et combattent pied à pied les mouvements islamistes dans leur pays, ce que les Marocains sont bien incapables de faire. Forcément avec un roi Ayathollah, ça bride toute résistance au déferlement théocratique.