Ça RAME à Mulhouse ? Le frérosalafisme, ses «titulaires» et ses «auxiliaires».
17 11 2017Par : Mohamed Louizi
Sauf une bonne surprise, le cheikh salafiste saoudien ultra médiatisé, Abdellah al-Mosleh, serait présent le dimanche 26 novembre 2017 au Parc des Expositions de Mulhouse. Membre influent de la LIM[1] (Ligue islamique mondiale), président de l’ICSSQS (la commission internationale des miracles scientifiques dans le saint Coran et dans la sunna), émettant ses fatwas via les satellites à travers des chaînes islamistes (Iqra, al-Rissalah, …), est annoncé comme potentiel orateur-star lors du RAME (Rassemblement annuel des musulmans de l’Est) qu’organisent les Frères musulmans de l’association AMAL, affiliée aux «Musulmans de France» (ex-UOIF). AMAL gère principalement le projet du centre islamiste qatari «Centre an-Nour», à Mulhouse, dont le principal contributeur financier est, officiellement, la Qatar Charity, classée organisation terroriste par l’Arabie Saoudite et par ses alliés pour cause de ses liens, visiblement avérés, avec des groupes terroristes comme al-Qaïda.
1- Les ambiguïtés des «auxiliaires» …
En effet, jusqu’à hier soir, dans une vidéo[2] le salafiste Abdellah al-Mosleh, qui dit avoir été convié à ce rassemblement par son «frère, le cheikh Ahmed Marsso», annonce sa participati– on au RAME et invite les musulmans de l’Est de venir en masse le rencontrer. Il n’y serait pas seul. Il partagera la tribune avec d’autres frérosalafistes «titulaires» comme Hassan Iquioussen, Marwan Muhammad, Ahmed Jaballah et Bechri el Arabi. Ceux-là ne seraient pas seuls, non plus, car ils peuvent compter sur la présence de quelques «auxiliaires», désormais très habitués de ce genre de rassemblements islamistes, comme l’intellectuel Ghaleb Bencheikh et surtout le sociologue Oméro Marongiu-Perria qui tout en se présentant, auprès de nombreux organes de presse écrite, entre autres, comme étant «ex-frère musulman», ayant soi-disant quitté l’UOIF en 2004, il n’a cessé, depuis, d’être de la partie, de presque tous les rassemblements frérosalafistes de France et de Navarre, à l’échelle régionale comme à l’échelle nationale.
D’ailleurs, on ne serait pas à une incohérence près. Car quelques semaines après l’attentat de Charlie Hebdo, ces deux «auxiliaires», Bencheikh comme Marongiu-Perria, avaient rejoint Felix Marquardt, président à l’époque de la Fondation al-Kawakibi[3] qui voulait mener une réforme islamique. Ils s’affichaient, tout sourire, à côté de l’islamologue iconoclaste palestinien Adnan Ibrahim, imam réformiste et professeur de philosophie à l’université de Vienne en Autriche. Aujourd’hui, ils s’apprêtent à partager la tribune, offerte par les Frères musulmans, avec un cheikh salafiste, dissimulant son radicalisme islamiste derrière un sourire barbu, qui a «presque» excommunié le même islamologue Adnan Ibrahim en lui reprochant son esprit critique et ses idées réformistes et novatrices.
2- Le takfirisme :
En effet, dans une vidéo[4], tournée à Madrid en Espagne en 2015, le salafiste saoudien Abdellah al-Mosleh, entouré de ses «frères» madrilènes, s’est livré à ce qui ressemble fort à un acte de takfirisme à peine voilé de l’intellectuel musulman Adnan Ibrahim. Il l’a rangé dans la catégorie des «ennemis d’Allah». Celle qui — en prêtant attentivement l’oreille à sa démonstration — contiendrait, en plus d’ Adnan Ibrahim, les juifs, les chrétiens et les chiites. Le cheikh saoudien a fini par lâcher cette sentence ferme : «il est interdit de faire la prière rituelle derrière Adnan Ibrahim». Son takfirisme s’attaque aussi à d’autres intellectuels musulmans, comme le syrien Muhammad Shahrour[5], par exemple, l’auteur du célèbre essai : Le Livre et le Coran, à qui j’ai consacré plusieurs pages dans mon Plaidoyer pour un islam apolitique : immersion dans l’histoire des guerres des islams (Michalon-2017).
3- « L’IVG est haram » :
Au-delà de son appétit pour l’excommunication — plutôt « soft », diraient certains — à l’égard d’autres intellectuels musulmans qui perturbent son schéma et secouent ses paradigmes, le salafiste Abdellah al-Mosleh s’illustre par ses fatwas et avis juridiques, transmis aux musulmans du monde entier, en langue arabe, via les chaines satellitaires. Il a un avis sur presque tout. Ci-après, je ne prétends pas avoir fait le tour de son univers «juridique» mais rien que ces quelques pépites esquissent déjà les contours d’un salafisme revendiqué, assumé, ou du moins d’un «salafisme hybride», encore plus dangereux, car fourbe et, pour l’occasion, souriant.
Au sujet des femmes, cette obsession frérosalafiste, au sujet du corps féminin en particulier, cet enjeu stratégique pour l’islamisme conquérant, le salafisme qui le sous-tend multiplie les interdits, persiste et signe. A tel point que tout droit des femmes, toute liberté qu’elles ont acquise après tant de siècles de souffrances et de luttes, se voit interdits par des textes archaïques, ou limités au maximum par des fatwas moyenâgeuses.
Exemple, au sujet de l’IVG (interruption volontaire de la grossesse), un droit des femmes reconnu en France depuis la loi Veil [6] de 1975, le cheikh salafiste Abdellah al-Mosleh, tout en distinguant entre la «limitation de la natalité» (الحد من النسل) — haram, illicite selon le cheikh — et «l’organisation de la natalité» — halal, licite selon ses dires — il insiste sur son interdiction immuable, dans son islam à lui, qui n’autorise, rappelle-t-il, aucune IVG au-delà de 42 jours de grossesse, quelqu’en soit le motif, sauf si un avis médical sérieux la justifie, en cas de risque mortel pour la femme. Mis à part ce cas particulier, ce cheikh balaye ce droit d’un revers de fatwa en répondant à la question d’une musulmane, résidente en Italie. Il lui a même rappelé que doit être le rôle exclusif de la femme musulmane, selon sa vision des choses, à savoir : la procréation intensive, la GPO (Gestation Pour l’Oumma) et l’éducation des futurs musulmans[7].
4- La femme, un être « impur » ?
Au sujet du voilement de la femme, il est plutôt archi-pour le voile intégral. Pour le dire à sa façon, en rependant à la question de Fatima, présentée comme musulmane résidente en France, il a défendu le principe du voile intégral — interdit[8] en France, dans l’espace public, depuis 2010 — en s’en prenant violemment à l’ex-Président de la République Nicolas Sarkozy et au père de la laïcité turque Kemal Atatürk. Le cheikh salafiste les considère comme étant le «mal incarné» et comme les «alliés de Satan»[9].
Accessoirement (une façon de dire), il interdit aussi aux femmes de s’épiler les sourcilles et ne cesse de rappeler ce hadith-invocation attribué au Prophète : « Qu’Allah maudisse celles qui taillent les sourcils et celles qui se les font tailler »[10]. Effectivement, il laisse la place à une seule exception qui confirme bien la règle générale.
Aussi, à l’image d’autres orthopraxies voisines, attachées à d’autres courants intégristes juifs et chrétiens — J’en parle aussi dans mon plaidoyer — il interdit à la femme indisposée de toucher le saint Coran durant ses menstruations[11]. La femme indisposée, assimilée dans l’imaginaire salafiste de ce cheikh et l’impureté, peut réciter oralement les versets qu’elle a appris par cœur mais, en aucun cas, elle n’a le droit de toucher la vulgate d’ Othmân. Elle peut le faire mais indirectement, en prenant la précaution de mettre un tissu entre ses mains et la couverture de la vulgate !
5- De la musique jihadiste :
Par ailleurs, au sujet de la musique — presque dans la droite ligne du fameux imam frérosalafiste de Brest, l’imam Abou Houdeyfa, Rachid el-Jay[12] de son vrai nom, et sa fameuse fatwa[13] — le saoudien Abdellah al-Mosleh opte plutôt pour l’interdiction de la musique que pour son autorisation. Dans une vidéo[14], en mettant en avant le fait qu’il aurait écouté une des symphonies de Beethoven, avant de formuler son avis juridique religieux «éclairé» — comme pour dire qu’il parle bien de ce qu’il connait de très près — il a recommandé aux jeunes d’éviter au maximum d’écouter la musique. Selon lui, la règle en islam, son islam à lui que rappellent quelques articles en arabe[15], est l’interdiction de la musique. Toutefois, la musique militaire — peut-être comme celle qu’utilise les jihadistes dans leur clips de propagande — peut-être tolérée ainsi que les musiques des génériques des émissions télé, comme celles qui lui offrent une caisse de résonance satellitaire par exemple.
On comprendra que, comme tous les salafistes et leur père Abou Hourayra, il n’aime pas les chiens de compagnie. Il leur est très hostile à tel point d’interdire à la personne qui l’interroge de prendre un chien de compagnie, à l’exception des chiens de garde et des chiens de chasse[16].
7- Face aux récidives frérosalafistes, la République ?
Si on creuse encore, on trouvera d’autres positions en rupture totale ou partielle avec notre temps et avec les principes, les valeurs et les lois de la République. Cela n’empêche que les Frères musulmans de l’association AMAL l’invitent. Ils ne sont pas à leur coup d’essai. L’UOIF a essayé de changer le nom de sa structure frérosalafiste, en opérant une misérable OPA sur les citoyens musulmans mais surtout pour espérer effacer un passif lourd, fait, entre autres, de diffusion permanente du discours islamiste radical et de sous-traitances à répétition de ladite radicalisation islamiste à des prédicateurs frérosalafistes de renommée médiatique internationale. L’UOIF et ses «titulaires» le font, au vu et su de tout le monde, depuis toujours et notamment depuis le 7 janvier 2015, à Lille[17], comme au Bourget[18] et ailleurs.
Quant aux «auxiliaires», il leur appartient désormais de clarifier, une fois pour toute, leur positionnement vis-à-vis de l’idéologie frérosalafiste et vis-à-vis de son réseau. L’heure des compromis intéressés, voire des compromissions, est révolue. L’islamisme ne changera pas. Il mue mais sans changer de nature. Il n’est pas là pour débattre. Il est là pour un agenda supranational et un but clairement identifié. L’islamisme est un cancer mortel et non une solution. L’heure est vraiment grave. Que chacun assume ses responsabilités en ces moments très critiques de l’Histoire de la France, Peuple et État. On espère que les femmes et hommes politiques locaux soutenant les islamistes de Mulhouse, et qui ont soutenu aussi le Président Macron, prennent leur responsabilité. Peuvent-ils continuer à tolérer d’exposer la jeunesse française de leurs quartiers populaires à ce genre de discours ? La réponse est dans la question.
Notes :
[1]- Lire mon billet du 9/11/2017, ici : http://mlouizi.unblog.fr/…/strasbourg-un-pont-de-leurope-e…/
[2]- https://video-cdg2-1.xx.fbcdn.net/v/t42.1790-2/22991678_493046451094164_2469514218475356160_n.mp4?efg=eyJ2ZW5jb2RlX3RhZyI6InN2ZV9zZCJ9&oh=638473361d23c6ba47fedfcf94332125&oe=5A106F46
[3]- http://www.saphirnews.com/La-reforme-de-l-islam-l-ambition-…
[4]- https://www.youtube.com/watch?v=IWu7v69lIW0
[5]- https://sabq.org/SvTfde
[6]- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do…
[7]- https://www.youtube.com/watch?v=rKm6sHlznLw
[8]- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do…
[9]- https://www.youtube.com/watch?v=UdTeA8x8Rwk
[10] https://www.youtube.com/watch?v=BEVq2w4UQF0
[11]- https://www.youtube.com/watch?v=6TyKEzUJEkg
[12]- https://www.facebook.com/Rachid.Eljay.officiel/
[13]- http://www.sudouest.fr/…/aimer-la-musique-c-est-le-diable-l…
[14]- https://www.youtube.com/watch?v=dON0g9a7tcM
[15]- https://sabq.org/SvTfde
[16]- https://www.youtube.com/watch?v=TLi33eAnSX4
[17]- https://blogs.mediapart.fr/…/7-fevrier-un-doigt-d-honneur-d…
[18]- http://www.ikhwan.whoswho/blog/archives/10152
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