Projet islamiste : Tareq Oubrou décalotte Tareq Oubrou.
13 11 2018Par Mohamed Louizi
« Moi en tant que théoricien, métaphysicien, je vois le présent mais je vois le temps long. Le temps de la religion, ce n’est pas le temps du politique, ce n’est pas le temps de l’identité. C’est une vision qui s’inscrit à long terme. Si on veut vraiment que l’islam soit une religion de l’Occident, il faut du temps. Celui qui veut courir quarante kilomètres ce n’est pas comme celui qui veut faire cent mètres. Ce n’est pas le même rythme … »[1] Ainsi parla Tareq Oubrou clairement, non sans vanité perceptible en s’autoproclamant « théoricien » et « métaphysicien », dans un centre islamiste à Stains, dans le département de la Seine Saint-Denis, le fameux 9-3, devant des hommes et des femmes, des « frères » et des « sœurs », rassemblés sous un même toit mais séparés tout de même par un couloir qui semble être celui de la pudeur islamiste : les hommes d’un côté et les femmes de l’autre. Mais qui a parlé de mixité ?
Celui qui est désormais plébiscité ouvertement par le banquier Hakim El-Karoui (et par l’Institut Montaigne), et qui, selon certaines indiscrétions, pourrait être nommé prochainement par Emmanuel Macron, le président de la République, au poste usurpatoire et illégitime de « grand imam de France », à la tête d’un prétendu « consistoire islamique de France » ou d’un soi-disant « conseil théologique des imams » n’a pas tenu ce propos, comme on pourrait le supposer à tort ou à raison, il y a bien longtemps. Il ne l’a pas tenu durant ses années de militantisme islamiste acharné et à visage découvert pour rétablir le califat depuis son fief de Bordeaux alors que le filtre de l’habilité langagière, de la dissimulation taqiyyaniste, acquis avec l’âge et la fréquentation de certaines obédiences ésotériques, lui faisait défaut. Il avait ainsi dit dans un discours dogmatique et antisémite des années 90, je cite :
« En 2 mars 1924, le califat est déclaré aboli par Mustafa Kamel, connu sous le nom d’Atatürk, c’est-à-dire, le père des turcs, qui est un juif d’origine qui s’est déguisé en musulman. La Oumma se trouve alors dans une situation illégale. Je dirais même dans une condition de péché. Car le califat est une obligation [religieuse]. Et la réunion des musulmans autour d’un calife est une obligation [religieuse]. Et tant que les musulmans ne sont pas réunis autour du califat, ils sont des pécheurs sauf ceux qui œuvrent pour instaurer ce califat »[2], à savoir : les Frères musulmans.
Non ! Ce n’est pas dans les années 90 que Tareq Oubrou a dit avec assurance et acuité : « si on veut vraiment que l’islam soit une religion de l’Occident, il faut du temps. Celui qui veut courir quarante kilomètres ce n’est pas comme celui qui veut faire cent mètres. Ce n’est pas le même rythme … »[3], mais en novembre 2016. Un an après les attentats de Paris. Quelques mois après que le groupe Etat islamique, Daesh et son calife, l’avaient menacé de mort[4]. Cette menace fut utilisée par la suite, par une certaine presse complaisante, tel un gage de différenciation entre l’islam califal violent de Daesh et l’islam supposé « libéral », « légaliste » et du « juste milieu » de Tareq Oubrou. Force est de constater que cette menace ne pouvait que profiter à celui qui fait des pieds et des mains pour redorer son blason, faire oublier un passif frérosalafiste qu’il n’a jamais soldé et se repositionner pour paraître, aux yeux du petit monde politique et médiatique parisien, comme l’homme providentiel dudit « islam de France ». N’a-t-il pas déclaré en mai 2018, dans le cadre de ce même processus de blanchiment de soi, qu’il quitte le foyer des Frères musulmans en France sans pour autant « rompre avec [sa] famille »[5]-[6] islamiste ?
Quand on observe attentivement les choses, à la lumière de ce propos formel et explicite de Tareq Oubrou, on peut considérer sans risque de se tromper qu’au fond, entre le projet islamiste de Daesh et le projet islamiste de Tareq Oubrou, la différence majeure réside dans la cadence des actes fondateurs, dans le rythme des séquences d’implantation des jalons sur le chemin qui mène au califat. C’est la même différence qui existe en athlétisme entre le sprint et l’endurance. Si Daesh a décidé de sprinter pour rétablir le califat, ici et maintenant, en courant très vite les « cent mètres », Tareq Oubrou, lui, prône l’endurance et préfère le rythme marathonien, fidèle à l’idéologie des Frères musulmans qui vise le Tamkine par étapes et par étages sur le temps long. Paris ne s’est pas fait en un jour. Il ne sera pas « islamisé » en une génération de loups barbus. La meute rodant autour sait donner du temps au temps …
Il y a presque deux ans, jour pour jour, le 20 novembre 2016, le frérosalafiste Nabil Ennasri avait choisi, comme premier invité de la première édition du prétendu « espace pluriel » du centre islamiste Shatibi de Stains, un conférencier « de marque » : son Frère, Tareq Oubrou. Ce dernier fut invité à discourir au milieu d’un public initié autour de la question stratégique : « La communauté musulmane de France entre spiritualité et identité : quel projet pour quel avenir ? ». Tout un programme ! La conférence dura plus d’une heure. Le montage publié par Nabil Ennasri, quelques jours plus tard, dure 59 minutes et 23 secondes. Il semble, après vérification, toujours accessible sur Youtube. Un extrait vous est proposé sur ce lien[7]. En plus du son, on a l’image. En plus des mots, on a les gestes. En plus du sens, on a les a priori. En plus des séquences cinégraphiques, on a le décor scénographique.
Sans papiers, sans notes, Tareq Oubrou, avec une spontanéité millimétrée, fit parler ses tripes, ses sourires, ses points de suspension ô combien révélateurs : les initiés ont certainement compris le dit et aussi le non-dit. Le temps dehors semblait maussade et pluvieux. Tareq Oubrou, aux mille et un discours adaptés à la situation, avait prévenu ses spectateurs et téléspectateurs : « Même le climat, il a une influence sur le discours. Je suis sûr et certain que s’il faisait beau, mon approche ne serait pas la même »[8]. Ici, il parlait bien de la part variable de son approche, de son discours, et non de sa part fixe, constante car idéologique. Cette part, malgré les précautions sémantiques, a pu s’imposer petit à petit, au fil des minutes qui défilaient. Certainement, la fatigue y était pour quelque chose. Et tant mieux ! Elle a permis au naturel, souvent chassé au cours des prises de parole sur les plateaux de télévision et les studios des radios, de revenir au galop sans voile. Ainsi, il faut vraiment prendre son mal en patience pour entendre à la cinquantième minute cette recommandation : « si on veut vraiment que l’islam soit une religion de l’Occident, il faut du temps. Celui qui veut courir quarante kilomètres ce n’est pas comme celui qui veut faire cent mètres. Ce n’est pas le même rythme »[9] !
Mais avant cela, Tareq Oubrou a essayé de justifier, avec la subtilité qui lui est désormais propre, les raisons profondes qui le motivent à changer de stratagème et à prendre un autre chemin, différent des chemins d’autres islamistes, pour arriver au final à la même destination qu’eux. Tareq Oubrou prône désormais l’apaisement, « pour le moment » dit-il, car « la réalité française est également une réalité tripale, pas rationnelle. Et donc il faut apaiser. C’est pour cette raison qu’on a besoin pour le moment d’un discours d’apaisement pour pouvoir entrer en dialogue, en communication. » Ce discours d’apaisement, somme toute conjoncturel et non structurel, est sous-jacent dans l’approche de Tareq Oubrou à un autre artifice « la visibilité proximale (ou de proximité) » que prône aussi l’ami d’Alain Juppé.
En effet, lorsque l’islamiste qatarophile Nabil Ennasri avait rendu compte de la conférence de Tareq Oubrou, dans un post datant du 1er décembre 2016 sur sa page Facebook, il avait expliqué le sens de cette visibilité comme suit : « Sur la question de la visibilité de l’islam en France, Tareq Oubrou plaide pour une « visibilité proximale » (ou de proximité), c’est-à-dire une apparence extérieure des musulmans qui soit en phase avec l’environnement culturel du lieu et de l’époque où ils vivent. »[10] Et Nabil Ennasri de rajouter : « Lorsque le prophète Mohamed s’est implanté à Médine, il est rapporté dans la Sunna authentique qu’il s’était mis à se coiffer les cheveux à la manière des juifs qui, à l’époque, constituaient plus du tiers de la population de la ville. La substance même de «la visibilité proximale» en somme. »[11] C’est peut-être pour cette raison que Tareq Oubrou abandonne selon les circonstances son accoutrement d’imam frérosalafiste « métaphysicien » autoproclamé, pour un costume italien trois pièces, les cheveux couverts d’une coiffe juive. Sans ambiguïté, Tareq Oubrou dit dans cette conférence : « Celui qui veut nager ne vient pas en jilbab. Il vient en short pour ne pas dire autre chose. Tu tombes dans la réalité [française], il faut que tu ajustes ta morphologie »[12] !
Dans l’approche de Tareq Oubrou, ladite « visibilité proximale », basée sur « l’ajustement de la morphologie » comme il le recommande dans sa conférence de Stains, le fait passer auprès d’une classe politique et médiatique métropolitaine, dangereusement insensible aux différentes alertes, pour un « modéré », pour un « libéral », alors qu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que de l’expression préméditée et sophistiquée de la Taqiya islamiste dans toute sa splendeur. Et ce, pour servir in fine le même projet frérosalafiste à long terme, sans risque d’être flashé par les quelques radars, encore en service minimum, sur cette autoroute de l’autodestruction, en direction de cet ancien-nouveau fascisme, surtout à la vitesse à laquelle marchent les Frères musulmans à l’ombre d’Emmanuel Macron. Pis, cette « visibilité proximale » agit comme une sorte d’assurance tous risques garantissant à terme, et sans bruit, l’enracinement du dogme islamiste dans le terreau français et occidental : condition sine qua non pour la viabilité du projet de Tareq Oubrou et de ses Frères.
D’ailleurs, Tareq Oubrou ne dit pas autre chose dans cette conférence lorsqu’il fustige ce qu’il voit comme un désordre par ce propos : « J’ai l’impression qu’on commence par la fin. »[13] Pour se donner du crédit, il n’hésite pas à rappeler que le Prophète a passé « treize ans à la Mecque »[14], avant de se rétablir à Médine, durant laquelle « il n’y a eu qu’un discours sur la foi »[15]. Un propos s’inscrivant dans la droite ligne de l’idéologie de tous les partis islamistes et notamment des épîtres d’Hassan al-Banna qui font de l’enracinement du dogme et de sa compréhension le premier pilier de l’allégeance et de l’action. Tareq Oubrou rajoute : « même à Médine, la plupart du discours [coranique] médinois, c’est encore la foi, préparer l’individu à être à l’aise dans le monde, préparer la rencontre de Dieu. »[16] Pour lui, il ne faut pas faire comme « cet homme nu »[17] qui, au lieu de demander « un slip, puis un pantalon pour cacher sa grande nudité »[18], aurait demandé « je veux un anneau »[19], une bague.
Sa crainte ? Elle se résume en ces termes : « si on continue comme ça, d’ici vingt ans, il y aura une extinction de l’islam, un épuisement de la foi, parce que l’expression de la visibilité [aujourd’hui] n’est pas proportionnelle à l’enracinement de la foi. »[20] Sa « visibilité proximale » voudrait donc mettre de « l’ordre » dans « le désordre » afin d’éviter des heures sombres pour le projet islamiste en Occident. L’ami d’Hakim El-Karoui veut d’abord y enraciner le dogme islamiste avant de sommer cet Occident, et la République, de se soumettre à d’autres revendications, proportionnelles à la profondeur de l’enracinement de ce projet et de la foi qui le sous-tend. Il dit : « c’est en fonction de l’enracinement que la hauteur de la pente se mesure. Voilà, tu ne peux pas montrer [aujourd’hui] que tu es quelque chose, tu fais peur aux gens alors qu’à la moindre tempête tu es éradiqué de l’existence. »[21]
Tareq Oubrou va jusqu’à dire : « on est en train, par notre visibilité, de doper le christianisme, de déséculariser toute une société. On est en train de réveiller les vieux démons chez les autres. Le laïque devient chrétien parce qu’il y a devant lui un musulman trop visible. »[22] Plus clair, tu meurs ! Tareq Oubrou recycle dans sa dernière phrase un vieux standard idéologique islamiste, opposant à dessein la laïcité et la foi. Comme s’il n’était pas possible, dans sa perception des choses, de concilier la foi religieuse et la laïcité française. De ses vœux, il appelle à changer de tactique voire de paradigme. Car ce qui est nécessaire n’est pas forcément suffisant. L’art de « négociation de la visibilité », à long terme, serait d’en varier les procédés et d’en compléter le panel sans faire une fixette sur le Droit.
Le promu de l’Institut Montaigne, Tareq Oubrou, a fait à Stains, à côté de son hôte Nabil Ennasri, un état des lieux de la « visibilité » et a tiré la sonnette d’alarme auprès de ses frères et sœurs. « Jusqu’à maintenant, dit-il, on négocie notre visibilité en terme de Droit. C’est une mauvaise négociation parce que l’être humain est traversé par les tripes. Et c’est l’être humain qui fait la loi. Ils [les Français] peuvent changer la loi. On peut même basculer vers une dictature. On peut même basculer vers une extermination. Un homme reste un homme. C’est lui qui fait la loi. C’est lui qui change la loi »[23], avant d’avertir : « une visibilité qui se négocie uniquement en terme de Constitution, en terme de droits universels, en terme de dignité, c’est bien ! Mais ce n’est pas suffisant. Parce qu’à force de revendiquer ce qui est légitime, vous pouvez renforcer chez l’autre la perception d’une communauté conquérante. »[24] Ce qui pourrait s’avérer mortel pour la viabilité du projet islamiste.
Tareq Oubrou a même invité son parterre d’initiés à « entrer dans la tête d’un commun des français [non musulmans], [bombardés] matin et soir [par les médias] »[25] pour mieux comprendre le sens de cette « perception d’une communauté conquérante »[26] et de ses conséquences sur la sécurité des musulmans. Dans ce qui apparaît comme une confidence à l’adresse de son auditoire, il lança : « c’est même un miracle que les musulmans ne sont pas agressés matin et soir mais ça risque de, ça risque de, [ça risque] d’arriver. »[27] Agitant ainsi avec malice le chiffon rouge de « l’extermination » des musulmans par des non-musulmans.
Il a simplement oublié de préciser qu’il ne s’agit ni de miracle ni d’aucune autre ineptie irrationnelle si les citoyens français de foi ou de sentiment religieux musulman ne sont pas « agressés matin et soir ». C’est certainement grâce à la laïcité française, à la loi 1905 et à l’Etat de Droit que cela n’arrive pas. La République française a mis un terme à la guerre des religions en s’entendant sur un équilibre producteur de paix social à l’échelle collective et d’émancipation à l’échelle individuelle.
Aussi, l’on devrait analyser le lien de corrélation existant entre, d’un côté, le traitement que le régime de Vichy (1940-1944) a réservé aux français juifs, en les conduisant vers les camps de concentration et d’extermination nazis et, de l’autre côté, ce que ce régime a fait, en même temps, pour détricoter l’équilibre trouvé par la loi de 1905, en menant une « politique cléricale »[28], y compris au sein des établissements publics de l’Education nationale, là où une loi modificatrice avait instauré, dès 1940, « les devoirs envers Dieu dans les programmes d’enseignement primaire »[29]. Jean Jaurès qui, un jour du mois d’octobre 1886, avait répondu à ses adversaires à la Chambre des députés : « Vous nous dites tous les jours que c’est nous qui avons chassé Dieu de l’école, je vous réponds que c’est votre Dieu qui ne se plaît que dans l’ombre des cathédrales. »[30], pouvait dès lors se retourner dans sa tombe.
Le 25 décembre 1942, Philippe Pétain, qu’Emmanuel Macron considère désormais comme un « grand soldat »[31], avait signé la loi n°1114 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État[32], en élargissant le panel des édifices cultuels qui pourraient bénéficier de l’argent public alloué à leur réparation même si ces édifices ne sont pas classés monuments historiques. Une façon pour Pétain de « réparer le lien » de son régime avec l’Eglise catholique. Il se murmure que Macron s’apprêterait à sa façon à « réparer »[33] ce lien, dans les prochaines semaines, et à modifier une nouvelle fois cette loi, pour élargir, peut-être, le panel des édifices cultuels subventionnés par l’Etat en y intégrant, cette fois-ci, les « mosquées-cathédrales »[34] chères aux Frères musulmans, à la grande joie de Tareq Oubrou.
C’est le journal L’Opinion, là où Hakim El-Karoui a ses repères et ses chroniques[35], qui s’est procuré un « avant-projet sur lequel planche l’exécutif »[36] en vue d’une modification imminente de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Emmanuel Macron va-t-il mettre à mal l’équilibre de la loi 1905 comme l’a fait Philippe Pétain sous le régime de Vichy en 1942 ? Réponse dans quelques semaines.
Attendons de pouvoir voir plus clair, alors que Tareq Oubrou, ce possible futur « grand imam de Macron »[37] qui a déclaré récemment, dans Le Point, que « la loi 1905 n’est pas un texte sacré ! »[38], en reproduisant mot pour mot[39], ce qu’un proche d’Emmanuel Macron avait déclaré au JDD en février 2018, n’est pas prêt à mener la réforme religieuse qui s’impose en s’attaquant frontalement, comme l’exige le courage intellectuel d’une conscience humaniste qui ne fuit pas ses responsabilités dans l’espoir de préserver ses intérêts, à tous les textes attribués au Prophète et qui sont producteurs de tant de haine, de tant de violences.
Au contraire, Tareq Oubrou plaide pour sauver le corpus des hadiths par ce qu’il appelle « interprétation » qui est loin d’être ce processus herméneutique que décrit Nasr Hamed Abou Zayd dans sa littérature réformiste. Dans la bouche des islamistes et de Tareq Oubrou « l’interprétation » sonne plutôt comme le synonyme de ce que Abou Zayd appelle le « Talwîn » (la coloration) : « colorer le texte en lui faisant dire ce que nous avons envie qu’il dise »[40]. Si l’interprétation, comme l’explique Abou Zayd, tend nécessairement vers l’objectivité scientifique et réduit le risque de l’arbitraire, de par les outils épistémologiques qu’elle sollicite, minimisant le champ des subjectivités, la lecture tendancieuse, transpirant des propos de Tareq Oubrou, elle, est de nature purement idéologique : son intérêt est de sauver la matrice scripturaire frérosalafiste et non de libérer l’humain de ses griffes.
Dans sa conférence de Stains, il a dit : « dès que le hadith ou bien le verset [coranique] devient dans son application problématique, on change son interprétation. Si c’est un hadith, on revoit son authenticité. Si le texte est Moutawatir [notoire] et Sahîh [authentique], on le conserve mais on le sauve par le Ta’awîl [l’interprétation]. Car l’interprétation sauve le texte. On ne change pas les textes. On change la perception.» Là résident sa limite de prétendu réformateur et la ligne jaune de son « discours d’apaisement » et de sa stratégie d’ « adaptation de la morphologie ». Tareq Oubrou demeure un frérosalafiste convaincu qui ne peut rien lâcher sur l’essentiel, sur la sacralité des hadiths. Preuve, s’il en faut encore une, que la différence entre Wahhabites et Frères musulmans, entre Frères musulmans et Wahhabites, n’est pas de nature : les deux sacralisent les mêmes hadiths. Elle est uniquement de degré, d’ordre morphologique, d’angle de perception.
Pour lui, « la loi de 1905 n’est pas un texte sacré » mais tous les hadiths, dits authentiques chez les sunnites, qui appellent à tuer les apostats, à combattre les juifs jusqu’à la fin des temps, à lapider l’adultère, à voiler les fillettes, à soumettre la terre entière par l’épée à l’islam politique, sont des textes sacrés. Tareq Oubrou appelle à les sauver par un jeu d’ « interprétation » tendancieuse. L’héritage scripturaire d’Abou Hourayra[41] est plus sacré, dans l’esprit de Tareq Oubrou, que celui salutaire de Jean Jaurès.
Par ailleurs, si Tareq Oubrou avertit ses « frères » et « sœurs » contre les dangers d’une « visibilité » revendicative ici et maintenant, il appelle à exceller sur un autre registre de la « visibilité » : celui du discours sur les questions de société. « Aujourd’hui, regrette-t-il, la technique [la technologie] est la question de notre temps. Quelle visibilité du discours théologique et philosophique sur la technique [technologie] en tant que musulman ? Niet ! On tourne encore autour du hijab, du jilbab, autour du niqâb, la barbe, le qamîs, etc. Mais c’est quoi cette visibilité ? On n’a pas d’autres sujets ? On nous impose des sujets, de fausses équations. Que dire de l’Homme aujourd’hui ? Quel discours théologique sur la société ? Sur l’humanitaire ? Sur les solidarités ? Sur ce que produit la technique [technologie] comme altération de l’humain ? On parle de l’augmentation de l’humain, on est en train de le diminuer. Il y a l’Homme qui disparaît devant la machine. On va bientôt être gouverné par des algorithmes. Il faut une visibilité de la pensée également.»[42]
Ainsi, pour situer cette injonction d’ordre intellectuel dans un vaste cadre idéologique, dans lequel puise toujours Tareq Oubrou, je renvoie à mon article : « « L’islamisation », le bien commun des « Frères » siamois », à lire ici[43] et ici[44], qui aidera sans doute à lever les quelques ambiguïtés qui peuvent encore subsister malgré cette clarté presque inhabituelle dans le discours de Tareq Oubrou. Une fois n’est pas coutume.
Enfin, au terme d’un processus de décryptage factuel, exigeant une constance imperturbable, demandant beaucoup de temps et tant de sacrifices, dans l’espoir de contribuer à éviter à la République le pire si elle décide, en son âme et conscience, de se livrer volontairement au fascisme islamiste, je peux dire que mon devoir de citoyen est désormais accompli. Croira qui voudra et niera qui voudra. Je n’ai presque plus rien à rajouter sauf si des circonstances particulières m’obligent à abattre ma dernière carte joker. Je ne compte pas le nombre d’articles et de billets de blog que j’ai rédigés et publiés durant le peu de temps libre que j’ai, les soirs et les week-ends, au moins depuis le printemps 2017 : « Présidentielle : Emmanuel Macron, otage du vote islamiste ? »[45] & « Edouard Philippe : futur premier ministre ? »[46].
Le lecteur peut compléter les informations du présent article par d’autres, comme : « Les jalons de François Burgat sur les route des Frères »[47] ; « Macron a reçu les Frères musulmans à l’Elysée. Va-t-il les financer par l’argent du contribuable ? »[48] ; « Ceci n’est pas une révélation : « l’islam français » d’Hakim El-Karoui est « En marche » dans les coulisses du pouvoir »[49] ; « Hakim El-Karoui : To Qatar or not to Qatar ? »[50] ; « Le vrai hommage rendu au colonel Beltrame est la lucidité exprimée par le général Soubelet »[51] ; « Amar Lasfar : c’est comme si toutes les femmes sont [étaient] lapidables »[52] ; « Roman islamiste à l’eau de rose : sexes et scandales »[53] ; « Tareq Oubrou, un futur « grand imam » de Macron ? »[54] ; « Habemus imam … »[55] et la liste est encore longue.
Que puis-je espérer donc, si ce n’est de voir ces alertes désintéressées prises au sérieux, par ceux qui sont, en principe, censés respecter et faire respecter le cadre laïque tel que défini par la loi du 9 décembre 1905. Est-ce trop demander ? Toucher à ce cadre, ne serait-ce qu’à la marge, fera sans doute le jeu des islamistes à long terme et assurera à Tareq Oubrou, s’il est nommé « grand imam de France » et à ses Frères la garantie de faire de leur projet politique islamiste non seulement un « islam français » soumettant à ses diktats les cœurs, les corps et les territoires mais une « religion de l’Occident » dominant Rome, comme le prophétisait jadis un hadith califal que connaît très bien Tareq Oubrou. En son temps Hassan al-Banna disait : « Les réalités d’aujourd’hui étaient les rêves d’hier, et les rêves d’aujourd’hui sont les réalités de demain »[56], si Macron le veut … Incha’Allah !
Notes :
[1] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[2] https://www.youtube.com/watch?v=oQNkNTmTefI&feature=youtu.be
[3] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[4] https://www.nouvelobs.com/monde/20160427.OBS9316/tareq-oubrou-imam-de-bordeaux-menace-par-daech-je-n-ai-pas-peur.html
[5] https://www.saphirnews.com/Depart-de-Tareq-Oubrou-de-MF-Je-ne-suis-pas-un-theologien-organique_a25180.html
[6] http://mohamedlouizi.eu/2018/05/14/tareq-oubrou-un-futur-grand-imam-de-macron/
[7] https://www.youtube.com/watch?v=IzJb5piIvEQ&feature=youtu.be
[8] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[9] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[10] https://www.facebook.com/EnnasriNabil/posts/c%C3%A9tait-il-y-a-quelques-jours-avec-l%C3%A9crivain-et-imam-tareq-oubrou-beaucoup-dentre/1097324887050696/
[11] Ibid.,
[12] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[13] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[14] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[15] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[16] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[17] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[18] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[19] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[20] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[21] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[22] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[23] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[24] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[25] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[26] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[27] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[28] https://www.comprendre-la-laicite.fr/19-l-histoire-de-la-laicite/la-laicite-apres-la-loi-du-9-decembre-1905/29-le-regime-de-vichy-et-la-laicite-1940-1944.html
[29] Ibid.,
[30] https://fr.wikisource.org/wiki/Action_socialiste/%C3%89coles_municipales_populaires
[31] https://www.marianne.net/politique/hommage-petain-macron-retropedale-en-accusant-medias-et-opposants-de-mauvaise-polemique
[32] http://www.legirel.cnrs.fr/spip.php?article270
[33] https://www.lemonde.fr/religions/article/2018/04/10/macron-veut-reparer-le-lien-entre-l-eglise-catholique-et-l-etat_5283135_1653130.html
[34] http://www.europe1.fr/societe/il-faut-des-mosquees-avec-pignon-sur-rue-2420117
[35] https://www.lopinion.fr/auteur/hakim-el-karoui-245158/articles
[36] https://www.lopinion.fr/edition/politique/loi-1905-choix-macron-167165
[37] http://mohamedlouizi.eu/2018/05/14/tareq-oubrou-un-futur-grand-imam-de-macron/
[38] https://www.lepoint.fr/societe/tareq-oubrou-la-loi-1905-n-est-pas-un-texte-sacre-06-11-2018-2268913_23.php
[39] http://mohamedlouizi.eu/2018/02/11/un-proche-de-macron-la-loi-1905-nest-pas-un-texte-sacre/
[40] Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l’islam, Albain Michel, Paris, 2008, p. 210.
[41] http://mlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/iltaitunefoisuninfodsurlechemindedamas.pdf
[42] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[43] http://www.ikhwan.whoswho/blog/archives/9888
[44] https://blogs.mediapart.fr/monica-m/blog/120216/mohamed-louizi-definit-lorigine-du-concept-dislamisation
[45] http://mohamedlouizi.eu/search/macron/page/3/
[46] http://mohamedlouizi.eu/2017/05/11/edouard-philippe-futur-premier-ministre/
[47] http://mohamedlouizi.eu/2017/12/31/les-jalons-de-francois-burgat-sur-la-route-des-freres/
[48] http://mohamedlouizi.eu/2018/04/18/macron-a-recu-des-freres-musulmans-syriens-a-lelysee-va-t-il-les-financer-par-largent-du-contribuable/
[49] http://mohamedlouizi.eu/2018/07/14/ceci-nest-pas-une-revelation-lislam-francais-dhakim-el-karoui-est-en-marche-dans-les-coulisses-du-pouvoir/
[50] http://mohamedlouizi.eu/2018/09/30/hakim-el-karoui-to-qatar-or-not-to-qatar-2/
[51] http://mohamedlouizi.eu/2018/03/27/le-vrai-hommage-rendu-au-colonel-beltrame-est-la-lucidite-exprimee-par-le-general-soubelet/
[52] http://mohamedlouizi.eu/2018/04/01/amar-lasfar-cest-comme-si-toutes-les-femmes-sont-lapidables/
[53] http://mohamedlouizi.eu/2017/10/22/roman-islamiste-a-leau-de-rose-sexe-et-scandales/
[54] http://mohamedlouizi.eu/2018/05/14/tareq-oubrou-un-futur-grand-imam-de-macron/
[55] http://mohamedlouizi.eu/2018/05/10/habemus-magnum-imam/
[56] https://www.havredesavoir.fr/message-a-la-jeunesse-de-limam-hassan-al-banna/
Merci Mohamed Louizi pour vos éclairages toujours aussi pertinents.