Tareq Oubrou, l’escobar de l’islamisme
14 07 2019Par Mohamed Louizi
Il faut être deux pour mentir, dirait Homer Simpson, un pour mentir, l’autre pour écouter. Dans «l’archipel français»[1], cette vieille démocratie usée, abusée et défigurée, il semblerait qu’il faille être trois. Certains médias se prêtent hélas à ce jeu d’intermédiaire. Acteurs ultra-puissants, censés honorer ce quatrième pouvoir démocratique indépendant au service du seul intérêt général et du droit à l’information, ils amplifient occasionnellement bien des escobarderies islamistes, à tel point que l’on ne sait pas s’ils assurent, dans la complicité, un rôle actif de «chiens de garde»[2] de quelques intérêts privés, ou s’ils se plaisent dans un rôle passif, par paresse intellectuelle doublée d’une fascination sinistre pour les «marchands du temple» frérosalafiste. On ne sait s’ils s’arrangent avec la vérité par négligence volontaire, et à l’insu de leur plein gré, ou s’ils relayent par imprudence les mensonges de l’islamisme rompu, à dessein, à la désinformation délibérée.
Tel un sermon funèbre précédant l’inhumation de ce qui reste encore de notre République, tel l’ultime acte politique d’une islamisation en marche depuis plus de quarante ans[3], la vigoureuse promotion multiforme accordée à l’essai signé par l’islamiste Tareq Oubrou (طارق أوبرو), Appel à la réconciliation, foi musulmane et valeurs de la République française (Plan – 2019), en est témoin. Elle résonne comme un triste chant du cygne dans l’esprit de tout citoyen rongé par ce sentiment d’impuissance face à un État peu enclin à entendre les alertes au sujet de l’islamisme, et qui ne les entend pas du tout de cette oreille. Les «dix-huit ans de terreur»[4] que l’islamisme a imposés à la terre entière depuis le 11 septembre 2001, et les 146.000 victimes recensées, parmi desquelles des Françaises et des Français, n’y changent presque rien.
Médias de droite. Médias de gauche. Peu importe en vérité la ligne éditoriale. Tareq Oubrou, presque comme hier lors de l’ascension médiatique de son comparse Tariq Ramadan (طارق رمضان), bénéficie d’une bienveillance coupable. Il y est invité pour livrer «ses» éléments de langage, souvent sans contradicteur avisé. Le Figaro[5] comme Le Point[6], Sud Ouest[7] comme France 24[8], Valeurs Actuelles[9] comme RMC[10], pour ne citer que ces médias, tous ont participé peu ou prou et à divers degrés à cette opération de communication favorable au projet politique des Frères musulmans en France. Même le site Boulevard Voltaire, souvent classé à l’extrême-droite de l’échiquier médiatique, et qui collabore curieusement, de temps en temps, avec Tareq Oubrou[11], semble lui aussi séduit[12]. C’est dire !
Introduction au «juste milieu»
Non ! Tareq Oubrou n’a pas changé. Et si on lisait l’intégralité de cet essai de 360 pages pour en être certain ? Et si on ne commençait pas la lecture à la page 9, comme le veut la coutume, mais à la page 189, correspondant au chapitre 7, qui devrait plutôt faire office d’introduction, ou d’avertissement préliminaire ? Et si on ne recommençait la lecture de l’essai, dans le sens croissant des numéros de pages, qu’après avoir lu ce chapitre en premier ? Il est question de mensonges assumés, de ruses théorisées et de choix prémédités de dissimulation avec son lot de contradictions sous-tendant un texte incontestablement polystyle. Serait-ce un ouvrage collectif ? Serait-ce la synthèse de plusieurs auteurs ? Le doute est permis.
En effet, selon les chapitres et les thèmes abordés, avec plus ou moins de précision, avec plus ou moins d’ambiguïté entretenue, on peut avoir l’impression qu’il est le fruit de plusieurs auteurs, chacun avec son style, réunis dans un collectif à intérêts particuliers et résolument convergents, dont Tareq Oubrou ne serait, en vérité, que la tête de gondole qui fait de l’incohérence une trame, et du mensonge, un argument. Passons sur les plagiats, somme toute anecdotiques, comme lorsqu’il fait sienne cette phrase, sans citer Albert Einstein et sans guillemets, «Dieu ne joue pas aux dés»[13]. Passons sur les traductions orientées de versets qui ont conduit Tareq Oubrou à des conclusions insensées[14]. Ce qui devrait mettre la puce à l’oreille des journalistes, ce sont bien d’autres passages où Tareq Oubrou, s’exprimant en casuiste habitué du grand écart, évoque les vertus du «mensonge pieux»[15] et livre sa conception et son usage de la vérité dans son supposé écrit.
«La sagesse – dit-il – exige de ne pas dire la vérité toujours et à tout le monde. Dieu lui-même n’a pas tout dit.»[16] Plus culotté que lui, tu meurs ! «La vérité est comme un médicament, il y a une dose à ne pas dépasser. Une vérité peut tuer non seulement le corps, mais aussi l’âme.»[17] Il ajoute : «Notre livre lui-même s’est imposé cette éthique : ne pas tout dire, de peur d’être mal compris ou de blesser. La sagesse le commande, même si je risque, déjà, d’en trop dire.»[18] Ailleurs, il écrit : «Nous évitons d’être trop précis, trop carrés et trop frontaux, plus que ne l’exige le problème.»[19] Le lecteur doit alors avaler plus d’une centaine de pages avant de comprendre (ou pas) qu’il s’est fait berner en bonne et due forme. J’y reviendrai.
Une lecture sans concession, sans complaisance, s’impose alors, car l’enjeu civilisationnel pour la France comme pour l’Europe, est énorme. Il s’agit, ni plus ni moins, de l’expression d’un contre-projet de société, adoubé par le pouvoir macronien depuis les prémices[20] de la campagne présidentielle de 2017, et porté devant la scène, avec l’aide des médias, par le tandem Hakim El-Karoui et Tareq Oubrou, pour ne pas dire par le réseau influent de l’Institut Montaigne et la nébuleuse obscure des Frères musulmans. Ainsi, l’effet étincelant de cette novlangue, dont use et abuse Tareq Oubrou, s’éteint aussitôt, tel l’écume du jour. Inutile pour lui de multiplier au fil des pages des expressions comme «épistémologie de la réalité»[21], ou «théologie d’acculturation»[22], ou «théologie préventive»[23], ou «théologie de l’altérité»[24] alors qu’il ne s’agit, au fond, que de subterfuges sophistes qui «indiquent le sens et le voilent en même temps»[25], pour espérer blanchir à tour de rôle le sunnisme, puis le salafisme, puis les Frères musulmans.
Par un verbiage destiné à la consommation médiatique, Tareq Oubrou tente en vain de masquer, encore une fois, le fait qu’il est toujours, lui-même, fidèle aux maximes doctrinaires des idoles historiques de l’islamisme qui, au fil des siècles passés, ont ruiné par petites touches et grands truquages l’âme originelle de l’islam apolitique. L’essai qu’il signe précise au fil des pages les contours de cet «islam français» qu’il promeut au milieu d’une doxa enthousiasmée. Et pourtant, il n’est que la synthèse en français de l’héritage salafiste des hadiths d’al-Bukhâri (البخاري), des avis juridiques moyenâgeux d’al-Shafi’î (الشافعي), des fatwas takfiristes d’Ibn Taymiyya (ابن تيمية) et des extravagances d’al-Ghazâlî (الغزالي), actualisés, reformulés et augmentés des projections califalistes d’Hassan al-Banna (حسن البنا) et de ses successeurs Youssef al-Qaradawi (يوسف القرضاوي) et Fayçal Mawlawi (فيصل مولوي).
Cet essai décrit surtout des procédés de communication que l’on trouve chez des jésuites célèbres comme Antonio Escobar y Mendoza (1589-1669), confirme des standards idéologiques, expose les exemples d’un attachement dogmatique à un courant de pensée, en particulier, et révèle le sens d’un engagement au service d’un projet qui compte soumettre l’esprit laïque français à l’usure du temps qui passe, et modifier in fine la loi de 1905 dite de Séparation des Églises et de l’Etat, par le fait de Jupiter et de sa galaxie déraisonnablement accommodante à l’excès.
Pile ou face
Côté pile, Tareq Oubrou se dit conforme à la morale religieuse que des pratiquants observent quel que soit le récit de la foi dans lequel ils placent leur confiance. Sous le paragraphe «Le pire des mensonges, celui perpétré au nom de la religion»[26], il s’interroge «pourquoi est-il le pire ?» Et Tareq Oubrou d’expliquer que «le fondement de la religion, notamment monothéiste, est la vertu, et parce que le mensonge sape les fondements mêmes de l’authenticité du message spirituel sur lequel celle-ci repose. Le mensonge est donc, à ce titre, d’une gravité théologique et morale particulière. Toute inauthenticité de ses adeptes créerait la méfiance de la société à son égard.»[27] Il dit aussi que «le mensonge n’est pas compatible avec la foi.»[28] Car «être vrai, cela s’appelle l’intelligence de la foi.»[29] Il a raison.
Encore côté pile, osant le chemin psychanalytique, il pose que le recours au mensonge relèverait d’une «psychologie forgée par des cultures totalitaires et économiquement pauvres.»[30] Il suggère qu’ «on apprend à mentir dès l’enfance. C’est chez les vulnérables que se développe le mensonge. Arme des faibles, mentir est presque une «légitime défense».»[31] Selon lui, si les islamistes mentent, c’est parce qu’ils étaient «persécutés dans les pays d’origine»[32] et non par tactique. Ramenant la chose à lui, au risque d’essentialiser et de prendre sa personne pour une référence absolue, il dit : « moi-même je suis issu d’un contexte culturel où plus la personne ment, plus elle jure par Dieu, plus elle fait passer son mensonge […]. Moi-même j’ai vécu dans ce contexte du fait de mon pays d’origine – le Maroc –, où les libertés d’expression étaient très limitées à l’époque. Même une fois en France, alors que j’étais Frère musulman, il n’était pas question de le dévoiler à cause des persécutions que cette organisation subissait et subit toujours encore, et à cause de sa réputation qui fait peur.»[33] Tareq Oubrou a donc longtemps menti sur sa filiation idéologique aux Frères musulmans et il n’est pas acquis qu’il ait rompu ses liens avec eux. «Vous ne trouverez jamais quelqu’un qui vous dira qu’il est Frère musulman alors qu’il l’est»[34], prévient-il.
Côté face, Tareq Oubrou entame en douceur, dans un premier temps, une inflexion en posant la question de la moralité de la véracité qui peut diviser et celle de l’hypocrisie, de la dissimulation et du mensonge qui peuvent réconcilier. «La véracité procure confiance. Elle doit aussi et surtout être une parole de réconciliation. D’où les questions de la véracité qui peut diviser et du mensonge qui peut être, au contraire, réconciliateur : sont-ils moraux ?»[35] s’interroge-t-il. Ainsi, au nom d’une certaine idée de la lucidité[36], il change aussitôt son fusil d’épaule, tourne le dos subitement à la morale religieuse, à la morale tout court, et se lance à vive allure dans la justification du mensonge :
A la question «Quand le mensonge devient-il moral ?»[37], il répond : «parfois il faut taire certaines vérités, notamment quand elles risquent d’être contre-productives ou de créer le désordre. La sagesse dit que toute vérité n’est pas bonne à dire.»[38] Mais de quelle sagesse parle-t-il ? Pis, Tareq Oubrou considère la vérité comme un danger. «Le pire qui nous guette – dit-il – n’est peut-être pas le mensonge simple, ni même celui de la diplomatie, voué à confondre l’adversaire, mais un certain «dire-vrai».»[39] Dans son éloge du mensonge et de la dissimulation, il va jusqu’à s’appuyer sur des situations exceptionnelles pour les légitimer. «Une vérité peut enlever des vies, un mensonge peut les sauver.»[40] dit-il. Pour appuyer cet avis, il n’hésite pas à établir une comparaison avec «les sages-femmes qui ont sauvé par le mensonge les nouveau-nés des Hébreux de la mort, avec la récompense et l’approbation du Seigneur (Ex 1, 19). Ou bien ces personnes qui ont caché des enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. »[41] Ou comment instrumentaliser la douleur des juifs pour justifier les mensonges des islamistes, à l’image de ce qu’a fait une militante islamiste du Nord, Zakia Meziani[42], pour justifier le port du burkini dans les piscines municipales.
Dès que cette énormité osée est commise, tel un jésuite en opération de séduction d’un autre jésuite[43], Tareq Oubrou se met en roue libre en assumant, s’agissant de l’ouvrage publié sous son nom, le mensonge et la duplicité du discours. «C’est pour cette raison que nous ne dirons pas que tout mensonge est un péché, comme le défend Augustin en se référant probablement, à la lettre, à l’Evangile quand Jésus dit : «Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu’on y ajoute vient du mauvais.»»[44] Il se dit, par ailleurs, «sceptique à l’égard du rigorisme moral de Kant – marqué par son éducation protestante – et de Fichte qui interdit tout droit de mentir quelle que soit la situation, comme Augustin.»[45] Quid donc de la morale ?
Eloge du mensonge pieux
Il soutient que «la morale n’est pas une essence, mais une relation, et c’est de la nature de cette relation dont dépend la morale.»[46] Rien n’est donc figé dans son esprit. Tout est mouvant. Tout est permis. Le bien comme le mal n’existent plus en tant que tel. La vérité, dévalorisée dans la bourse des valeurs islamistes, n’est reconnue qu’en vertu de ce qu’elle produit, ou pas, comme effets. Elle n’est plus ce phare fixe, stable et résistant à la submersion qui guide les navires perdus vers les côtes paisibles. Elle devient ce phare fugace, aussi flottant que submersible, qui n’indique plus aucun repère, ni aucune direction, si ce n’est la direction aléatoire vers la fortune de mer. «La fin justifie les moyens»[47] disait Philippe van den Clyte, contemporain de Nicolas Machiavel, après avoir trahi Charles le Téméraire, pour se mettre au service de Louis XI.
Car, «rien ne vaut une vie, une paix, une réconciliation»[48], conclut Tareq Oubrou, y compris sur la base du mensonge. Ainsi, il enfonce le dernier clou dans le cercueil de la vérité quand il prévient que «si le mensonge permet la réconciliation, le mensonge devient alors moral. Il devient recommandé, voire obligatoire, car il n’est plus mensonge.»[49] Mais une «réconciliation», fruit du mensonge et de la taqiyya, est-elle sincère et authentique ? Que fera-t-on au moment où l’on découvrira le pot aux roses ? Les journalistes, qui n’avaient visiblement pas lu ces passages, encore moins l’intégralité de l’essai, n’ont simplement pas posé ce genre de questions pour exiger de lui des clarifications sans ambiguïté.
Il va de soi, dans tout esprit lucide, qu’aucune réconciliation n’est sincère, et encore moins durable, quand elle s’appuie sur des mensonges pour s’établir. Tareq Oubrou savait qu’il n’allait jamais être confronté à la stricte vérité de ses écrits. Dès lors, il pouvait rabâcher sans frein ses éléments de langage alors que son prétendu écrit fait l’éloge du mensonge pour atteindre les objectifs politiques de l’islamisme. «Mentir [parfois], c’est commettre un moindre mal, comme le soutien à juste titre Thomas d’Aquin. Avec lui, il y a possibilité dans le christianisme pour un «mensonge pieux».»[50] Tareq Oubrou fait sien le compromis thomiste et explique que sa «morale» est, de ce point de vue, «conséquentialiste»[51], au sens, précise-t-il en note de bas de page, qu’elle «qualifie l’acte moral en fonction de ses effets et de ses conséquences, positives ou négatives»[52] !
Le mensonge devient alors neutre en soi. Et ce sont ses conséquences désirables ou ses effets indésirables qui le rangent soit dans la case du bien, soit dans celle du mal. S’il est inadmissible au nom de la vertu d’appliquer ce concept immoral sur le dire-vrai, on ne peut imaginer que Tareq Oubrou puisse l’appliquer aussi pour apprécier d’autres actes : tuer, voler et violer. Car, au nom de sa théorie dite de la «morale conséquentialiste», pourrait-il considérer aussi que l’acte de tuer des individus et de terroriser des populations ne serait ni bien ni mal en soi, et qu’il devrait être apprécié à l’aune de ses effets positifs ou négatifs ? Daesh (تنظيم الدولة الإسلامية في العراق و الشام), Al-Qaïda (تنظيم القاعدة) et tous les groupes terroristes, croient aussi en cette théorie fumeuse qui fait avancer la cause de l’islam politique en Occident, en marchant et en roulant sur les cadavres des innocents. Ces groupes terroristes appliquent aussi la théorie de la «morale conséquentialiste». Chez eux, s’ils jurent que leur dogme interdit de tuer, leur «morale» leur permet de tuer pour la cause d’Allah.
Oubrou murmure-t-il à l’oreille gauche de Laetitia Avia ?
On remarque par ailleurs qu’il ne tolère pas l’usage des rumeurs. Etonnant de la part de celui qui légitime le mensonge ! «Le plus dangereux – dit-il – ce sont les rumeurs et les diffamations qui portent atteinte aux personnes, influent les élections et déstabilisent des Etats, entre autres dangers. Le plus menaçant, c’est lorsque l’information sur la religion se dispense via des rumeurs colportées par des anonymes.»[53] Par conséquent, il plaide, comme tout islamiste, pour une limitation de la liberté de pensée et d’expression qui gêne tant les islamistes. Face à elle, ceux-là diversifient les outils de l’arsenal jihadiste, dans un parfait partage des rôles, s’inscrivant dans une logique de continuité entre, d’un côté, ceux qui instrumentalisent les dispositions du droit français, au sein des prétoires de la République sans que des Parquets s’y opposent fermement. Ils multiplient ainsi des procès pour diffamation contre des plumes libres. Ils sont aidés parfois par des propositions de loi favorables à l’islamisme[54]. Et ceux, de l’autre côté, qui, passant à travers un maillage sécuritaire affaibli par une curieuse réforme de l’époque sarkozyste, s’infiltrent au sein même d’une agence de presse, d’une rédaction de joyeux caricaturistes, et tirent à la kalachnikov à bout portant visant des têtes, et au-delà même, les crayons de la liberté.
Tareq Oubrou écrit : «Si bien que nous sommes passés de l’extrême censure de l’institution religieuse officielle du Moyen Âge à celle des Etats totalitaires, et qu’aujourd’hui nous vivons sous la tyrannie de la rumeur numérique qui s’exprime sans aucun moyen de censure. Cette liberté de pensée sans limite crée un désordre et une insécurité mentale et physique. A ce titre, il faut reconnaître un vrai retard du droit par rapport à l’évolution de la notion de l’espace public, qui doit intégrer l’espace virtuel en interdisant l’anonymat […]»[55] Le gouvernement s’apprête à l’écouter. Sans que l’on soit pour la rumeur ou pour son usage, surtout ici où l’attachement aux faits n’est pas une seconde nature, les dispositifs de la loi 1881 sont suffisants pour cadrer la liberté d’expression[56] et pour garantir l’expression des libertés dans le strict respect des droits de chacun.
Cela étant dit, la rumeur est immorale tout comme la taqiyya. Et bien que je n’excuse ni l’une ni l’autre, j’avoue être totalement neutre, admiratif parfois, face à ce spectacle où deux immoralités, rumeur d’un côté, taqiyya de l’autre, s’adonnent à un combat mortel, à une relation dialectique, machiavélique, surréaliste, fidèle à la conception même d’un certain Tareq Oubrou qui dit : «La morale n’est pas une essence, mais une relation, et c’est de la nature de cette relation dont dépend la morale.»[57] Quand deux immoralités se neutralisent ou que l’une achève l’autre sous les applaudissements des anonymes, des pseudonymes, cela m’est égal.
L’art de la guerre
Tareq Oubrou plaide aussi en faveur de l’usage de la ruse. Il va jusqu’à puiser des légitimations dans le registre scripturaire sunnite ancestral, relatif au temps de guerre, en rappelant un hadith attribué au Prophète : «La guerre, c’est la ruse.»[58] (الحرب خدعة) Son commentaire laisse pantois. «La ruse – dit-il – n’est pas le mensonge dans le sens de tromper la confiance des autres […]. La ruse dont [le Prophète] parlait n’est donc ni fausseté ni trahison, mais simple économie morale pour résoudre un conflit. Un moyen d’obtenir une victoire par la diplomatie et à moindre coût humain et matériel. Une ruse qui permet d’éviter l’effusion de sang ou de fléchir l’ennemi sans combat.»[59] Tout lecteur attentif au sens des mots ne peut qu’être interrogatif face à cette terminologie surprenante, ce champ lexical guerrier : «conflit», «victoire», «ennemi», «combat», etc. Oubrou s’imagine-t-il en guerre sainte pour déployer un tel effort argumentatif et sémantique et évoquer la ruse comme solution, comme tactique ?
Il va même jusqu’à évoquer le souvenir de Sun Tzu, ce général de l’armée chinoise du VIème siècle avant notre ère, l’auteur de l’ouvrage de stratégie militaire, L’art de la guerre. Tareq Oubrou dit que «le Prophète n’a fait ici que confirmer une sagesse ancienne de Sun Tzu, qui disait aux armées que ne pas livrer bataille et uniquement immobiliser l’armée de l’ennemi était encore mieux que de remporter cent victoires. Tout cela est vrai et d’une grande sagesse.»[60] Là aussi il est question d’«immobiliser l’armée de l’ennemi». Mais de quel «ennemi» parle-t-il alors que le sujet semble être la France et les Français et qu’il prétend plaider pour une «réconciliation» ? Le discours martial de Tareq Oubrou évoque «l’ennemi» dans un autre passage quand il dit que «le mal n’étant pas foncier, l’ennemi non plus. Il y a toujours une voie possible pour faire triompher la réconciliation»[61], synonyme du Tamkine islamiste (التمكين), par la ruse et taqiyya (التقية).
C’est aussi cette ruse qu’il recommande à son entourage de «l’école de Bordeaux» qui semble être, comme on peut le deviner, dans les combines complotistes autoréalisatrices. Tareq Oubrou l’avoue en disant qu’il «aime toujours rappeler cette sagesse à [son] entourage : «si vous êtes obligé, par accident et sous l’effet de la tentation et de la faiblesse, de creuser un piège pour autrui, ne le faites pas trop profond et aménagez-le un peu, car il se peut que vous y tombiez.» Nous sommes souvent la première victime de nos mensonges et de nos méfiances.»[62] Il en est conscient. «Un homme averti en vaut deux», dit le dicton. Il sait, par ailleurs, que «la corde du mensonge est courte» (حبل الكذب قصير), comme le dit un proverbe arabe, et que la vérité sait triompher du mensonge. Il prépare donc le terrain à l’éventualité du grand déballage qui ne pourrait pas se passer sans violences.
L’islamisme, coutumier de la politique de la terre brûlée, ne s’avoue jamais vaincu surtout face à un Etat apprivoisé à singer l’autruche. Pourtant, le pouvoir exécutif devrait tenir compte de cette situation hautement explosive, décrite en filigrane lorsque l’autoproclamé imam prévient que «si la vérité s’impose – et nous sommes partisans – dit-il – de dire et de nommer les choses –, elle doit se faire de façon à ne pas précipiter le mal qu’elle dénoncerait, comme les personnes qui aujourd’hui décrivent la situation de notre société en y décelant un risque de séparatisme du fait de la présence musulmane travaillée par une logique identitariste.»[63] Sagesse ou menace ? Ce qui est certain, c’est que ce ne sont pas les artisans du séparatisme islamiste, les Frères musulmans, qui vont assumer leur responsabilité. Loin s’en faut. La faute, en cas de conflit, est d’ores et déjà attribuée à celles et ceux qui ont décidé de briser le «Silence coupable»[64], de dire la vérité, de «voir et dire ce que l’on voit»[65] à leurs dépens et sous les feux de la rampe.
Théologie des loups
L’enjeu est de taille. Il s’agit pour Tareq Oubrou et pour ses Frères musulmans de «négocier [un] virage en tête d’épingle»[66], dit-il, au moment où des forces régionales et internationales commencent sérieusement à vouloir s’occuper de leur cas[67]-[68]. D’où son plaidoyer pour une «présence musulmane [islamiste, ndlr] discrète pour éviter de provoquer le christianisme identitaire»[69] et «d’exciter un laïcisme forcené»[70]. En tacticien coutumier des concessions en trompe-l’œil, il définit le courage comme étant l’art d’éviter les obstacles. Le tout en toute discrétion. «Le courage ne consiste pas forcément à s’exposer ou à foncer tête baissée, parfois il exige de savoir éviter l’obstacle.»[71]
Un exemple ? «L’animal, quand il pénètre un milieu qu’il ne connait pas très bien encore, minimise ses mouvements et réduit prudemment sa visibilité afin de ne pas perturber l’équilibre écologique de son nouvel environnement, perturbation dont il serait le premier à subir les conséquences.»[72] Il plaide alors en faveur d’une «adaptation éthologique et écologique»[73] et recommande aux musulmans d’ «apprendre de l’écologie animale»[74] en mettant en perspective «son» concept de la «théologie d’acculturation»[75] qu’il a appris, comme il le reconnaît lui-même, chez Ibn Taymiyya. J’y reviendrai. On conviendrait qu’un loup solitaire est toujours prudent quand il n’a pas encore marqué son territoire et n’a pas été accepté au sein d’une meute. Mais dès qu’il retrouve ses pairs et ses repères, point de prudence inutile, point de solitude. Il est désormais chez lui. Il fait régner sa loi.
En lisant ce passage, on risque d’oublier que l’on parle, au fond, de citoyens, d’Etat démocratique, de Constitution, de lois, d’institutions, de contrat social et de pacte républicain. Tareq Oubrou oublierait-il que la France n’est pas une jungle et que les citoyens musulmans ne sont pas des animaux qui chercheraient à marquer prudemment leur territoire face à l’adversité ? Pas tout à fait car il prend soin de rassurer son lectorat dans d’autres passages, quand il dit que «le seul droit que notre sharia reconnait est celui de la République» en empruntant au passage, presque mot pour mot, ce qu’avait dit en avril 2015 l’islamiste Amar Lasfar (عمر الأصفر), président des Frères musulmans en France, à Jean-Pierre Elkabbach sur les ondes d’Europe 1 : «La loi des Musulmans c’est la loi de la République française.» [76] Vraiment ?
«Respecter et se plier à une loi est une chose – écrit Tareq Oubrou –, être d’accord avec elle en est une autre. Nous avons l’exemple de l’opposition de l’Eglise catholique au mariage homosexuel. Ce qui est légal n’est pas forcément moral pour certaines personnes, selon leur conscience et leur conviction religieuse, philosophique ou autre. Les musulmans ne sont pas une exception en ce domaine. Ce qui est légal juridiquement n’est pas forcément moral islamiquement.»[77] Il dit par ailleurs que «ce qui est conforme au droit canonique doit l’être aussi au droit positif. En revanche, tout ce qui est conforme au droit positif ne l’est pas forcément aux yeux du droit canonique.»[78]
Il tient à préciser aussi que «la fonction de juge musulman (cadi) est suspendue par [sa] «sharia de minorité »»[79] On note, premièrement, que dans la vraie vie, les Frères musulmans possèdent des structures communautaristes de médiation implantées, ici où là, pour résoudre les problèmes et conflits conjugaux en dehors du circuit de la Justice et du Code de la famille. Deuxièmement, Tareq Oubrou parle d’une fonction «suspendue». En français, «suspendre»[80] veut dire, entre autres : «interrompre temporairement une action, un processus », «interrompre une audience pendant un temps limité», «réserver son jugement dans l’attente d’un complément d’information ou pour s’accorder le temps d’une réflexion plus approfondie.» Le caractère temporaire étant lié à l’action de suspendre, il est à craindre que lorsque la minorité n’est plus une minorité, on bascule définitivement vers la sharia tout court. Les mots ont un sens.
C’est certainement cette conception floue à dessein qui permet à certains imams d’être polygames au vu et au su de la République. La polygamie étant interdite par le droit positif français mais pas par la sharia, certains frérosalafistes sont polygames au vu et au su de la République et bénéficient à ce titre d’allocations familiales pour deux ou plusieurs foyers. Le droit positif n’interdisant pas d’avoir des maîtresses, le droit canonique saisit l’opportunité jouissive pour en faire un alibi.
Par ailleurs, «certains musulmans – dit-il – m’accuseront sans doute de théoriser en vue d’une assimilation des musulmans. Je leur dis simplement que là où ils voient un risque de disparition par assimilation réside leur salut spirituel et matériel. Et je suis convaincu, du moins je l’espère, que le temps me donnera raison.»[81] So, waint and see ? Il s’attendait certainement à la réaction qui dénote l’artifice des tenants d’un islam identitaire revendicatif, comme celle d’un certain Asif Arif (أسيف عريف), ce proche du fameux Observatoire de la laïcité, qui «réplique» dit-il, à Tareq Oubrou en lui conseillant «d’arrêter d’exiger un islam à la carte»[82].
C’est l’histoire de ce kébabiste qui s’installe seul dans une rue. Son affaire tourne bien. Il craint l’installation de la concurrence et la perte de la moitié de son chiffre d’affaires. Il décide de créer sa propre concurrence. Il ouvre à côté un deuxième kebab, sous un autre nom. Les islamistes l’ont bien compris. Face à ces jeunes impatients, l’autoproclamé «grand imam de Bordeaux», conseille d’observer le temps qui lui «donnera raison». Mais de quel temps parle-t-il ?
Pour répondre à cette question qui parait simple, on peut relire l’article-décryptage «Projet islamiste : Tareq Oubrou décalotte Tareq Oubrou»[83] et visionner la vidéo d’une conférence qu’il a donnée dans un centre islamiste à Stains, en Seine Saint-Denis (93), dirigé par son «frère» Nabil Ennasri. Il avait dit : «Moi en tant que théoricien, métaphysicien, je vois le présent mais je vois le temps long. Le temps de la religion, ce n’est pas le temps du politique, ce n’est pas le temps de l’identité. C’est une vision qui s’inscrit à long terme. Si on veut vraiment que l’islam soit une religion de l’Occident, il faut du temps. Celui qui veut courir quarante kilomètres ce n’est pas comme celui qui veut faire cent mètres. Ce n’est pas le même rythme.»[84] A la page 315 du présent essai, il propose une formule synthétique : «La religion n’est pas derrière nous, mais devant nous.»[85] Il reprend le propos du sociologue des religions, Peter Ludwig Berger, américain d’origine autrichienne, et son «pari du retour à la religion»[86].
On se croirait en immersion dans le jeu de société, Les Loups-Garous de Thiercelieux[87], étendu à une plus grande échelle que celle d’un petit village. La meute des loups-garous, qui compte en son sein bon nombre d’islamistes, joue un double jeu. Le jour, ils tentent de masquer leur identité nocturne pour échapper à la vindicte populaire. Pour cela, ils usent et abusent du mensonge, ou du moins, ne disent pas toute la vérité car toute vérité n’est pas bonne à dire, à en croire Tareq Oubrou. Afin de ne pas éveiller les soupçons et assurer leur mission, ils usurpent des identités et prétendent être de simples villageois inoffensifs. Ils pleurent les victimes de la nuit précédente dont ils sont, en réalité, les coupe-têtes à l’abri des regards.
En revanche, dès que les autres joueurs ferment les yeux, les loups ouvrent les leurs et éliminent un à un tous les joueurs qui constituent un obstacle à leur triomphe. Ils sont l’incarnation de la duplicité. Cependant, le village peut toujours compter sur la clairvoyance de villageois ayant des capacités particulières, telles la voyante et la petite fille, pour démasquer les loups-garous et sauver le village. Dans une version récente de ce jeu de stratégie, un nouveau personnage intéressant émerge : le sbire. Un associé redoutable des loups-garous dont le profil sournois renvoie bien à d’autres que l’on croise dans la vraie vie, sur des plateaux télé comme dans certains conseils municipaux et qui se trouvent à des postes sensibles : politique, médiatique et économique. Force est de constater que parfois, la cruauté de la vraie vie dépasse tout ce que l’on peut ressentir dans un jeu de fiction. On en vient à confondre les islamistes et les démocrates, les riches communicants faussaires munis d’une carte de presse et les pauvres lanceurs d’alertes.
A l’école du soir du jésuite Baltasar Gracián
Dans L’homme de cour (1647), l’esprit de la duplicité, son cheminement et son mode d’emploi sont décrits par le menu et dans les détails[88]. Sous la XIIIème maxime, «procéder quelquefois finement, quelquefois rondement», il est question de décrire les stratagèmes de «l’homme adroit» qui «ne fait jamais ce qu’il montre avoir envie de faire», qui «jette une parole en l’air, et puis il fait une chose à quoi personne ne pensait», qui dit un mot «pour amuser l’attention de ses rivaux, et, dès qu’elle est occupée à ce qu’ils pensent, il exécute aussitôt ce qu’ils ne pensaient pas», qui «raffine sa dissimulation, en se servant de la vérité même pour tromper», qui «change de jeu et de batterie, pour changer de ruse. Son artifice est de n’en avoir plus, et toute sa finesse est de passer de la dissimulation précédente à la candeur»[89]-[90] Son auteur, le jésuite Baltasar Gracián, pourrait bien inspirer Tareq Oubrou, si ce n’est pas déjà le cas.
La duplicité plastique caractérisant le discours de l’islamiste bordelais se dévoile aussi dans sa façon de souffler, à dessein, le chaud et le froid, de dire la chose et son contraire, y compris au sein du même texte. A la page 18, par exemple, il dit qu’«il ne se prépare en France ni guerre civile ni guerre de civilisations, malgré les discours des prophètes du malheur.»[91] A la page 123, le voilà en train de se servir de l’argument des «prophètes du malheur» pour acter la réalité d’un séparatisme porteur des germes de la guerre civile, lorsqu’il suggère que «les deux anciennes France sont en train d’être remplacées par deux nouvelles : une France qui serait «catho-laïque» et l’autre France, potentiellement islamique. Une fois ce constat fait – dit-il –, nous avons tout lieu de penser que le risque d’un affrontement comme par le passé reste très peu probable. Mais qu’il n’y a pas de risque zéro.»[92]
Cependant, à la page 339, le ton monte d’un cran, la menace se lisant entre les lignes quand il dit qu’ «une certaine violence a été à l’origine de l’établissement de la laïcité […]. Aujourd’hui, celle-ci doit trouver une solution avec l’islam et éviter un déchirement entre Français […]. Il faut faire tout pour empêcher une nouvelle guerre des deux France : entre les Français musulmans et les autres (catholiques, protestants, athées, agnostiques, juifs, etc.)»[93] N’avait-il pas dit auparavant qu’il ne se préparait en France ni guerre civile ni guerre de civilisations ? L’expression «nouvelle guerre» est lâchée à la suite d’une exigence lancée à la face de l’Etat de devoir «trouver une solution avec l’islam».
Un autre exemple: d’un côté, il dit que «l’islam n’est plus un empire, il n’est même plus un Etat. En tout cas, il ne devrait plus l’être.»[94] De l’autre côté, il parle de la forme tribale dans laquelle se trouvait le Prophète en son temps comme étant «l’Etat de Médine, gouverné par le Prophète»[95]. D’un côté, il définit l’islam comme étant «une religion du Livre. Théologiquement, elle n’est ni celle d’une église ni celle d’un peuple. Elle n’est pas non plus une religion d’Etat et n’aspire pas à un Etat de religion. Elle n’est liée ni à un pouvoir ni à une terre, aussi sainte soit-elle. Cependant, l’islam a connu dès sa naissance et historiquement une imbrication du temporel et du spirituel.»[96] De l’autre côté, il parle de l’islam passé «d’une religion minoritaire opprimée, au sein de la Mecque, à une religion majoritaire protégée par une «cité-Etat» à Médine.»[97] Difficile de cerner sa vision et d’y trouver une quelconque cohérence.
On peut multiplier les exemples qui démontrent que Tareq Oubrou a toujours une langue fourchue. Il n’a pas changé et j’ose dire qu’il ne changera pas. «Le fils du rat saura creuser !» disent les Tunisiens. «Le loup perd la fourrure mais pas le vice !», répliquent les Italiens. Cette duplicité est flagrante à tous les étages dans l’écrit qu’il signe. En effet, bien qu’il fasse l’éloge de la pudeur, de l’humilité, de la modestie en évoquant le comportement du Prophète qui «détestait qu’une personne se mette au milieu d’une assemblée pour être la plus visible»[98] et qui «n’aimait pas se faire remarquer»[99], le même Tareq Oubrou, et «sans prétention»[100] prévient-il, assure son autopromotion, pour faire valoir ce que de droit, dans des termes incompatibles avec le sens primaire de toute pudeur, de toute humilité, en usant d’un «moi, je» surdimensionné.
Ici, il s’exclame : «Je n’en connais pas d’autres que moi qui aient occupé en France cette fonction religieuse aussi longtemps et sans interruption. De l’époque de la «mosquée-cave» dans les années 1980, jusqu’à celle, aujourd’hui, des plateaux télévisés, j’ai connu toutes les évolutions et tous les milieux de la communauté musulmane, ou presque, au sein de la société française. Les idées proposées ici ont été élaborées à partir d’un travail de plus de tente-sept ans d’études pluridisciplinaires, d’actions, de relations …»[101] Ailleurs, il critique le comportement de certains ministres français qui sont partis demander conseil à l’Institut al-Azhar (جامعة الأزهر) en Egypte, ce qu’il considère comme une «insulte – dit-il – à l’intelligence des Français musulmans et aux savants que nous sommes.»[102] Un peu plus loin, il dit : «Le théologien que je suis propose ce concept théologico-éthique de «discrétion» comme solution.»[103]
Toutefois, la duplicité la plus inquiétante est celle qui le fait passer pour un ex-Frère musulman[104], organiquement et idéologiquement parlant, alors que plus Frère musulman que lui, dans la visée lointaine, dans les projections qui comptent beaucoup sur le temps long, et dans l’art et la manière, tu meurs ! Celle qui le fait passer pour «artisan d’un islam libéral»[105] alors que plus sunnite que lui, plus traditionnaliste que lui, plus islamiste que lui, plus salafiste que lui, il est difficile d’en trouver un qui cumule dans un même curriculum vitae tant d’aptitudes et de compétences en la matière. Sa proximité désormais assumée avec l’héritage jésuite, dans l’attitude morale comme dans la terminologie utilisée, ainsi que dans sa façon de s’exprimer médiatiquement au sujet de l’islam, permet à cette duplicité de s’inscrire dans un ancrage qui plairait aux vrais jésuites du pouvoir, à Paris et à Rome, et de certains médias qui voient dans sa voie et dans sa voix une opportunité pour une revanche cléricale à moindre frais contre la laïcité.
Machine à blanchir l’islamisme
Tareq Oubrou relativise l’islamisme mais sans le définir ! «Le mot «islamiste» dans nos propos – dit-il – n’est pas forcément péjoratif, car il recouvre des réalités différentes, voire opposées : des plus pacifiques aux plus violentes ; des plus politisées aux plus apolitisées, comme les tablighis.»[106] Encore une fois, il blanchit un concept sur la base d’une demi-vérité, synonyme d’un demi-mensonge. Car, bien que le mouvement multinational des Tablighis[107] (جماعة الدعوة و التبليغ) n’ait pas, officiellement, d’objectifs politiques visant le Tamkine (التمكين) et la prise du pouvoir par le biais de l’entrisme patient et les élections à l’instar des Frères musulmans, leur rôle prosélyte s’avère encore plus déterminant, plus porteur, dans le processus de «l’islamisation par le bas»[108], préparant ainsi le terrain et la masse, dans une complémentarité sournoise, à l’islam politique. J’ose penser que les territoires qui connaissent une poussée fulgurante de l’islam des Tablighis sont les mêmes que cible prioritairement la nébuleuse des Frères musulmans (جماعة الإخوان المسلمين). En langage des travaux publics, les Tablighis assurent le travail de terrassement préparant le terrain aux Frères musulmans qui viennent construire les fondations et les murs.
L’islamisation du département de la Seine-Saint Denis, là où le siège de ce mouvement a été établi[109] dans les années 1980, en témoigne. L’enquête Incha’Allah, l’islamisation à visage découvert (Fayard – 2019), de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, mesure l’envergure de cette action prosélyte, longtemps tolérée par les autorités dans l’espoir de «pacifier les cités»[110]. Des jeunes Français radicalisés et partis faire le jihad armé en Syrie et en Irak sont issus de ce mouvement. Originaires de Lunel[111]-[112], ils ont connu l’islam par la porte des Tablighis, ont rejoint les rangs des jihadistes et sont morts sur le terrain pour une cause éminemment politique. «En mai 2013, l’homme qui avait agressé un militaire à La défense à l’arme blanche était passé par les réseaux tablighis.»[113] Tareq Oubrou peut toujours essayer de blanchir l’islamisme qui est foncièrement politique, mais les faits sont têtus.
Par ailleurs, dans cette même opération de blanchiment, il ne ménage aucun effort pour crédibiliser les Frères musulmans qui ne poseraient aucun problème, selon ses dires, car «légalistes et structurés»[114]. Et c’est «grâce à l’UOIF»[115], rebaptisée Musulmans de France, que l’«on avait appris [à la jeunesse musulmane] qu’un bon musulman ne pouvait être qu’un bon citoyen»[116] dit-il. L’action de blanchiment va même cibler l’islamiste libanais Fayçal Mawlawi[117] (فيصل مولوي), un fervent défenseur de la pensée radicale et jihadiste de Sayyid Qutb et l’un des piliers de la création de la branche des Frères musulmans en France, ainsi que de son centre d’endoctrinement idéologique : l’IESH[118] de Château-Chinon. Tareq Oubrou décrit cet islamiste comme «un savant »[119]. Il s’est servi de la position floue et hésitante de ce dernier au sujet du voile pour le faire passer pour progressiste alors qu’il était radical au point de légitimer les attentats-suicides (العمليات الانتحارية) contre les juifs d’Israël[120].
Évidemment, Tareq Oubrou pourrait dire que «citer [Mawlawi] ne signifie en rien une adhésion à ses idées.» Un peu comme lorsqu’il cite Charles Maurras, à la page 297, il précise en note de bas de page, par précaution, « je tiens à préciser d’emblée, en ces temps où tout peut devenir sujet à polémique, qu’évidemment citer Maurras ne signifie en rien une adhésion à ses idées, sa vision du monde ni bien sûr à son antisémitisme et sa haine de la République.»[121] En revanche, lorsqu’il cite le Frère musulman Fayçal Mawlawi, qu’il qualifie d’emblée de «savant» en s’appuyant sur son avis concernant le voile dit islamique, il exprime une proximité et une filiation idéologique. Et l’antisémitisme de Fayçal Mawlawi[122], l’ex-leader des Frères musulmans au Liban, on en fait quoi ?
Tareq Oubrou, le salafiste
Le lecteur découvrira aussi un Tareq Oubrou qui tente de sauver le salafisme (السلفية) d’entre les mains du wahhabisme (الوهابية). En effet, en note de bas de page, il livre une définition du salafisme à laquelle il semble adhérer en évoquant l’importance, à ses yeux, de ces trois générations d’ancêtres, ces «pieux savants», les Salafs (السلف الصالح), des trois siècles après la mort du Prophète qui ont, dit-il, formalisé «l’essentiel du savoir religieux classique»[123]. En salafiste assumé, il considère que «la référence à ces trois générations est devenue incontournable pour qu’un savant prétende à une légitimité théologique et canonique.»[124] D’ailleurs, il suffit d’analyser la bibliographie de l’essai de Tareq Oubrou pour se rendre compte que lui-même y fait largement référence, à l’affut d’une légitimité qu’il ne cesse de revendiquer, «moi en tant que théoricien, métaphysicien…»[125], «le théologien que je suis…»[126]. Il est conscient que le leadership sur la maison islamiste passe obligatoirement par la soumission affichée à l’héritage salafiste.
On comprendra que, pour Tareq Oubrou, le problème ne vient pas du salafisme, en tant que tel, mais du wahhabisme comme dérive du salafisme, dit-il. Tareq Oubrou tente le tout pour tout pour sauver l’idéologie salafiste qui sous-tend et nourrit l’idéologie frériste, depuis sa genèse à l’époque d’Hassan al-Banna qui, dès la création des Frères musulmans, a défini sa mouvance islamiste comme étant d’abord «un appel salafiste»[127] (دعوة سلفية). Dans cette ligne, Tareq Oubrou dit que «le «salafisme» est un vocable qui a une connotation positive dans l’imaginaire musulman, car il s’agit de suivre la voie des pieux ancêtres, celle des deux ou trois premières générations de l’islam. Or, ce salafisme n’est pas une doctrine, mais une période de l’islam, celle des premières générations de savants pieux.»[128] Le vocable frérosalafisme n’est donc pas une vue de l’esprit. Il prend ainsi tout son sens.
Mais au-delà de la terminologie, il plaide pour que l’on préserve l’héritage scripturaire salafiste. «Il ne faut pas liquider dans sa totalité ce riche corpus canonique [salafiste], qui contient certainement des aberrations, mais il convient de s’en inspirer pour lui donner une forme contemporaine. C’est ce que nous entreprenons en le déconstruisant et non en le détruisant.»[129] Il considère que «ces avis de savants médiévaux sont a fortiori valables pour nous, actuellement, notamment en France. Cette lecture est d’une grande actualité.»[130] D’ailleurs, on le verra ci-après, de son propre aveu, son paradigme de «théologie d’acculturation» n’est autre qu’une mise à jour de la pensée médiévale d’Ibn Taymiyya.
La radicalisation islamiste ne serait pas la fille légitime du salafisme, qu’il soit frériste ou wahhabite, mais uniquement du wahhabisme saoudien que Tareq Oubrou dénomme «pour commodité de langage, «salafisme littéraliste»»[131]. La faute ne devrait pas être attribuée aux gentils Frères musulmans ou au mouvement prosélyte des Tablighis mais uniquement à «la propagation du wahhabisme déguisé en salafisme dévoyé en littéralisme »[132] qui a tout fait basculer, selon l’analyse de Tareq Oubrou, avec l’avènement d’Internet. Pour enfoncer le clou de la désinformation, il mentionne le rôle du wahhabisme dans le jihad armé mais tait, volontairement, celui des Frères musulmans. Comme son ami Hakim El-Karoui[133], il tance l’Arabie Saoudite mais ne cite jamais le Qatar. Une raison ?
Les Frères des armes
Un passage suffit pour décrire cette vision tendancieusement dangereuse quand il attribue la primauté et l’exclusivité du recours à la violence au wahhabisme. «Ce mouvement – dit-il – a recouru dès sa naissance à la violence, jusqu’à ce qu’il devienne la doctrine officielle de la dynastie saoudienne … On connait la suite du wahhabisme institutionnel et officiel, celui d’un Etat qui a contribué à nourrir les guerres partout dans le monde au nom du djihad, depuis la guerre d’Afghanistan contre l’URSS, en passant par la guerre de Bosnie, et jusqu’au soutien de Daesh dans un premier temps, avant de se retirer.»[134] Quid du rôle des Frères musulmans, notamment du palestinien Abdullah Azzam[135] (عبد الله عزام), pour ne citer que lui, le maître spirituel d’Oussama Ben Laden (أسامة بن لادن) et des jihadistes arabes, Frères musulmans, qui ont répondu à sa fatwa pour partir faire le jihad armé, par procuration au service de la CIA, dans les montagnes afghanes contre l’URSS ? La mère d’Oussama Ben Laden n’a-t-elle pas déclaré que son fils avait subi un «lavage de cerveau»[136] par les Frères musulmans qui quadrillaient l’université saoudienne ?
Que dire aussi du rôle précis des Frères musulmans, alliés du président bosniaque Ali Izetbegovic (علي عزت بيغوفيتش), dans le conflit armé en ex-Yougoslavie[137] et leur financement de ce conflit[138]-[139] séparatiste à l’ombre de l’Arabie Saoudite entre autres ? Que dire de la propagande jihadiste frériste, y compris au Maroc, sur fond de rassemblements et de diffusion de cassettes VHS, mettant en scène les images des massacres pour encourager les Marocains à soutenir leurs «frères» par tout moyen ? Le frère de Naïma Ben Yaïch (نعيمة بن يعيش), l’invitée islamiste à un rassemblement des Frères «Musulmans de France» à Lille le 10 février 2019, s’était illustré d’abord sur le front jihadiste en Bosnie-Herzégovine[140].
Que dire aussi de cette alliance frérosalafiste, présidée par le Frère musulman Youssef al-Qaradawi, qui a lancé une fatwa internationale appelant au jihad armé en Syrie[141] le 13 juin 2013, depuis le Caire sous la présidence du frériste Mohamed Morsi (محمد مرسي) ? On connait la suite. Daesh est passé par là. Et si on s’intéressait à la vision de Tareq Oubrou, lui-même, au sujet du recours au jihad armé ? N’embrasse-t-il pas cette même vision qui légitime le recours aux armes sous certaines conditions ? En effet, dans son essai, il résume l’avis de ce qu’il nomme «mouvance sunnite (orthodoxe)»[142] sous forme d’une «règle du droit canonique»[143] en ces termes : «Ni les individus ni les groupes n’ont le droit de se faire justice par eux-mêmes, seulement en situation d’extrême danger, par instinct de survie ou en cas de légitime défense.»[144] Il ne critique pas cette vision qui laisse la porte entrouverte du recours à la violence.
Ce passage équivoque rappelle curieusement la position de Tariq Ramadan dans son essai, De l’islam et des musulmans (Presse du Châtelet – 2014). Ce dernier dit que «le jihad est à l’humanité de l’homme ce que l’instinct est au comportement de l’animal»[145], avant d’exposer sa fatwa : «Si une femme ou un homme est clairement persécuté pour sa religion, elle ou il a le droit de résister. Cette résistance [jihad] devra être pensée à la mesure de l’oppression ou de la présentation auxquelles on fait face : les armes sont l’ultime recours si toutes les voies sont inopérantes et qu’on se trouve dans une situation de total déni de droit et/ou sous une domination injuste, éradicatrice ou génocidaire. Les musulmans doivent alors agir et résister.»[146] Comme si l’on était dans une jungle et non dans un état démocratique qui, de par ses institutions régaliennes (police, justice, armée), interdit à tout citoyen de faire justice lui-même et lui interdit aussi tout recours à la violence[147].
Par conséquent, si Tareq Oubrou prend soin de citer Max Weber, «seul l’Etat a le monopole d’une violence légitime»[148], on ne sait pas vraiment s’il considère légitime, comme Tariq Ramadan, le recours à la violence «en situation d’extrême danger, par instinct de survie ou en cas de légitime défense» surtout quand la légitimité de l’Etat providence est contestée, principalement par les Frères musulmans, comme en Syrie, en Libye, en Egypte et peut-être demain sur un territoire national travaillé par la logique séparatiste islamiste comme l’était la Bosnie-Herzégovine dans les années 1992. Serait-il en phase avec ladite «règle du droit canonique» précitée de la mouvance sunnite qui légitime le jihad armé ? Tareq Oubrou est moins disant à ce sujet. Toutefois, cette position dangereuse qui semble être partagée par Tareq Oubrou et Tariq Ramadan, rend possible le recours à la violence et aux armes et s’inscrit dans la droite ligne de la vision jihadiste d’Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans et l’auteur de la «Lettre du jihad»[149] (رسالة الجهاد), le «livre rouge» de l’idéologie du juste milieu.
L’église frériste au milieu du village gaulois ?
Aussi, alors qu’il fustige, en introduction, le discours wahhabite qui serait, selon lui, plus dangereux à l’égard des jeunes que celui des Frères musulmans, car «le discours salafiste – dit-il – donne à cette jeunesse encore plus de fierté que celle que leur offrait le discours des Frères musulmans»[150] et que «le salafisme littéraliste lui donne une occasion d’exprimer sa toute puissance, puisqu’il lui profère qu’entre Dieu et elle il n’y a personne, parfois même pas le Prophète»[151], il reconnaît lui-même que «selon la dogmatique musulmane, le salut ne passe ni par un peuple ni par une Eglise, mais par le seul arbitre de la personne.»[152] Sur cette même lancée, il scande ailleurs que «les musulmans de France n’ont aucun Vatican !»[153] Il se félicite en disant que «nous avons pour nous, musulmans de France, l’avantage théologique de n’être rattachés à aucune Église étrangère.»[154] Il va même jusqu’à établir une comparaison entre sunnisme et chiisme en osant l’absurde et le ridicule qui ne tuent pas : «la doctrine sunnite reste, cependant, la plus «laïque». Le chiisme ressemble lui à une théocratie, à un césaropapisme ou même à un papisme.»[155]
Ici, comme dans le reste de l’essai, le double-discours commet une double-erreur, au moins. D’abord, parce que le wahhabisme[156], comme le frérisme, est tout sauf le chantre de la libération de l’espace théologique et doctrinaire entre Dieu et le croyant. Le wahhabisme est plutôt le champion toutes catégories de la soumission bestiale de l’individu à la toute-puissance de l’héritage sunnite. La notion du Tawhîd (التوحيد), l’unicité de Dieu, telle que formalisée dans la doctrine salafiste wahhabite n’est pas synonyme d’un ciel dégagé au-dessus de l’esprit du croyant. Au contraire, le croyant wahhabite (et frériste aussi) se doit de composer avec l’héritage sunnite des trois premiers siècles, notamment celui de l’école hanbalite. Ce croyant, au nom de la purification du culte, est appelé à se soumettre à la lecture des «pieux ancêtres», d’un côté, et aux détenteurs de l’autorité politico-religieuse, de l’autre.
Ensuite, s’agissant de la deuxième erreur, Tareq Oubrou, l’autoproclamé «théologien», ne peut pas ignorer que c’est bien le Livre saint des musulmans qui dit et redit, à l’adresse de celui qui veut et choisit de croire, que l’espace entre Dieu et le croyant doit être totalement libéré, totalement dégagé de toute entremise, de toute intercession et de tout pouvoir clérical. Ce qui n’arrange évidemment pas les calculs politiciens du casuiste bordelais. A peine a-t-il dit «les musulmans de France n’ont aucun Vatican !», qu’il appelle de ses vœux à l’établissement d’un consistoire islamiste, d’une autorité frériste de tutelle et de mettre son église islamiste au milieu du village gaulois. «C’est à nous, musulmans de France, d’avoir notre institution religieuse comme interlocutrice directe de la République !»[157]
Malin est celui qui saurait dire si l’expression très confuse de «musulmans de France», dans ce dernier passage, désigne les citoyens français musulmans ou bien la branche en France des Frères musulmans, rebaptisée «Musulmans de France» (ex-UOIF). On voit bien que Tareq Oubrou qui, par ailleurs, appelle les musulmans à la discrétion et qui fustige la «théologie de l’ostentation qui fait de la visibilité identitaire une obligation»[158], est le même à plaider, à la page 339, «pour une visibilité de l’institution religieuse musulmane»[159]. Il est pour l’ostentation d’une instance communautariste de pression sur le pouvoir public et de régulation des champs socioreligieux selon les intérêts de l’islam politique. Il est aussi pour l’effacement des individus qui seraient sous la tutelle de cette instance. Un effacement somme toute temporaire et de circonstance. C’est la communauté qui prend le dessus sur l’individu alors que la laïcité et la loi 1905 doivent rester une protection de l’individu contre les pressions communautaristes.
Fidélité à Ibn Idriss
Tareq Oubrou est un salafiste d’une espèce hybride adaptée à l’air du temps. Sa conception des Ecritures est salafiste tout comme le sont ses références. Alors qu’il se garde bien de définir exactement le terme «sunna» (السنة), sommairement décrite comme étant «la tradition du Prophète (sunna ou hadith), qui est pour tous les musulmans la deuxième source scripturaire de l’islam »[160], il entretient tout au long de l’essai la confusion pour s’en servir au gré des paragraphes, tel un casuiste, qui, sans gêne, affirme une chose et son contraire, dans une plasticité faussaire qui donne le vertige.
Comme tout salafiste, il accorde une importance majeure à la sunna en la considérant clairement comme faisant partie de la révélation divine. «En effet, il n’y a pas que le Coran comme mode de révélation divine, la sunna – dit-il – en est la deuxième strate. Certes, elle est d’expression humaine, mais elle reste d’origine divine, donc habilitée à ce titre à abroger le Coran.»[161] Ainsi, il s’inscrit à n’en point douter dans la lignée idéologique de Mohammed Ibn Idriss al-Shafi’î (767-820), maître-juriste de l’école Shaféite (المذهب الشافعي) et auteur du célèbre livre ar-Rissâlah (الرسالة) qui fut presque le premier de son genre à introniser la sunna comme source et fondement de la jurisprudence en islam sunnite, un siècle et demi après la mort du Prophète.
Avant, ce n’était pas le cas. Les hadiths (الأحاديث) qui n’étaient considérés, tout au début, à partir du troisième calife Othmân Ibn Affân (عثمان بن عفان), que comme l’œuvre de conteurs, vont devenir avec al-Shafi’î la deuxième source fondamentale de la législation chez les sunnites (أهل السنة و الجماعة). Cela voulait dire que Dieu, Celui du monothéisme musulman, n’est plus le Seul ni l’Unique à définir le contenu du récit de la foi musulmane ainsi que les pratiques cultuelles et les règles morales de bonne conduite qui y sont associées. C’est désormais une armée de juristes et de théologiens – exactement comme l’ordre rabbinique et ecclésiastique – qui partage avec Lui ce statut. Cela veut dire que même si une pratique ne figure nulle part dans le Livre saint des musulmans, il suffit qu’il y ait un conte, un hadith, souvent apocryphe ou d’origine suspecte, qui l’instaure, pour que cette pratique soit considérée comme légitime, recommandée, voire obligatoire.
La circoncision[162] (الختان), par exemple, qui n’est citée nulle part dans le Livre saint des musulmans, devient, grâce à des hadiths attribués au Prophète, une recommandation obligatoire. Pour la justifier, Tareq Oubrou qui précise à juste titre qu’elle «n’est pas un acte baptismal, [et qu’] elle n’est même pas une obligation canonique»[163], s’appuie par ailleurs sur un hadith rapporté par al-Bukhâri (البخاري) et Muslim (مسلم) selon l’énigmatique Abou Hourayra (أبو هريرة)[164], qui instaure et légitime la circoncision en la considérant comme acte hygiénique, «comme le fait de se couper les ongles, et autres actes de propreté élémentaire, ainsi que le souligne un hadith du Prophète»[165], dit-il. Tareq Oubrou se soumet donc à ce hadith, supposément d’inspiration divine dans son esprit, qui évoque «cinq actes hygiéniques : la circoncision, la réduction de la pilosité pubienne et de celle des aisselles, la diminution de la moustache – afin qu’elle n’obstrue pas la bouche – et le coupage des ongles.»[166]
On note ici que celui qui semble avoir fait des études en biologie, met la circoncision au même niveau que de couper les ongles ou les poils pubiens alors qu’il s’agit d’une mutilation sexuelle infligée aux garçonnets sans leur consentement[167] et qu’elle contredit le dogme de la création parfaite comme le stipule Tareq Oubrou, dans un autre passage quand il dit que «l’homme étant créé à l’image de Dieu, il ne peut être question d’un quelconque Adam raté.»[168] La paire de ciseaux du circonciseur ne vient-elle pas corriger une création supposée ratée en mutilant un préposé supposé inutile ?
La dangerosité de ce qu’a fait al-Shafi’î, à ce moment sensible de l’histoire, c’est que tout ce que le politique souhaitait instaurer comme règles pour réguler le social, maintenir l’ordre établi, justifier ses atrocités contre des minorités religieuses et ses discriminations à l’égard des femmes, empêcher toute résistance et toute contestation à s’exprimer, conduire ses conquêtes colonisatrices et j’en passe, il pouvait le faire par la voie des hadiths. Le penseur égyptien Nasr Hamid Abu Zayd (نصر حامد أبو زيد), que ne cite pas Tareq Oubrou, considère ash-Shâfi’î, dans un livre[169] remarquable en arabe qui lui a valu d’être excommunié par des frérosalafistes égyptiens, comme étant le père spirituel de l’idéologie d’al-Wassatiyya (الأيديولوجية الوسطية), traduite par «l’idéologie du juste milieu», qui alimente, depuis des siècles, le discours conquérant de l’islam politique, notamment celui de Tareq Oubrou et de ses Frères musulmans[170].
Matrice nourricière
Fidèle à cette idéologie et à son maître al-Shafi’î, Tareq Oubrou écrit en note de bas de page: «A la différence du Coran, que le Prophète apprend par cœur et à la lettre par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, la sunna, elle, est inspirée de Dieu, mais sa formulation est laissée à l’initiative personnelle du Prophète.»[171] A la page 43, il dit pouvoir confirmer «que l’islam n’est pas la religion d’un seul livre, mais de trois livres : le livre révélé (Coran et sunna), le livre naturel et le livre de la raison.»[172] De son point de vue, la sunna, formalisée dans des hadiths, n’est pas uniquement de source divine mais elle a le pouvoir d’abroger les versets du Livre saint des musulmans. Par conséquent, les terroristes de Daesh qui s’appuient sur des hadiths, dits authentiques, pour justifier leurs atrocités à l’égard des apostats, des adultères, des chrétiens et des minorités religieuses seraient donc conformes à la révélation divine ? Un hadith dit authentique qui appelle à tuer celui qui change de religion est de ce point de vue habilité à abroger des centaines de versets qui instaurent la liberté de conscience. Mais qui a parlé de Tareq Oubrou comme étant «artisan d’un islam libéral» ?
Ailleurs, après avoir tenté de regagner la confiance des traditionalistes, il opère quelques rétropédalages, quelques escobarderies sémantiques, comme pour anticiper les critiques et atténuer le propos en disant : «De même que tout verset du Coran n’est pas applicable, un hadith du Prophète, même certifié authentique, ne l’est pas non plus et encore moins. Les comportements ne relèvent pas tous de la révélation, mais parfois d’une attitude purement culturelle.»[173] Il dit aussi : «Tous les hadiths du Prophète ne sont pas considérés comme unanimement authentiques, et tout ce qui est authentique ne relève pas forcément d’une révélation, et tout ce qui est révélé n’est pas systématiquement absolu.»[174]
Un peu plus loin, à la page 264, il dit que «certains considèrent même qu’une partie [des] avis (fatwa) [du Prophète], relevant en apparence d’un religieux invariable, ne sont que circonstanciels temporels et donc ne font pas partie de la révélation divine qui s’imposerait inconditionnellement aux musulmans.»[175] On tourne la page pour lire que «ses paroles et ses actes, inspirés et révélés, ne sont pas tous de l’ordre de l’intangible absolu.»[176] Ailleurs, il écrit : «pour réconcilier le Coran est la Bible, nous dirons que la Genèse contiendrait probablement des interpolations (mudraj), des commentaires introduits par erreur par les rédacteurs ou les scribes au sein du Texte initial, en y intégrant des mythes dont on trouve d’ailleurs certaines traces dans les hadiths du Prophète »[177] Comment est-il conciliable, pour un esprit supposé sain et équilibré, d’affirmer, dans un premier temps, que la sunna, et donc les hadiths, relèvent d’une révélation divine et de dire, dans un deuxième temps, que des hadiths authentiques ne relèvent pas forcément de la révélation divine ? Quelque chose m’échappe dans ce «raisonnement» ténébreux et fallacieux.
En vérité, ce qui dérange Tareq Oubrou ne serait ni le salafisme ni le sunnisme qui le sous-tend, mais plutôt un certain littéralisme formel et visible qui perturbe, à n’en point douter, par ses effets répulsifs, les projections et l’agenda de l’islam politique. «Non seulement le littéralisme est une erreur intellectuelle, mais il est aussi une faute morale. Il refuse l’usage de la raison qui fait de l’être humain ce qu’il est, un être singulier dans l’ordre de la création, à l’image de Dieu lui-même»[178], dit-il. Toutefois, Tareq Oubrou serait-il à ce point un non-littéraliste ? Pas si sûr ! En témoigne sa croyance, à la lettre, en des hadiths rapportés par un certain Abou Hourayra, un inféodé sur le chemin de Damas[179] …
Adam d’Abou Hourayra ou l’Homme de Vitruve ?
En effet, dans un passage de son essai, il fait état d’une altercation qui est survenue dans une mosquée alors qu’il donnait une conférence. Il raconte avoir été «insulté»[180] par un «objecteur mal élevé»[181], dit-il, qui lui reprocha d’avoir dit que «Adam fut créé à l’image de Dieu»[182], accréditant un verset de la Bible. Et Tareq Oubrou de commenter cette altercation en considérant que son objecteur «était en train de blasphémer sa propre religion. Il ignorait – dit-il – que la parole que j’ai dite sur Adam à l’image de Dieu était celle du Prophète [un hadith] qui précisément confirmait un passage de la Genèse »[183].
Ailleurs, en critiquant «la schizophrénie dont souffrent beaucoup de musulmans»[184], il donne l’exemple «de ce jeune homme qui [lui] reprocha la référence au verset biblique, verset falsifié par essence selon lui, alors que celui-ci – précise Tareq Oubrou – a été confirmé à la lettre par un hadith du Prophète.»[185] On retient ici le passage «verset [biblique] confirmé à la lettre par un hadith du Prophète», d’autant plus que Tareq Oubrou considère que les hadiths font partie de la révélation divine. Cela veut dire aussi qu’il croit dur comme fer en l’authenticité de ce hadith en particulier. En note de bas de page il en donne même les références en citant les deux recueils considérés comme authentiques chez les sunnites[186] : le recueil d’al-Bukhâry et celui de Muslim. Mais que dit ce hadith que Tareq Oubrou ne cite que partiellement ?
Pour le savoir, il suffit d’ouvrir ce recueil et de lire le hadith numéro 6227 qui dit : «D’après Abou Hourayra, Le Prophète dit : «Adam fut créé à l’image de Dieu, sa taille fut de soixante coudées. Après l’avoir créé, Dieu [lui] dit : «Va et salue ces anges que voici assis et écoute comment vont-ils te saluer, ce sera donc ton salut et celui de tes enfants.» Alors Adam dit : «Que la paix soit sur vous !» Et les anges de répondre : «Que la paix soit sur toi ainsi que la miséricorde de Dieu !» Dès lors, quiconque entre au Paradis y entre sous l’apparence d’Adam … Depuis, la taille de l’homme ne cesse de diminuer jusqu’à aujourd’hui.»[187] Tareq Oubrou croit-il vraiment que ce hadith est authentique ? Visiblement, oui.
Deux questions se posent alors, l’une en lien avec le dogme musulman, et l’autre en lien avec la science. Premièrement, comment Tareq Oubrou peut-il réconcilier, dans son esprit de croyant, l’affirmation de ce hadith, «Adam fut créé à l’image de Dieu» – quand bien même celle-ci reprend un verset biblique qui pourrait bien être approché par une voie métaphorique – et des versets du Livre saint des musulmans qui mentionnent plutôt le caractère unique et singulier de Dieu : «Rien ne Lui ressemble»[188] (ليس كمثله شيء) ? Le comble, c’est que Tareq Oubrou considère lui-même que l’«anthropomorphisme [est] contraire à la transcendance de Dieu caractérisée par le dogme de l’unicité.»[189] A moins que ce hadith d’Abou Hourayra ne puisse avoir le pouvoir d’abroger ce verset. Idée défendue aussi par Tareq Oubrou.
Deuxièmement, comment Tareq Oubrou, qui dit avoir poursuivi un cursus universitaire en biologie, voire en médecine, avant d’être touché par la «grâce» des Frères musulmans, peut-il un instant croire que la «taille d’Adam fut de soixante coudées» ? Pour information, une coudée vaut 0,4572 mètres. Par conséquent, les soixante coudées citées dans ce hadith sont l’équivalent de 27,432 mètres. Tareq Oubrou pense-t-il vraiment que la taille d’Adam fut proche des 28 mètres, l’équivalent de la taille du plus grand dinosaure de l’histoire ou de dix fois la taille du célèbre Robert Wadlow[190] ou de celle d’un bâtiment standard à dix étages à Bordeaux ? Tareq Oubrou ne devrait pas ignorer que la paléontologie humaine n’a jamais trouvé un squelette qui se rapprocherait des 28 mètres. Au contraire, la taille moyenne des hominidés, depuis plusieurs centaines de milliers d’années, est restée relativement stable, un peu en-dessous de deux mètres[191] !
Pis, si on applique les proportions, presque parfaites, du corps humain telles qu’elles sont décrites par Léonard de Vinci en marge de son célèbre dessin, L’Homme de Vitruve[192], le hadith d’Abou Hourayra décrirait plutôt un mythique géant, prénommé Adam, dont la plus grande largeur d’épaules équivaudrait à sept mètres, le quart de sa taille. Quant à son pied, il devrait mesurer quatre mètres, le septième de sa taille. Puisse Tareq Oubrou fermer ses yeux un laps de temps et imaginer ce que cela représente en vrai avant de s’en prendre à un jeune homme qui raisonne nonobstant ses apparences. Il comprendrait peut-être qu’un être humain avec ces dimensions n’a pu exister. Il comprendrait aussi qu’un tel corps, 28 mètres de hauteur et 7 mètres de largeur, n’aurait pu ni se tenir debout, ni marcher, ni courir, à cause de son poids ultra-massif qui n’aurait pu que fissurer le sol en-dessous de ses pieds.
On évitera d’aborder les fonctions physiologiques et neurologiques inhibées et altérées par l’effet de l’inertie d’un corps titanesque. Un exemple tout de même : chez l’homme, la vitesse moyenne de transmission de l’influx nerveux du cerveau vers un membre supérieur est d’environ 49 mètres par seconde. Cela voudrait dire que si un corps humain, tel qu’on le connaît, a besoin d’un quart de seconde pour la transmission d’un ordre depuis le cerveau vers le pouce, ou inversement, d’une stimulation depuis l’auriculaire vers le cerveau, le colossal corps d’Adam aurait eu besoin d’au moins quatre secondes pour réagir. Une lenteur qui fait oublier celle de la tortue la plus traînarde ne favorisant ni mouvement, ni apprentissage, ni protection de soi-même. Les fans de manga imagineraient alors qu’Adam fut à l’image d’un Titan déviant de Shingeki no Kyojin.
Ainsi, le littéralisme de Tareq Oubrou n’est vraiment pas un truisme. Qu’il puisse citer des hadiths aux allures de sagesse attribués au Prophète, traversant par leur portée spirituelle et éthique, les temps et les contrées, ne contredisant ni la raison, ni le bon sens, ni les données de la science, ni le sens de l’Histoire – et elles existent bel et bien ! – cela ne poserait pas de problème. Cependant, qu’il reproche aux autres d’être des salafistes littéralistes alors que lui-même partage avec eux la même matrice idéologique scripturaire sunnite et salafiste nourricière, et défend comme eux, voire plus encore, les aberrations monumentales de hadiths chimériques, exaltés sur l’échelle de l’idiotie exemplaire – comme lorsqu’il fait référence à un autre hadith parlant d’un personnage mystérieux voire cabalistique nommé Ibn Sayyâd[193] (ابن صياد), supposé avoir vécu à l’époque du Prophète – Tareq Oubrou ne peut plus se faire passer pour un réformateur rationaliste, basta.
Au temple d’al-Ghâzâli, le takfiriste des philosophes
D’ailleurs, on remarque qu’il est dans sa cohérence idéologique quand il s’attaque, à plusieurs reprises, comme par nécessité, à l’héritage rationaliste du courant mutazilite[194]-[195]-[196] alors que les débats qu’il invite pour justifier son prétendu «islam français», ici et maintenant, en évoquant ce courant de pensée de manière dépréciative à dessein, sont pour le moins archaïques et surannés. Quel rapport avec la France et les Français, qu’ils soient musulmans ou pas, et leurs préoccupations d’aujourd’hui ? «On présente souvent les mutazilites – dit-il – comme des rationalistes éclairés. Ce n’est qu’une vue de l’esprit.»[197] Néanmoins, ce qui n’est pas une vue de l’esprit, loin s’en faut, mais un naturel idéologique chez lui, c’est bien son côté traditionnaliste et conservateur, fidèle à l’héritage d’un certain Abou Hamid al-Ghâzâli (1058-1111), l’un des pourfendeurs du mutazilisme du moyen-âge et l’un des fanatiques takfiristes des philosophes.
En effet, tout en essayant de se démarquer en apparence d’ Abou Hamid al-Ghâzâli (أبو حامد الغزالي) sur une base sémantique[198], il le décrit par ailleurs comme «un théologien indulgent et ouvert quant au salut des non-musulmans»[199] et un «théologien du doute méthodologique.»[200] Rappelons tout de même que c’était ce même al-Ghâzâli qui, en 1095, avait excommunié les philosophes al-Fârâbî (872-950) et Avicenne (980-1037) dans un factum intitulé Incohérence des philosophes (تهافت الفلاسفة), enfermant le monde arabe entre les murs d’une prison d’obscurantisme à perpétuité. Tareq Oubrou a même osé une comparaison entre les travaux de ce traditionniste sunnite médiéval et ceux de Descartes ! «Quand on lit le Discours de la méthode de Descartes – écrit-il –, on ne peut évacuer l’idée que ce dernier ait été informé des travaux de Ghazâlî, qui vécut sept siècles avant, tant il y a des similitudes entre leurs œuvres.»[201] Pense-t-il vraiment que Descartes aurait plagié al-Ghâzâli ? Ailleurs, il le compare à Thomas d’Aquin et à Leibniz en usant de superlatifs en sa faveur[202].
Tareq Oubrou va encore plus loin dans sa tentative de réhabilitation posthume d’al-Ghâzâli, sur la base de contre-vérités manifestes quand il dit que «dans sa lettre «La distinction décisive» (Fayçal at-tafriqa), [Ghâzâli] a mis en garde contre la facilité qu’ont certains savants musulmans à excommunier ceux qui n’ont pas la même doctrine théologique qu’eux et qui considèrent avec légèreté comme kâfir [mécréant] celui qui n’est pas de leur tendance. Il a essayé de proposer une vision théologique tolérante et ouverte. Il a considéré que tous les Turcs païens, les chrétiens et les autres peuples n’étaient pas concernés par le qualificatif mécréant (kâfir) n’étant pas informés sur la vérité de Mahomet. C’est la première fois qu’un théologien musulman avançait cette analyse avec assurance et explication concernant les non-musulmans de son époque.»[203] Notons qu’il fait référence à un livre du sunnite médiéval dont le titre n’est traduit qu’à moitié. L’autre moitié ne servant pas la démonstration de Tareq Oubrou, elle est donc purement et simplement tue et effacée. Tout lecteur attentif, attaché à la sémantique, questionnerait «distinction décisive» de quoi ? Ou «distinction décisive» entre quoi et quoi ? Surtout que le verbe «distinguer» tend à assumer presque toujours sa transitivité directe et indirecte.
On doit savoir, premièrement, que le titre complet de ce livre d’al-Ghâzâlî est «Critérium de la distinction entre l’islam et l’hérésie» (Fayçal at-tafriqah bayna al-islam wal’zandaqah – فيصل التفرقة بين الإسلام و الزندقة). Ainsi, Tareq Oubrou devrait traduire l’intégralité du titre, La distinction décisive entre l’islam et l’hérésie, et pas uniquement une partie insignifiante car incomplète. Si maintenant on ouvre cet ouvrage au style d’une lettre, on se rend compte très vite qu’il traite de la question du takfirisme (التكفير), l’excommunication, au sein même de la communauté des fidèles musulmans de son siècle. Elle est abordée dans un contexte marqué par une poussée du takfirisme dont le rôle de Ghâzâli, le takfiriste des philosophes, était tout sauf insignifiant. Les adeptes et disciples des différentes écoles dogmatiques, doctrinaires et juridiques s’excommuniaient réciproquement, à l’excès, pour la moindre divergence, pour la moindre interprétation qui dérogeait de la pensée dominante. Ghâzâli voulait s’adresser à travers ce livre, à travers cette lettre, aux musulmans de son époque pour leur expliquer le sens et les conséquences de la mécréance et leur donner des critères, censés être définitifs, qui devaient permettre de distinguer le vrai mécréant, de l’hérétique, du musulman égaré, … et ce, en adoptant un juridisme intolérant et criminel. Tout cela disparait sous la plume de Tareq Oubrou.
Partant de sa définition de la mécréance comme étant, selon al-Ghâzâlî, «la dénégation du message du Prophète»[204] (تكذيب الرسول) et du critère qu’il défendait, «tout mécréant est un négateur du Prophète, et tout négateur est un mécréant»[205], il n’était point question pour Ghâzâlî de tolérer la mécréance en tant que telle ainsi que ceux qu’il considérait comme étant des négateurs. Six catégories expressément citées sont formellement considérées «mécréants» (كفار) dans son opuscule, «les juifs (اليهود), les chrétiens (النصارى), les Brahmanes (البراهمة), les dualistes (الثنوية), les hérétiques (الزنادقة) et les athées (الدهرية)»[206]. Loin d’être un traité de tolérance vis-à-vis des autres religions et philosophies, la référence de Tareq Oubrou est allée encore plus loin dans la définition de la mécréance comme étant un crime sanctionné par la sharia islamique. Ghâzâlî considère qu’il est légitime, du point de vue de l’islam, de «déposséder le mécréant de ses biens»[207] (إباحة المال) et de le «condamner à la mort»[208] (إباحة الدم). Tout mécréant serait destiné, selon Ghâzâli, «à une vie éternelle en Enfer»[209] (الخلود في النار). Mais qui a parlé de tolérance ?
Ailleurs, il recommande que «là où la dénégation s’exprime, il faut excommunier, même lorsqu’il s’agit de dénégation relative à des questions secondaires»[210] (مهما وجد التكذيب وجب التكفير و إن كان في الفروع). Il donne comme exemple de ceux qui méritent d’être excommuniés «celui qui nie la résurrection des corps»[211] entre autres ! On comprend qu’il avait un compte à régler avec le courant rationaliste mutazilite (المعتزلة). Quant aux hérétiques, tous ces musulmans frappés d’excommunication à l’issue mortifère que l’on connait, ils forment «une communauté vouée à l’Enfer»[212] selon Ghâzâlî qui cite un célèbre hadith. Quand Tareq Oubrou fanfaronne que «c’est la première fois qu’un théologien musulman [Ghâzâlî] avançait cette analyse avec assurance et explication concernant les non-musulmans de son époque»[213], et accrédite par un tel propos l’une des deux hypothèses, soit il n’a pas lu l’intégralité du livre de Ghâzâlî qu’il cite, soit il s’arrange avec la vérité comme il sait bien le faire. Et ce n’est pas parce que Tareq Oubrou écrit que «la mécréance [liée au moment de la révélation] est une faute morale, alors que l’incroyance relève de l’erreur intellectuelle, mais légitime»[214] qu’il va réussir à dissiper les doutes et à faire taire les questions légitimes.
Ibn Taymiyya, le Français ?
Par ailleurs, alors que Tareq Oubrou tente astucieusement de se distancier des frères musulmans Mohammed Qotb et Saïd Qotb, «le fameux théoricien de la rupture»[215] dit-il, il réhabilite, en même temps, une référence médiévale du courant takfiriste hanbalite radical, le célèbre Ibn Taymiyya (ابن تيمية). Ici, il dit rejoindre son élève Ibn al-Qayyem (ابن القيم) sur sa conception de «l’Enfer éphémère» et du «Paradis éternel»[216]. Ailleurs, en faisant référence au recueil des fatwas d’Ibn Taymiyya, ce modus aperandi du groupe terroriste Etat islamique, Tareq Oubrou consacre deux pages pour expliquer l’institution moyenâgeuse de la hisba[217] (حسبة), cette police des mœurs au service des régimes théocratiques totalitaires, en des termes signifiant plutôt une adhésion sous voile de neutralité.
Cependant, là où la référence à l’héritage d’Ibn Taymiyya est la plus assumée c’est lorsque Tareq Oubrou enjoint aux musulmans de «s’adapter aux non-musulmans majoritaires, comme le défend Ibn-Taymiyya – dit-il – pourtant grande référence des salafistes et des wahhabites.»[218] Il en est conscient. Et il enchaîne : «celui-ci considère que, dans certaines conditions – j’y reviendrai – les musulmans doivent avoir la même visibilité que le reste de la nation non musulmane. Il parle même d’une obligation de ressemblance avec les non-musulmans au niveau des signes extérieurs, et ce, pour l’intérêt même des musulmans.»[219] Tareq Oubrou va pousser le bouchon encore plus loin en encensant Ibn Taymiyya auteur, dit-il, d’«un avis canonique d’une grande actualité, qui s’inscrit totalement dans notre paradigme d’acculturation et de réconciliation.»[220] Mais de quel paradigme s’agit-il ? Et à quelles «certaines conditions» Tareq Oubrou fait-il allusion ?
Pour répondre à ces questions, il suffit d’examiner la référence bibliographique arabe d’Ibn Taymiyya, citée par le décoré d’Alain Juppé au degré de «chevalier de la légion d’honneur»[221]-[222]. Sous sa plume, on ne peut plus s’attendre à des traductions intégrales des titres sulfureux. Taqiyya oblige. Dans le cas présent, il n’a même pas osé traduire le titre ni partiellement, ni intégralement. A la page 306, en note de bas de page, il cite sa source «Ahmed Ibn Taymiyya, Iqtidâ’ as-sirât al-mustaqîm, Dâr al-Maarifat, Beyrouth, [s, d], p.176-177»[223]. Le lecteur néophyte francophone non arabisant a certainement compris qu’il n’a strictement rien compris. Voici d’abord le titre intégral en arabe de cet ouvrage Iqtidâ’ as-sirât al-mustaqîm fi moukhalafat as’hâb al-jahîm (اقتضاء الصراط المستقيم في مخالفة أصحاب الجحيم), que l’on pourrait traduire ainsi : Emprunter le droit chemin pour se distinguer des gens de l’Enfer. Un livre assurément takfiriste, obscurantiste, antisémite, antichrétiens, misogyne, et jihadiste, à côté duquel Sayyid Qotb, le «théoricien de la rupture»[224] comme le décrit Tareq Oubrou à juste titre, passe vraiment pour un amateur !
Pis, de l’aveu même de Tareq Oubrou, comme on l’a vu, son «paradigme d’acculturation et de réconciliation», tel qu’il est exprimé dans son essai, est inspiré, entre autres, de l’avis d’Ibn Taymiyya concernant le comportement que les musulmans doivent observer, exceptionnellement, vis-à-vis des non-musulmans, au sein de territoires non-musulmans : c’est-à-dire en dehors de «Dâr al-islam» (دار الإسلام), en dedans de «Dâr al-Harb» (دار الحرب). La règle générale chez Ibn Taymiyya est que le musulman se doit, au nom même de sa foi, de se distinguer en tout et partout «des kouffârs», «des juifs», «des chrétiens» et j’en passe. Il ne tolère aucune ressemblance entre musulman et non-musulman, et ce, sur la base d’interprétations des versets et des hadiths ainsi que des avis juridiques, notamment ceux ultra radicaux de l’école hanbalite (المذهب الحنبلي) qui ont nourri sa foi et sa pratique d’antan.
Ibn Taymiyya a défendu l’idée que la rupture entre musulmans et non musulmans se doit d’être totale et inviolable, autant sentimentale que physique. Fierté côté musulman, humiliation côté mécréants. La communautarisation islamiste qui en résulte gagne d’abord le cœur avant le corps, s’imprime dans l’esprit avant les attitudes, nourrit les sentiments insondables avant l’affichage ostensible sur les champs éducatif, social, judiciaire, économique et politique. Plus que jamais, cette rupture, telle que théorisée par Ibn Taymiyya dans ce livre de référence chez Tareq Oubrou (!), est d’abord une affaire de cœur avant de devenir nécessairement une affaire de voile à Créteil, ou d’un lycée islamiste à Lille-sud, ou de balles tirés à bout portant sur des journalistes à Paris, ou du camion-bélier qui a écrasé des centaines de citoyens un jour de fête nationale sur la Promenade des Anglais à Nice, ou de radicalisation islamiste chez Air France, ou d’un projet de loi voulant instaurer un «délit d’islamophobie» par la majorité macronienne au Palais Bourbon, ou de burkini dans une piscine municipale à Grenoble, ou de produits de la «finance islamique» au Crédit Agricole CIB, ou de hijab de running chez Décathlon, ou de façades du commerce halal à Roubaix, ou de prière de rue à Clichy-la-Garenne, ou de carré musulman dans un cimetière en Seine-Saint Denis.
Toutes ces revendications et manifestations ne sont, en vérité, que la partie émergée de l’iceberg totalitaire qui menace de plus en plus de naufrage le Titanic français, parti à la dérive après avoir perdu le nord, au milieu d’un archipel sombre. Depuis les abîmes du XIIIème et du XIVème siècle, Ibn Taymiyya (1263-1328) interdit au musulman, quelle que soit l’époque, de s’habiller comme les non-musulmans, de parler la même langue qu’eux, de manger comme eux, de marcher comme eux, de rire comme eux et de partager les mêmes fêtes qu’eux. Toute ressemblance est à bannir dans le contexte où les musulmans sont majoritaires, ou l’islam politique a déjà atteint la phase du Tamkine global. Là où il n’y a plus besoin de «sharia des minorités en terre laïque»[225], promue par un certain Tareq Oubrou le temps d’une phrase. Là où cette vision inspirée du référent idéologique frérosalafiste de Youssef al-Qaradawi, dans son livre Jurisprudence des minorités musulmanes, Fi fiqh al-aqalliyat’ al-mouslimah[226] (في فقه الأقليات المسلمة) devenu la bible du CERF (Conseil européen des recherches et de la fatwa à Dublin), cède définitivement la place à la rude sharia des majorités. La loi islamiste des cheikhs et mollahs s’imposant, à petit feu, en lieu et place de la loi républicaine du peuple démocratique et souverain.
Théologie d’acculturation, en attendant ?
Comme chaque règle a son exception, celle d’Ibn Taymiyya en permet une, qui nourrit la réflexion de Tareq Oubrou et qui sous-tend l’ensemble de son paradigme. Il en cite, par ailleurs, l’énoncé en arabe, «al-mushâbahat fi al hadyi adh-dhâhir»[227] (المشابهة في الهدي الظاهر) et le traduit comme étant le «principe de ressemblance dans les attitudes extérieures avec le reste des non-musulmans majoritaires»[228]. Cependant, on ne peut s’empêcher de penser qu’en validant cet avis canonique d’Ibn Taymiyya, quand bien même serait-il de nature exceptionnelle, Tareq Oubrou considérerait lui aussi, mais sans l’avouer, que la France serait une «demeure de la guerre», Dâr al-Harb, ou du moins une «demeure de la mécréance», conformément aux frontières de la théologie géographique médiévale. Car Ibn Taymiyya ne tolère le recours à cette exception que dans le cas de territoires désignés comme étant des Dâr al-Harb !
En effet, dans son éloge de la rupture, Ibn Taymiyya contextualise ladite exception et précise ses conditions à la suite d’un argumentaire assurément antisémite. «Se distinguer des mécréants, ne fut obligatoire qu’après que l’islam eut triomphé et que ses préceptes furent prédominants, comme pour le jihad armé, pour la capitation [al-Djizia] que [les mécréants dominés] furent obligés de verser [aux musulmans] en étant humiliés. Au début [à la Mecque], lorsque les musulmans étaient fragiles et en état d’infériorité, cette obligation ne leur fut pas imposée. Mais quand la religion fut parachevée et a triomphé [à Médine], cette différenciation est devenue obligatoire.»[229]
Le même Ibn Taymiyya a ensuite ramené ce concept communautariste à son époque pour en forcer les traits, le rendre absolu et transcendant les temps et les espaces. «De notre temps – dit-il –, il en est de même si un musulman réside au sein d’une demeure de guerre (Dâr al-Harb) ou au sein d’un territoire de mécréance, autre que Dâr al-Harb. Celui-ci n’est pas concerné par l’obligation de se différencier des non-musulmans dans les apparences et attitudes visibles. Le faire, pourrait lui causer bien des contraintes et des dommages. Au contraire, il lui est recommandé de ressembler [aux non-musulmans] dans ces attitudes visibles à condition, toutefois, que cela puisse servir un intérêt religieux permettant de les amener à se convertir à l’islam. Cela pourrait l’aider à s’infiltrer pour connaître leurs secrets et les dévoiler ensuite aux musulmans. Aucune ressemblance n’est, par ailleurs, tolérée en terre d’islam et de hijra. Là où Dieu a fait triompher l’islam et a frappé d’humiliation et de dhimmitude les mécréants. En terre d’islam point de ressemblance.»[230]
Ce même «paradigme d’acculturation» cher à Tareq Oubrou, prônant une certaine «visibilité proximale» théorisée jadis par Ibn Taymiyya, n’a donc strictement rien de progressiste, rien de libéral. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un habillage sémantique, d’un verbiage sophiste et artificiel, pour tromper la vigilance collective et avancer masqué. Ce paradigme résume le comportement des islamistes infiltrés et missionnés pour remplir les objectifs d’une étape, sur le processus du Tamkine global. Récemment, lorsque le frère musulman libyen, Chokri al-Hassi (شكري الحاسي), cite ce même passage d’Ibn Taymiyya dans un article en arabe, afin de redonner de l’espoir à ses Frères miliciens qui combattent l’armée régulière en Libye, il choisit comme titre Fiqh al-marhaliyya[231] (فقه المرحلية), que l’on peut traduire par : «jurisprudence de la progressivité», ou «jurisprudence des paliers», au sens où le Tamkine islamiste progressif (et non progressiste), comme projet frérosalafiste longtermiste qui gagne de plus en plus de terrain suivant des phases successives, a besoin ici et maintenant de ce paradigme sectaire médiéval pour s’enraciner en douceur, sans brûler les étapes et sans faire de bruit.
Tareq Oubrou, qui plaide pour une «contraction de la sharia»[232] et «pour des pratiques réduites»[233] conformément à cette exception tolérée par Ibn Taymiyya, ne dit pas autre chose pour vendre son supposé paradigme aux Français musulmans, y compris aux plus radicaux d’entre eux. «Certains musulmans – dit-il – m’accuseront sans doute de théoriser en vue d’une assimilation des musulmans. Je leur dis simplement que là où ils voient un risque de disparition par assimilation réside leur salut spirituel et matériel. Et je suis convaincu, du moins je l’espère, que le temps me donnera raison.»[234] Sa référence assumée à l’héritage d’Ibn Taymiyya serait aussi, de ce point de vue, une façon d’acheter la paix avec les franges extrémistes, y compris avec les zombies de Daesh qui semblent l’avoir «excommunié» en 2016, comme pour le légitimer par un procédé victimaire, en lui permettant indirectement de se placer sur la scène nationale comme une victime menacée et, peut-être, crédibiliser son discours auprès de l’Elysée.
Toutefois, Tareq Oubrou ne doit pas ignorer que lorsque les muftis de Daesh ont construit leur argumentaire religieux takfiriste, ils l’ont fondé essentiellement sur les fatwas d’un certain … Ibn Taymiyya[235]. Il ne doit pas ignorer non plus que les écrits d’Ibn Taymiyya justifient tous les crimes abominables commis au nom de Dieu. Comment peut-il oser réhabiliter et blanchir l’auteur du livre arabe al-Sarem al-Masloul ala chatim al-rassoul (الصارم المسلول على شاتم الرسول), l’épée brandie à la face de celui qui insulte le Prophète ? Un ouvrage de référence chez tous les islamistes, notamment dans la frange terroriste qui a préparé et perpétré l’attentat contre Charlie Hebdo[236] et contre le journaliste jordanien Nahed Hattar (ناهض حتر)[237]. Un livre qui appelle à tuer toute personne ayant insulté le Prophète[238].
On pourrait m’objecter que la littérature d’Ibn Taymiyya, cheikh al-islam (شيخ الإسلام) comme on le surnomme dans le milieu sunnite, ne devrait pas être résumée à cela. Mais peut-on faire du tri sélectif en vue de valider et blanchir des passages des carnets d’Adolf Hitler ou dans la littérature collaborationniste sous Vichy ? N’a-t-on pas assisté à une levée de boucliers lorsque Macron avait songé un temps à rendre hommage[239] au Maréchal Pétain aux Invalides malgré l’indignité nationale qui le frappait ?
Tareq Oubrou, lui-même, ne s’attaque-t-il pas à l’héritage philosophique de Martin Heidegger, sur fond de soupçons d’antisémitisme, suite à la publication des Cahiers noirs qui font débat ? Voici ce qu’il écrit à ce sujet à la page 203 : «si le nazisme politique fut battu en brèche, il n’est pas dit que son aspect intellectuel et philosophique ait complètement disparu. Il existe de façon sournoise dans l’ontologie totalitaire conservatrice et antisémite d’une philosophie ésotérique comme celle de Heidegger. Cet antisémitisme pourrait être recyclé. Le pire est peut-être ce vieux serpent de mer.»[240] Si l’antisémitisme supposé du philosophe allemand divise les intellectuels[241], y compris juifs[242], celui médiéval d’Ibn Taymiyya est plus cru et plus tranché. Et pourtant Tareq Oubrou n’en dit mot et consent. Décidément, le chameau ne voit jamais sa bosse.
Vrai sens de la réconciliation
A ce stade, on peut déjà confirmer sans risque d’être contredit que cet «Appel à la réconciliation !», que signe Tareq Oubrou chez Plon, n’est pas destiné en priorité au lectorat français. En effet, au vu des références sunnites qu’il cite et d’autres références salafistes moyenâgeuses qu’il réhabilite, il est plutôt destiné en premier lieu à la famille islamiste sunnite et à ses différentes ramifications visibles et souterraines pour l’appeler à faire corps, à oublier les divergences d’hier et à s’unir pour peser politiquement face à un pouvoir qui ne sait toujours pas comment prendre le taureau islamiste par les cornes, ni comment tenir le loup frérosalafiste par les oreilles.
Récemment, Tareq Oubrou a déclaré au Monde des religions, dans le cadre de la promotion de son livre, qu’en vue de l’édification «d’une doctrine musulmane en Occident»[243], pas uniquement en France comme le laissaient entendre ce chantre du prétendu «islam français» et ses alliés de l’Institut Montaigne qui l’aident à atteindre son but, il faut «transformer les imams à travers ce produit théologique qu’est mon livre»[244], avant de rajouter qu’il a «lancé des initiatives pour réunir [les imams]»[245]. Jugeant cette tâche difficile à cause de la présence d’ «écoles différentes»[246], il espère néanmoins parvenir à les «rassembler autour d’une charte commune dans laquelle chacun puisse se reconnaître.»[247] Ce qui expliquerait sa tendance à faire des écarts intenables à tout va, tel le jésuite espagnol médiéval Antonio Escobar y Mendoza (1589-1669), et à se contredire presque à chaque page, par manque de cohérence structurée et de rigueur structurante. «Nul ne peut servir deux maîtres … vous ne pouvez servir Dieu et Mammon», dit l’Evangile.
A force de vouloir charmer tout le monde islamiste et orthodoxe pour en faire une force unitaire dressée debout face à la République laïque, fréristes à côté de salafistes, soufis à côté de traditionnalistes, héritiers de Ghâzâli à côté des adeptes d’Ibn Taymiyya, fidèles de Qaradawi à côté des disciples d’Ibn Abdelwahhab (محمد بن عبد الوهاب), on finit par écrire n’importe quoi et par mélanger pêle-mêle vérités et contre-vérités, à tel point que personne n’y comprend plus rien. Peut-être la confusion, à ce stade, est en soi un objectif de cette manœuvre, au point de faire douter ceux que Tareq Oubrou souhaite attirer dans son giron en obtenant leur adhésion tacite ou formelle.
De ce point de vue, son essai apparait comme un concentré de communication paradoxale. Les exemples y sont à la pelle. Alors qu’il dit dans un passage que «les pratiques [cultuelles] ne valident pas la foi»[248], comme pour draguer «l’orthodoxie sunnite majoritaire [qui] n’introduit pas la pratique [cultuelle] dans la définition de la foi»[249], il confesse, publiquement, en même temps, qu’il a «toujours dit à [sa] communauté musulmane que celui qui fait ses cinq prières et qui mange du porc, boit du vin, vit une sexualité extraconjugale et tout autres types de négligences, tant qu’il ne nuit pas à autrui, est plus proche de Dieu canoniquement qu’un musulman chaste, qui ne boit pas de vin, ne mange pas de porc, mais qui ne fait pas ses cinq prières.»[250] Histoire de s’assurer l’illusion d’une admiration incertaine de l’aile radicale du sunnisme qui considère la pratique des cinq prières comme étant l’alpha et l’oméga de l’islam, fidèlement à des hadiths attribués au Prophète, excommuniant toute personne ne faisant pas ses prières et appelant même à le combattre.
Sans sommation, Tareq Oubrou charge les chrétiens
Derrière cette cible islamiste prioritaire se dessinent à l’horizon d’autres cibles secondaires de son «appel à la réconciliation !» : les chrétiens, les juifs et l’Etat. Toujours avec ce même procédé de communication paradoxale, sous couvert de «complexité», chère à Edgar Morin, Tareq Oubrou tente de rallier à la cause des siens ces cibles secondaires, mais sans pour autant prendre le moindre risque de perdre le soutien de sa première cible fondamentale, les islamistes, qu’il ne cesse de rassurer. Alors qu’il multiplie les citations issues du référent chrétien, en se montrant par pragmatisme plutôt en phase avec la tradition jésuite et sa casuistique, et plutôt distant de la tradition janséniste et sa rigueur morale – le Pape François tout comme le président Macron étant des jésuites – il ne peut s’empêcher de tacler le christianisme et l’image même de Jésus.
La journaliste Anne-Bénédicte Hoffner, du journal La Croix (un journal qui a largement contribué à l’ascension médiatique de Tareq Oubrou et de ses comparses comme on peut le constater par une simple recherche[251]), que l’on ne peut soupçonner d’être hostile à Tareq Oubrou, du fait qu’elle a participé elle-même à la fabrique de sa stature d’imam, semble désormais endurer un dur réveil. Elle a publié le 24 juin 2019 un article très critique au sujet de l’essai attribué à Tareq Oubrou. Elle lui reproche de desservir le projet «réconciliateur» par de nombreux passages et par «d’incessantes attaques – dit-elle – contre la Bible, Jésus, le christianisme, etc.»[252] Elle lui reproche de méconnaître le christianisme et les débats qui le traversent depuis le Moyen-âge. «Les rares auteurs chrétiens cités – dit-elle – ne dépassent jamais le Moyen Âge et s’inscrivent généralement dans le contexte des polémiques avec l’islam. Jamais les interprétations actuelles des Écritures ne sont évoquées, au point que l’on se demande si l’auteur les connaît ou s’il a l’occasion d’échanger avec des chrétiens !»[253] C’est dit !
Sa tribune critique pointe aussi ce qu’elle appelle des «contre-vérités» en citant des passages où Tareq Oubrou s’attaque à «la guerre juste de Saint Augustin» et au dogme de «l’immaculée conception» concernant la vierge Marie. Quant à Jésus, Tareq Oubrou le mêle à l’idéologie des Frères musulmans, comme pour relativiser les pratiques intégristes de rupture très répandues chez ces derniers, quant il écrit : «Le mot d’ordre de certains mouvements islamistes était le même que celui de Jésus, mais pris à la lettre : «Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.»»[254]
Déçu, le titre de l’article de Anne-Bénédicte Hoffner, «le paradoxal «appel à la réconciliation» de Tareq Oubrou»[255], résume à lui seul toute l’amertume produite par tant d’espoirs volatilisés. A-t-elle enfin compris que le salut de l’Eglise catholique et de tous les ordres cléricaux, y compris des Bernardins ou des Dominicains d’Alger, ne passe par aucune alliance tacite, même de circonstance, avec l’islamisme mais qu’elle nécessite plutôt la protection du socle laïque tel que défini par la loi 1905 et ses dispositions qui ont su pacifier le champ public et libérer l’individu de l’emprise religieuse ? Les Coptes d’Égypte comme les catholiques du Sri Lanka, victimes de l’islamisme qui tue, peuvent en témoigner. Anne-Bénédicte Hoffner a-t-elle enfin ouvert les yeux ?
Par ailleurs, Tareq Oubrou ne se limite pas à ces attaques que cite le journal La Croix. Au fil des pages, il semble vouloir sacrifier le christianisme sur l’autel du projet frérosalafiste. Comme pour mettre du sel sur la plaie, il s’attaque à la laïcité en pointant du doigt le catholicisme. Impatient d’en finir avec le modèle français, il regrette que la laïcité française et «à dominante culturelle catholique : une «catho-laïcité»»[256]. Tout au long d’un paragraphe[257] consacré à la loi 1905, il considère que celle-ci favorise le catholicisme et son patrimoine mobilier par des subventions, des indemnisations et des défiscalisations et compare la France aux États-Unis, notamment au sujet des subventions de l’enseignement privé. Il conclut que les États-Unis «sont plus «laïques» que la France.»[258]
Constatant certainement que tous les indicateurs de la déchristianisation[259] de la société française sont au rouge écarlate, contrairement à ceux de l’islamisation rampante (comme le démontrent les statistiques présentées et analysées par Jérôme Fourquet dans L’archipel français), le [toujours] salarié des Frères musulmans dans une mosquée à Bordeaux multiplie les attaques contre les chrétiens en empruntant des chemins bas. Tentant de disculper l’islamisme de tout antisémitisme systémique, histoire de neutraliser en amont toute critique exprimée en interne de sa mouvance, il pointe plutôt ce qu’il appelle «l’antisémitisme chrétien, notamment catholique, [qui] s’est estompé, tout du moins en public»[260] dit-il, sous-entendant qu’il ne le serait pas totalement.
Quand il évoque les Protocoles des Sages de Sion, il dit que c’est «un mystique chrétien orthodoxe, Serge Alexandrovitch Nilus, [qui] a concocté Les Protocoles des Sages de Sion en s’attaquant aux juifs et en les accusant d’être derrière la révolution bolchevique.»[261] Quant à la traduction de ces protocoles en arabe, il pointe la responsabilité des chrétiens. «Les traducteurs [des Protocoles des Sages de Sion] étaient pour la plupart des Arabes catholiques, des maronites ou des membres des autres Eglises uniates.»[262] Et les versets instrumentalisés comme d’autres hadiths cités par les islamistes pour doper leur propagande antisémite ?
Là, ce serait la Bible qui en serait responsable. «On peut trouver dans le Coran des critiques très sévères, voire violentes à l’égard des enfants d’Israël (banû isrâ’îl). On remarque cependant que ces versets coraniques reprennent des versets de la Bible elle-même.»[263] Ailleurs, il écrit : «si le Coran était antisémite, alors la Bible le serait tout autant. Le Coran ne fait que reprendre les paroles de la Bible, étant inscrit dans la continuité de celle-ci. »[264] Le lecteur comprendra que pour Tareq Oubrou, l’antisémitisme serait fondamentalement chrétien.
Tareq Oubrou assume-t-il l’antisémitisme d’Ibn Taymiyya, son maître ?
On remarque aussi que quand il parle du traitement des Hébreux dans le Livre saint des musulmans, il cite à la page 220 un passage[265] émaillé de pointillés, […], comme pour en adoucir le propos. Alors qu’il lui suffirait de renvoyer ce texte à son historicité, au sens comme le dit un verset qu’«une telle génération a disparu. A elle ce qu’elle a acquis et à vous ce que vous avez acquis. Vous n’aurez donc nullement à répondre de leurs actes»[266]. Au contraire, il choisit plutôt la dissimulation textuelle. D’ailleurs, on a vu comment il a justifié l’usage du mensonge et a plaidé dans de longues pages en faveur d’une morale accessoire volatile et à géométrie variable. Pour évoquer dans son huitième chapitre la question de l’antisémitisme, il souligne «qu’une réconciliation fait appel à un dire-vrai, il en va de même pour ce sujet au caractère sensible.»[267] Mais, n’a-t-il pas dit aussi que «le pire qui nous guette n’est peut-être pas le mensonge simple, ni même celui de la diplomatie, voué à confondre l’adversaire, mais un certain «dire-vrai».»[268] ? Qui croire, Oubrou des pages précédentes ou Tareq de la page 213 ?
Ainsi, pour démontrer «à quel point l’islam ne peut être qualifié de religion génératrice d’antisémitisme»[269], il avance un argument qui dessert, en réalité, ce qu’il veut démontrer. «Le Prophète – dit-il – a recommandé au musulman de jeûner le jour où Dieu sauva Moïse et son peuple de Pharaon, et qui correspond au dixième jour (‘achoura) du premier mois selon le calendrier lunaire.»[270] Une pratique (cultuelle) défendue ardemment par un certain Ibn Taymiyya, arguments antisémites à l’appui[271], alors même qu’il n’est même pas établi, au vu des contes contradictoires, que le Prophète lui-même l’aurait fait de son vivant. A supposer que ce conte soit véridique, ce que Tareq Oubrou ne dit pas, c’est que les sunnites orthodoxes jeûnent aussi le neuvième jour de ce mois, partant d’un dogme bien ancré chez eux : «la dissemblance avec les juifs» (مخالفة اليهود). Dans leur psyché, il n’est point question de ressembler aux juifs, à quelques exceptions près, dont entre autres la circoncision.
Celui qui a le plus théorisé ce dogme interdisant toute ressemblance avec les juifs est Ibn Taymiyya. Dans son ouvrage précité, Emprunter le droit chemin pour se distinguer des gens de l’Enfer, il a consacré de nombreux chapitres à ce sujet. Ici, un chapitre consacré à «la mécréance des juifs» (كفر اليهود). On tourne les pages, on tombe sur un autre chapitre «Ordre [aux musulmans] de recolorer les cheveux gris par dissemblance avec les juifs» (الأمر بتغيير الشيب مخالفة لليهود). Un peu plus loin, «Jeuner le jour d’Achoura et un jour avant ou un jour après par dissemblance avec les juifs» (صيام يوم عاشوراء و يوما قبله أو يوما بعده مخالفة لليهود). Un autre chapitre ordonne aux musulmans, toujours par «dissemblance avec les juifs», de manger avec leurs femmes et ne pas les abandonner seules dans les foyers lorsqu’elles ont leurs règles (الأمر بمؤاكلة الحائض و الاجتماع بها في البيوت مخالفة لليهود). Un autre déconseille aux musulmans de faire pareil que les juifs et les chrétiens pour exprimer par un geste les salutations (النهي عن التشبه باليهود و النصارى في إشارة السلام). Un autre explique que «juifs et chrétiens ont mérité d’être maudits parce qu’ils ont pris les tombes de leurs prophètes pour des lieux de prière», dit-il, (استحق اليهود و النصارى اللعنة لاتخاذ قبور أنبيائهم مساجد). Tareq Oubrou, le blanchisseur d’Ibn Taymiyya, assume-t-il cette part foncièrement antisémite de son maître ? Simple question.
Par ailleurs, si les juifs jeûnent le dixième jour, les sunnites orthodoxes, eux, jeûnent et le neuvième et le dixième jour conformément à la recommandation antisémite de leurs ancêtres. Aussi, puisque rien n’établit que les juifs jeûnaient et jeûnent[272] toujours le dixième jour, ‘Achoura (عاشوراء), du premier mois lunaire, comme le font les sunnites orthodoxes depuis les Omeyyades (الأمويون), cet argument tombe à l’eau. Chez les chiites (الشيعة), ce jour commémore plutôt l’assassinat d’al-Hussein Ibn Ali (الحسين بن علي), le petit-fils du Prophète, par les Omeyyades[273]. Le jeûne n’aurait peut-être aucun lien avec le sauvetage des juifs au temps de Moïse. Il aurait tout à voir avec la victoire définitive de l’islam politique sunnite sur l’islam politique chiite à Karbala (كربلاء), le jour de l’assassinat d’al-Hussein. De nombreuses études comparatives, faites par des universitaires, déconstruisent ce mythe d’Achoura et le replacent sur un autre registre lié notamment aux conditions de la fabrication du texte religieux à des fins politiques. Dans ce sens, les travaux de l’universitaire marocain Mostapha Bouhendi (مصطفى بوهندي), pour ne citer que lui, sont éclairants[274].
L’antisémitisme est le fils aîné de l’islamisme
Evidemment, il y a un antisémitisme musulman qui n’est pas nécessairement le fruit, le fait ou l’effet du Livre saint des musulmans. Si ce dernier a bel et bien consacré de nombreux versets pour évoquer les israélites de l’époque de Moïse, de l’époque de Jésus et ceux contemporains du Prophète à Médine, il ne parle ni des juifs de Paris, ni de ceux de Fès, ni de ceux d’Anvers, ni de ceux de Tel-Aviv. Comme il a critiqué des comportements des musulmans eux-mêmes dans une démarche éducative, il a critiqué aussi et a mis en évidence, afin de formuler des leçons de morale, des comportements divers et variés des juifs et des chrétiens face aux Ecritures, en pointant du doigt l’instrumentalisation de la foi par des religieux, par des institutions religieuses rabbiniques et ecclésiastiques, à des fins autres que spirituelles. Cela ferait-il de ce Livre un ouvrage antisémite ? Ma réponse est non.
Toutefois, le Livre saint des musulmans n’essentialise jamais ceux qu’il critique et renvoie chacun à sa responsabilité individuelle et chaque génération à sa propre histoire. La vérité, c’est qu’à côté du Livre saint des musulmans, l’islamisme conquérant, l’islam politique, depuis au moins le troisième calife, après la mort du Prophète, dans une volonté politique visant à légitimer ses conquêtes, ses atrocités et ses guerres, a mis en place un autre corpus textuel composé d’autres récits, d’autres contes, les hadiths, qui constituent la matrice centrale du sunnisme politique.
Dans cette matrice, la haine du juif, parce qu’il est juif, est un acte de foi qui appelle au quotidien à l’observance de nombreux rites, fidèlement au dogme de «dissemblance avec les juifs» défendu par Ibn Taymiyya, comme on l’a vu ci-dessus. Pis, bien des hadiths dits authentiques, attribués au Prophète, prônent le jihad armé permanent contre les juifs et font de la victoire des musulmans sur les juifs un signe eschatologique : «Ne viendra l’Heure [de la résurrection] que lorsque vous combattez les juifs, que lorsque la pierre derrière laquelle se cache le juif crie : «Musulman ! Voici un juif derrière-moi, tue-le !»[275].
En 2003, Tareq Oubrou, reconnaissait lui-même que la communauté musulmane est «parfois enfermée dans une vision judéophobique, et stigmatisée comme telle»[276]. A l’époque, on avait à peine commencé à construire sa stature médiatique. Son voyage à Auschwitz à côté du prêtre palestinien Emile Shoufani, s’inscrivait aussi dans cette démarche de réhabilitation à dessein de l’image des Frères musulmans à travers des initiatives factices, que j’ai vécues de l’intérieur, menées par sa dénommée «école de Bordeaux», au moment où l’Etat français avait «intégré les intégristes» de l’UOIF au sein du CFCM. Au moment où l’UOIF avait créé son premier lycée islamiste à Lille-sud : Lycée Averroès. L’idée était de démontrer, le temps d’un voyage, que l’on peut bien être islamiste, Frère musulman, et en même temps, être sensible à la douleur des juifs et partager leur mémoire. Ce qui est un leurre. Totalement. Car l’idéologie islamiste est antisémite et judéophobe par essence. Toutefois, pour attirer les regards des français juifs et de leurs institutions représentatives, Tareq Oubrou adaptait son discours et multipliait les gestes.
Les islamistes d’Hitler
En revanche, depuis 2003, au moins, jusqu’en 2019, son discours, lui, est resté ambivalent, privilégiant le déni plutôt que la vérité. En 2003, il disait déjà que «la Shoah s’est produite à un moment où les musulmans n’étaient pas encore présents en Europe»[277]. Un mensonge. Aujourd’hui, il défend cette même idée lorsqu’il confirme «l’islam ne peut être qualifié de religion génératrice d’antisémitisme»[278] sans que l’on sache de quel islam il parle. Circulez y a rien à voir ? Ce n’est pourtant pas l’avis de l’historien David Motadel dans son ouvrage remarquable Les musulmans et la machine de guerre nazie[279], paru en 2014 pour la première fois aux éditions Harvard University Press sous le titre : Islam and Nazi Germany’s War. Un démenti historique factuel qui déconstruit méthodiquement la propagande disculpant l’islam politique et le frérosalafisme de toute responsabilité, durant les heures sombres du siècle dernier, sous le patronage direct du Troisième Reich.
Contrairement à Tareq Oubrou qui souligne l’absence en Europe des musulmans au moment de la Shoah, l’historien David Motadel éclaire ce qu’il appelle le «moment musulman de Berlin»[280] que l’Allemagne nazie a connu durant la seconde guerre mondiale et un peu avant. S’appuyant sur «des sources issues de plus de trente archives locales et nationales distinctes, avec des collections à Berlin, Fribourg, Coblence, Francfort, Munich, Stuttgart, Cologne, Bonn, Leipzig, Vienne, Washington, Londres, Paris, Moscou, Varsovie, Prague, Riga, Simferopol, Zagreb, Sarajevo, Tiran et Téhéran, et des documents en allemand, anglais, français, bosniaque (serbo-croate), albanais, arabe, perse et tatar»[281], ce document historique démontre comment l’idéologie nazie s’est appuyée sur l’idéologie de l’islam politique (le panislamisme) et sur des islamistes notoires pour répandre sa propagande antisémite en Europe et au-delà, dans le monde arabe.
On découvre le rôle de «l’imam Alimjan Idris»[282] (عالم جان إدريس), originaire d’Asie centrale, qui, après avoir été employé pendant la première Guerre mondiale, dans «les camps des prisonniers musulmans de Wünsdorf et Zossen»[283], dans le rôle d’aumônier des prisons sans doute, s’est impliqué dans la «section orientale des programmes de propagande étrangère». Comme il était polyglotte, les Allemands lui avaient même «commandé une traduction en perse de Mein Kampf»[284]. Antisémite confirmé, cet imam avait envoyé en 1933, depuis Berlin, une lettre comportant trois questions à l’adresse de Rachid Rida (رشيد رضا), salafiste occidentophobe et inspirateur du fondateur des Frères musulmans[285], au sujet des juifs, entre autres.
Ladite lettre a été publiée par le même Rachid Rida sur les pages de sa revue al-Manar (المنار), dans «laquelle il décrivait les juifs comme corrompus, méprisables et repoussants, et où il demandait son opinion à Rida sur les passages contradictoires du Coran concernant les juifs.»[286] La réponse en arabe[287] de Rachid Rida se passe de tout commentaire, évidemment, tant elle recycle les standards nauséabonds de l’idéologie islamiste au sujet des juifs pour justifier et soutenir formellement l’action de l’Allemagne nazie. Rachid Rida rappelle en conclusion de sa réponse ce hadith, d’inspiration divine dirait Tareq Oubrou : «Les juifs vous combattront mais vous les vaincrez au point que la pierre et l’arbre derrière lesquels [se cache un juif] crieront : «Ô musulman ! Voici un juif caché derrière-moi, viens le tuer !»[288]
L’historien David Motadel cite d’autres personnes ayant collaboré avec le régime d’Hitler à l’image du journaliste soudanais Kamal Al-Din Galal[289] (كمال الدين جلال), de Hassan Abou Al-Suud[290] (حسن أبو السعود), Abd Al-Halim Al-Naggar[291] (عبد الحليم النجار) et Mohammed Safty[292] (محمد الصفتي). Tous deux dirigeaient «l’Institut islamique centrale, qui devint un foyer de la propagande islamique allemande.»[293] Ce centre fut inauguré le 18 décembre 1942 dans «un bâtiment officielle de la Luftwaffe»[294], l’armée de l’air nazie. Le discours inaugural de ce centre islamiste fut prononcé par le «prétentieux»[295] mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini (أمين الحسيني) qui fut reçu à la Chancellerie du Nouveau Reich à Berlin, un an plutôt, le 28 novembre 1941, par Hitler en personne[296]. Dans ce discours inaugural, Amin al-Husseini attribua la responsabilité de la Seconde Guerre au «judaïsme mondial»[297]. Il dit clairement que cette guerre offre aux musulmans une rare occasion pour se débarrasser des juifs, «les ennemis, dit-il, les plus cruels des musulmans, qui depuis les temps les plus reculés leur ont témoigné de l’inimitié et se sont constamment montrés perfides et rusés»[298].
Un mufti, un prétendu grand imam, essaye toujours d’instrumentaliser les Textes religieux pour légitimer son avis. Celui de Jérusalem ne fit pas exception. «Dans le saint Coran et le récit de la vie du Prophète – dit-il – on voit partout la preuve de la veulerie des juifs, de leur malveillance, de leur duplicité et de leur traîtrise, ce qui suffit tout à fait à mettre les musulmans en garde contre la grave menace qu’ils constituent constamment pour eux, dont ils sont les ennemis jusqu’à la fin des temps. Tels les juifs ont été au temps du grand Prophète, tels ils sont restés à travers les âges : sournois et pleins de haine à l’égard des musulmans, dès qu’une occasion leur en est offerte.»[299] Après que ce discours eut reçu l’approbation[300] de Joachim von Ribbentrop, ministre des affaires étrangères sous le Troisième Reich, «il fut diffusé dans toute l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient»[301]. Ce même discours a été repris et largement diffusé par l’organe du parti nazi et des journaux nationaux et locaux[302].
Tareq Oubrou peut toujours clamer que «la Shoah s’est produite à un moment où les musulmans n’étaient pas encore présents en Europe»[303], aucun fait historique n’accrédite sa thèse. Au contraire, des musulmans et des Frères musulmans ont bel et bien alimenté la machine nazie par des discours haineux et des publications résolument antisémites. Islam, judaïsme et bolchevisme fut publié en Allemagne en 1938. Son auteur s’appelle Mohamed Sabry, un Frère musulman égyptien installé à Berlin[304]. Il considérait que «la mentalité juive a créé le bolchevisme, et le bolchevisme est le vecteur de la mentalité juive. Fait par les juifs, dirigé par les juifs, le bolchevisme est par conséquent l’ennemi naturel de l’islam.»[305]
Aussi, le journaliste soudanais précité, Kamal Al-Din Galal, dirigeait depuis Berlin et sous financement des nazis la revue Barid Al-Chark (بريد الشرق), le Courrier de l’Orient, qui a publié «au cours de la guerre cinquante-cinq numéros»[306] distribués, entre autres, en Afrique du Nord ! Une revue qui consacrait ses colonnes à la propagande nazie et aux discours antisémites et jihadistes du mufti de Jérusalem Amin al-Husseini, de l’islamiste libanais Chakib Arslan (شكيب أرسلان) et du directeur d’Al-Azhar, l’Egyptien Mohammed Moustafa Al-Maraghi (محمد مصطفى المراغي)[307]. La propagande nazie qui retransmettait l’appel jihadiste du 1er mars 1944 du mufti de Jérusalem, «Tuez les juifs où que vous les trouviez, pour l’amour de Dieu, de l’histoire et de la religion !»[308], n’a pas compté que sur les plumes des panislamistes, Frères musulmans ou assimilés, mais aussi sur leurs voix radiophoniques.
Ainsi, si Radio Berlin [Arabe] a pu compter, par exemple, sur la voix du journaliste irakien Younous Bahri (يونس صالح بحري الجبوري[309]), son «principal présentateur»[310] lit-on pour s’adresser aux populations arabes du Moyen-Orient, elle a recruté le Marocain du Rif, Mohammed Bouzid, qui en 1943 avait réalisé un reportage où «l’on pouvait entendre des travailleurs musulmans sur la côte atlantique faire l’éloge de Hitler.»[311] Il y avait aussi l’islamiste marocain Mohammed Taqi Al-Din Al-Hilali (محمد تقي الدين الهلالي). Ce «disciple de Rachid Rida»[312], écrit David Motadel, «avait rejoint Radio Berlin sur la recommandation de Richard Hartmann et d’autres orientalistes»[313] et était devenu très vite «l’un des agitateurs arabes les plus en vue de Radio Berlin.»[314] Quelques temps après la guerre, il s’est rapproché de l’Arabie Saoudite et fut missionné pour propager le wahhabisme dans les mosquées de Casablanca au Maroc.
Les musulmans de la liberté
Cela étant dit, la propagande nazie en toutes les langues, facilitée par les islamistes, n’a eu qu’un succès très limité et n’a pas séduit globalement les populations musulmanes ni au Mashreq, ni au Maghreb. L’historien David Motadel cite le propos d’un représentant de la Grande-Bretagne en Syrie qui expliquait que les programmes allemands «donnent aux extrémistes tout ce qu’il leur faut pour encourager les éléments fanatiques [mais] ils sont ridiculisés dans les quartiers modérés.»[315] L’historien, qui mentionne par ailleurs l’engagement de soldats musulmans nord-africains dans les rangs des forces alliés pour libérer l’Europe, mis aussi en perspective la réaction du Sultan du Maroc, Mohammed V (محمد الخامس), qui rejetait toute «définition raciale de la judéité»[316] et qui avait refusé d’appliquer à ses sujets juifs «les lois antijuives promulguées par le gouvernement de Vichy.»[317] Le Maroc étant à cette époque sous le régime du Protectorat français (نظام الحماية الفرنسية).
L’historien mentionne aussi la réaction de dignitaires musulmans algériens, tunisiens et libyens qui étaient plutôt solidaires de la minorité juive et précise toutefois qu’«il est difficile de parvenir à des conclusions tranchées concernant la réception dans la région de la propagande religieuse allemande.»[318] Quant aux réactions des populations musulmanes, elles furent diverses, comme en France et en Europe. Il y avait certes des collabos qui cherchaient «à tirer profit de la situation»[319], mais il y avait aussi ceux qui restaient indifférents et d’autres qui «manifestaient de la sympathie pour les juifs.»[320]
A la lecture de ce document historique fort éclairant, on remarque que cette période sombre de l’humanité ressemble à bien des égards à la nôtre. Quasiment le même schéma sociologique est observé : D’un côté, une majorité musulmane silencieuse qui ne fait pas de sa foi, de son islam, une arme de guerre idéologique et politique, et dont les réactions diverses et variées ressemblent fortement à celles d’autres populations. Et de l’autre côté, une infime minorité islamiste agissante et agitée qui a collaboré avec les nazis pour exterminer les juifs. A la page 119, en prenant le seul cas de l’Egypte, on comprend mieux le sens de cette dichotomie sociologique. D’un côté, il y a des musulmans et des oulémas traditionnels qui «restaient tranquilles»[321]. De l’autre côté, il y a les Frères musulmans, soutenus financièrement en 1930 par la «légation allemande au Caire»[322] et qui, pendant la guerre, «exprimaient de la sympathie pour l’Axe»[323]. On apprend que des Frères musulmans «avaient même distribué des tracts favorables à l’Axe au moment où les troupes de Rommel marchaient sur le Caire.»[324]
Le festin du collabo Amin al-Husseini à la mosquée de Paris
Le rôle d’Hassan al-Banna à l’ombre des forces nazies était surveillé de très près par les Britanniques. Sa maison fut fouillée par les forces de sécurité à la recherche de tracts, et lui, placé en garde à vue[325]. Les rapports britanniques de l’époque décrivaient sa mouvance islamiste, les Frères musulmans, comme étant «un danger potentiel qui ne peut être négligé.»[326] Hassan al-Banna fait parler de lui à la page 304 de ce document. En effet, sa menace semble avoir été déterminante pour la libération du collabo palestinien Amin al-Husseini, le mufti de Jérusalem après la guerre. On apprend qu’Hassan al-Banna avait envoyé à Miles Lampson, ambassadeur britannique en Egypte et au Soudan de 1936 à 1946, et à travers lui aux Alliés, une pétition, parmi tant d’autres, «demandant le retour d’al-Husseini au Moyen-Orient»[327]. Ce dernier fut libéré alors qu’il devait «comparaitre comme criminel de guerre». L’historien David Motadel explique cette libération par la crainte des Alliés de «provoquer des émeutes parmi les musulmans» en cas de procès. «Tandis qu’Hitler se lamentait dans son bunker à propos de l’islam, al-Husseini faisait ses valises»[328], écrit David Motadel.
Le 7 mai 1945, la veille de la capitulation des nazis, Amin al-Husseini quitta l’Allemagne par la porte Suisse. Ensuite, il fut remis aux autorités françaises qui lui ont offert un accueil au sein d’une villa à Saint-Maur-des-Faussés, située à douze kilomètres de la Place du Puits de l’Ermite, dans le Vème arrondissement, où se trouve la Grande Mosquée de Paris (مسجد باريس). Et c’est au sein même de cette mosquée, que le mufti de Jérusalem a reçu «un accueil chaleureux»[329] par le recteur de l’époque, Si Kaddour Benghabrit (السي قدور بن غبريط), lors d’un festin à l’occasion de l’Aïd, en présence «de nombreux diplomates musulmans»[330] !
On peut s’étonner de cet «accueil chaleureux» d’un criminel de guerre au sein d’un lieu de culte musulman hautement symbolique. Mais l’étonnement se dissipe peu à peu quand on apprend que «les représentants de l’Allemagne à Paris soutenaient [le recteur] Si Kaddour Benghabrit et tentèrent à plusieurs reprises d’utiliser la mosquée à des fins propagandistes.»[331] L’interrogation reste entière : quel rôle jouait la Grande Mosquée de Paris sous Vichy ? Fournissait-elle vraiment «à des juifs des certificats leur permettant de passer pour musulmans» comme semble le confirmer «une lettre des autorités de Vichy datée du 24 septembre 1940»[332] ? Protégeait-elle les juifs de la déportation ?
L’historien David Motadel a ce sujet semble dubitatif: «après la guerre certains affirmèrent que la mosquée avait protégé des centaines de juifs, mais jusqu’à ce jour aucun document d’époque n’est venu confirmer ces récits.»[333] La réception festive du mufti de Jérusalem au lendemain de la guerre, au sein de cette même mosquée, rend légitimes toutes ces interrogations. Peut-on partager un repas avec un criminel de guerre ? Ce dernier quitta la France le 28 mai 1946 à bord d’un avion qui l’emmena au Caire[334] pour trouver refuge chez les Frères musulmans, chez Hassan al-Banna.
Vétérans des nazis, jihadistes de la CIA
Contrairement à ce qu’affirment les escobarderies de Tareq Oubrou, il existe des liens entre islamisme et nazisme. L’antisémitisme religieux ancestral de l’un a nourri et amplifié la propagande antisémite de l’autre. Certes, il s’agit évidemment d’une minorité agissante et structurée qui a servi Hitler pendant la guerre, mais c’est cette même minorité qui va ensuite déclarer le jihad armé contre les juifs en Israël, derrière le mufti de Jérusalem et les Frères musulmans d’Hassan al-Banna. Les vétérans islamistes de cette époque, formés à l’art de la propagande SS, ont servi par la suite les intérêts américains et britanniques en Europe et durant toute la période de la guerre froide contre l’URSS. L’épilogue de Les musulmans et la machine de guerre nazie établit des liens factuels et incroyables entre l’héritage de ces vétérans et le rôle que va jouer l’alliance des Frères musulmans et des wahhabites, au moins jusqu’au 11 septembre 2001.
David Motadel explique comment les Américains ont ensuite instrumentalisé et financé, dès les années 1950, les réseaux islamistes qui ont collaboré avec le nazisme, en particulier les réseaux fréristes en Allemagne et en Suisse, pour contrer le communisme soviétique ainsi que le régime panarabiste laïque de Nasser (جمال عبد الناصر), particulièrement en Egypte. Il revient par exemple sur l’installation à Cologne et puis à Genève de Saïd Ramadan (سعيد رمضان), le gendre d’Hassan al-Banna et le père de Hani et de Tariq Ramadan qui «entretenait [des liens] avec des services secrets américains»[335] et qui, le 23 septembre 1953, fut reçu «par le président Eisenhower à la Maison Blanche»[336], présenté dans l’agenda du président au titre de « l’honorable Saïd Ramadan, délégué des Frères musulmans»[337].
Quant au mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, il fut recyclé par le régime wahhabite à côté du Frère musulman Saïd Ramadan ainsi que du mufti de l’Arabie Saoudite, pour fonder la fameuse Ligue Islamique Mondiale[338] (رابطة العالم الإسلامي) en 1962 : l’alliance qui a scellé, pour des decennies, le pacte frérosalafiste. Il est question aussi, à la page 321, du théoricien du jihad global Sayyid Qotb (سيد قطب), de ses élèves Oussama Ben Laden et son mentor précité, le frériste palestinien Abdullah Azzam. L’historien éclaire particulièrement les circonstances de la rupture entre les Américains et le monstre islamiste qu’ils n’ont cessé de nourrir. Le parcours trouble d’un Frère musulman, nommé Ali Ghaleb Himmat (علي غالب همت), est mentionné depuis son installation en Allemagne jusqu’à sa citation dans la liste des suspects de l’attentat du 11 septembre, établie par les Nations Unies[339]. Ce dernier était vice-président de la banque al-Taqwa (بنك التقوى), rebaptisée Nada Management[340], l’argentier du réseau frérosalafiste d’Al-Qaïda.
David Motadel cite cette anecdote : lorsque les Talibans avaient pris le pouvoir en Afghanistan après la chute du Mur de Berlin et la défaite de l’ours soviétique, «on demanda à [Zbigniew] Brzezinski – conseiller de la sécurité nationale au temps de Jimmy Carter – lors d’une interview en 1998 si le fait d’avoir contribué à la formation d’une génération de fondamentalistes afghans dans les années 1980 avait été une erreur, il répondit froidement : « Qu’y a-t-il de plus important pour l’histoire mondiale ? Les talibans ou l’effondrement de l’empire soviétique ? Quelques musulmans enflammés ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ?»[341] Décidément, les dizaines de milliers de victimes de l’islamisme qui tue ne représente aux yeux de certains conseillers occidentaux qu’un détail de l’histoire.
La conclusion de ce livre d’histoire est sans appel : s’il est vrai que le nazisme a cherché, mais sans réelle réussite, à instrumentaliser l’islam politique à ses fins, il est loin d’être le seul à avoir emprunté ce chemin incertain. Toutes les puissances occidentales «ont cherché activement à instrumentaliser l’islam, que ce soit pour contrôler et pacifier les musulmans ou pour les mobiliser contre les ennemis»[342] dans des guerres par procuration. David Motadel explique que «la politique religieuse paraissait être le seul moyen de contrôler et de mobiliser les musulmans puisque, selon les responsables non musulmans, le musulman dévot ne reconnaissait qu’une seule autorité légitime, l’islam.»[343]
Reconnaître ce dernier, assurerait à ces responsables politiques une double collaboration active des islamistes. D’un côté, des islamistes aident des politiques en perte de repères démocratiques à régner le plus longtemps possible par la voie d’un soutien financier et logistique. De l’autre côté, ils maintiennent une majorité de la communauté de foi musulmane sous le joug d’une théologie politique taillée sur mesure, durant de nombreux siècles, pour entretenir la soumission par la terreur et empêcher toute émancipation de l’individu, du citoyen.
Le Troisième Reich l’a tenté. Les Américains et les Britanniques s’y sont donnés à cœur joie durant plus d’un demi-siècle. La France coloniale et postcoloniale n’a pas fait autre chose, jusqu’à intégrer des Frères musulmans de l’UOIF au sein du CFCM, à côté des barons de l’islam consulaire.
Il est minuit moins deux …
Emmanuel Macron s’apprêterait à leur remettre les clefs d’un «consistoire»[344] islamiste, emballées dans un papier testamentaire, rédigé à la veille de l’enterrement par petits coups de pioche de la loi de 1905, qui «n’est pas un texte sacré»[345] aux yeux de Tareq Oubrou[346]. Le dernier chapitre de «son» essai, intitulé «un modèle d’intégration républicaine en œuvre»[347], appelle à «réformer»[348] et à «rectifier»[349] la laïcité française qu’il juge «à dominante culturelle catholique»[350]. Se disant «pour un islam gallican»[351], comme si l’islam était un papisme, il s’appuie sur les travaux[352]-[353] du sociologue et historien Emile Poulat[354], au sujet de la laïcité, qui plaisent curieusement aux islamistes et à leurs compagnons de route[355]-[356]. D’ailleurs, c’est en citant Emile Poulat que Tareq Oubrou répète que la loi de 1905 «a été déjà aménagée ou modifiée cinquante fois, voire plus.»[357]
Tareq Oubrou plaide pour que son «consistoire» puisse être l’incarnation d’une quadruple démarcation, pour qu’il soit «légitime»[358] : «démarcation politique »[359] des pays d’origine, «démarcation canonique par rapport aux avis religieux issus d’une autre histoire, d’une autre géographie et d’une autre culture»[360] – alors qu’il fait reference lui-même au Ghâzâli et Ibn Taymiyya pour formuler son dit paradigme d’acculturation ! –, «démarcation idéologique, notamment par rapport aux mouvements politico-religieux»[361] et «démarcation financière»[362] des pays étrangers car, admet-il, «dépendre financièrement d’un pays musulman étranger peut influencer non seulement la gestion administrative de l’organisation du culte, mais aussi son orientation théologique et canonique.»[363] C’est exactement l’une des conclusions du livre enquête Qatar Papers : comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe[364] (Michel Lafon – 2019). Attention tout de même, Tareq Oubrou tient à préciser qu’une «démarcation n’est pas une rupture, mais une juste distance bien gardée»[365], à dessein.
En réchauffant ce vieux plat indigeste, toujours à la sauce frérosalafiste, pour instrumentaliser encore une fois l’islam et contrôler, par son biais, les citoyens musulmans d’ici et des pays arabes de l’autre rive méditerranéenne, conformément aux préconisations de l’Institut Montaigne concernant à la fois son «islam français»[366] et sa nouvelle «politique arabe de la France»[367], il est dramatique, d’un point de vue démocratique, de voir le président Emmanuel Macron s’entêter mordicus, comme s’il était sous pression de puissances étrangères favorables à l’islamisme qui lui font un chantage à la stabilité, pour opérer sur deux échelons distincts mais ô combien complémentaires : l’échelon national et l’échelon départemental. Nonobstant les agitations dans les coulisses, cela rend opérante une maxime chère à Tareq Oubrou, qui ne cesse de répéter à son entourage, tel un leitmotiv, penser global et agir local !
Ainsi, au niveau national, au risque de déstabiliser définitivement et irréversiblement les fragiles équilibres obtenus dans la douleur par la loi de 1905, la gestion de l’objet «islam» serait, à court et à moyen terme, mise entre les mains des Frères musulmans qui noyautent déjà les structures associatives conçues et préparées à cette fin – l’AMIF[368], son conseil théologique «casuiste»[369] de tutelle, dit «conseil des imams de France»[370], et ses annexes[371] – mises en place, officiellement, par l’islamiste francomarcoain Tareq Oubrou et le banquier francotunisien Hakim El-Karoui (حكيم القروي) : «monsieur islam» de l’Institut Montaigne, ce visiteur du soir du palais de la rue Faubourg Saint-honoré.
Au niveau départemental, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, sous patronage direct de l’Elysée, multiplie les gestes favorables aux Frères musulmans à tel point que l’on pourrait penser, à tort sans doute, que le principal motif de son maintien à son poste, après l’épisode catastrophique du maintien de l’ordre en marge des manifestations des Gilets Jaunes, serait d’aider les Frères musulmans à triompher sur les ruines de la laïcité. Il lui appartient de clarifier sa position.
A défaut, toutes les interpretations deviennent légitimes. Christophe Castaner, après avoir boudé le CFCM[372], comme pour le marginaliser et lui retirer le tapis de prière sous les pieds, préfère s’afficher publiquement, sur le terrain concordataire, à côté de fréristes notoires[373]. Un peu à l’image d’Emmanuel Macron qui n’a rien trouvé de mieux à faire ce lundi 7 janvier 2019 que de recevoir à l’Elysée les représentants du CFCM[374], parmi lesquels des Frères musulmans, pour parler de la future «réforme» de la loi 1905. Etait-ce sa manière d’avoir une pensée pour les victimes des attentats du 7 janvier 2015 ?
Par ailleurs, peu de temps après, Christophe Castaner a envoyé une circulaire aux préfets leur demandant de faciliter «l’émergence d’instances départementales»[375] de l’islam. Une mesure qui, si elle est menée à son terme, comme on peut le craindre, bénéficiera à n’en point douter au maillage territorial frérosalafiste déjà installé, et qui a prouvé depuis plus de quarante ans sa dangerosité contre la cohésion sociale du pays, jusqu’à menacer sérieusement la République d’une sécession identitaire et culturelle fort probable, et non sans violences. Inutile de parler «reconquête républicaine» et de multiplier, en même temps, les actes favorisant les théoriciens de la rupture et les praticiens de la partition. A quoi servirait un tel bavardage dans la bouche de la macronie qui, de renoncement en compromission avec l’islamisme, a déjà perdu le Nord ?
Certains ont vu en la personne de Tareq Oubrou un futur «grand imam de France». Ils pensaient qu’il était «républicain», «progressiste», «libéral», «modéré», «rationaliste», «tolérant», «homme de dialogue», «humaniste», «réformateur», et que sais-je d’autre. Ils supposaient qu’il avait changé en le croyant sur parole, en lisant un communiqué de presse. Cependant, la vérité, sa vérité, est tout autre. L’essai qui lui est attribué le dévoile au grand jour avec ses mensonges, ses dissimulations, ses silences, ses escobarderies et ses approximations. Peut-on se revendiquer républicain et, en même temps, entretenir un désir mi-caché mi-flagrant de vouloir scier l’arbre laïque qui par ses racines et ses branches, son ombre et sa fraîcheur, protège la France et les Français ?
Loin de moi l’idée de m’autoproclamer donneur de leçons mais on conviendrait qu’un progressiste libéral ne réhabilite jamais l’héritage sulfureux d’Ibn Taymiyya. Un rationaliste avisé ne restaure jamais l’édifice takfiriste d’al-Ghazali, en espérant jouer sur les mots pour sauver la face et rassurer la meute. Un homme de dialogue et de non-violence cherche toujours les voies de la pacification sincère et sans calculs et ne laisse ouverte aucune voie qui pourrait conduire au recours aux armes. La réconciliation dans sa bouche n’est pas un vain mot pour la consommation médiatique. Elle peut avoir plusieurs sens mais jamais celui de la duperie et du mensonge.
Un homme de foi observe sa condition humaine à travers un Ciel dégagé, dans l’humilité de l’être, dans l’économie du paraître, et investit ses deux qualités jamais acquises totalement de manière désintéressée pour servir l’humain et non pour s’en servir. Un réformateur ne se prosterne jamais devant des idoles moyenâgeuses tels al-Bukhari, Abou Hourayra ou al-Shafi’î. Car la réforme est un dépassement permanent de soi. Une libération continue des jougs de la servitude. Toujours orientée vers l’horizon futur. Jamais une marche à reculons vers un passé idéalisé et momifié.
Il est minuit moins deux, si Emmanuel Macron persiste à vouloir introniser une autorité religieuse islamiste en France sur les vestiges d’une laïcité qu’il aurait lui-même affaiblie et ruinée. S’il veut impérativement mettre à sa tête Tareq Oubrou, l’escobar de l’islamisme, l’héritier du trio Shafi’î – Ghâzâli – Ibn Taymiyya, qui ont causé tant de mal, des siècles durant, au monde dit musulman, qu’il sache que cette supposée autorité ne représentera, in fine, que son désir jupitérien mais aucunement les citoyens français musulmans qui n’ont rien demandé. S’il doit nécessairement écouter Tareq Oubrou, et boire de ses «sagesses» sans limite, il y en a une qui me paraît d’une justesse incroyable et qu’il faut écouter : «vaut mieux gouverner les causes que les effets»[376]. Il sait de quoi il parle. La partie est désormais engagée.
Moi président devrait savoir qu’on ne peut imposer un tel schéma préconçu en espérant l’adhésion, voire la soumission, de tout un pan de la population au diktat islamiste. A force d’insister sur ce chemin, il réveille bien des consciences, et tant mieux, qui pensaient que la démocratie était un acquis pour toujours et non un combat de tous les jours. Elles s’organisent pour ne jamais se soumettre. En avril 1936, Stefan Zweig, comme s’il écrivait pour notre temps, concluait son magnifique Conscience contre violence, par ce passage : «C’est en vain que l’autorité pense avoir vaincu la pensée libre parce qu’elle l’a enchaînée. Avec chaque individu nouveau naît une conscience nouvelle, et il y’en aura toujours une pour se souvenir de son devoir moral et reprendre la lutte en faveur des droits inaliénables de l’homme et de l’humanité ; il se trouvera toujours un Castellion pour s’insurger contre un Calvin et pour défendre l’indépendance souveraine des opinions contre toutes les formes de la violence.»[377] Emmanuel Macron est désormais alerté. Il lui appartient de céder à l’islamisme en connaissance des conséquences. Mais il lui appartient aussi de tout faire pour combattre l’islamisme, toute obédiance confondue, et «conserver la liberté sauvée avec tant et tant de peine»[378], comme l’écrivait le général de Gaulle.
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Roubaix
14 juillet 2019
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Notes bibliographiques :
[1] Une lecture que je recommande vivement : Jérôme Fourquet, L’archipel français, naissance d’une nation multiple et divisée, Seuil, Paris, 2019, 384 pages, 22€.
[2] Paul Nizan, Les chiens de garde, préface Serge Halimi, Edition Agone, Marseille, 2012, 182 pages, 8€.
[3] A lire : Collectif, Histoire de l’islamisation française 1979-2019, l’Artilleur, Paris, 2019, 688 pages, 25€.
[4] https://www.liberation.fr/checknews/2019/05/02/le-terrorisme-islamiste-a-t-il-fait-146-000-morts-depuis-2001-comme-l-a-calcule-die-welt_1724281
[5] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/tareq-oubrou-les-musulmans-n-echapperont-pas-a-la-culture-laique-20190604
[6] https://www.lepoint.fr/societe/tareq-oubrou-le-musulman-ne-doit-pas-s-exposer-13-06-2019-2318668_23.php
[7] https://www.sudouest.fr/2019/05/30/tarek-oubrou-imam-de-bordeaux-j-appelle-les-musulmans-a-trier-dans-notre-bagage-islamique-6156151-10178.php
[8] https://www.france24.com/fr/20190611-invite-jour-tareq-oubrou-imam-bordeaux-appel-a-reconcialiation
[9] https://www.valeursactuelles.com/societe/le-grand-imam-de-bordeaux-appelle-les-musulmans-la-normalite-107867
[10] https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/audio/rmc-0606-le-grand-oral-des-gg-tarek-oubrou-471105.html
[11] https://www.bvoltaire.fr/auteur/tareqoubrou/
[12] https://www.bvoltaire.fr/lappel-a-la-normalite-de-tareq-oubrou-grand-imam-de-bordeaux-aux-musulmans/
[13] Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 165
[14] A la page 170, il écrit ««[Mahomet] était le Prophète des analphabètes (umiyyûn)». Il traduit le terme arabe umiyyûn (أميون) par le terme «analphabètes» tout en précisant en note de bas de page «qualificatif coranique qui désigne les païens arabes, le peuple du Prophète». Il dit la même chose du Prophète, en s’inscrivant dans la droite ligne de l’orthodoxie dominante qui entretient le dogme de l’analphabétisme supposé du Prophète. A la page 173, il écrit en note de bas de page : «le Prophète était un analphabète.» Un chapitre entier dans mon essai Plaidoyer pour un islam apolitique (Michalon 2017), traite la question de l’illettrisme supposé du Prophète et démontre que le terme «umiyyûn» est l’équivalent du terme «goy» ou «goyim» en yiddish ou le terme français « gentils », autres nations que les juifs, mais en aucun cas le terme «illettrés». D’autres traductions posent problèmes comme le fait de traduire «khamr» (خمر), à la page 29, par le terme «boisson alcoolisée composée essentiellement de dattes». En langue arabe, ce terme général est polysémique et signifie, entre autres, la chose qui couvre. Il signifie aussi tout ce qui altère les facultés de l’esprit et non pas uniquement la «boisson alcoolisée composée essentiellement de dattes». Le fait qu’il s’est trompé dans la traduction en privilégiant une traduction restrictive, l’a conduit à exclure la cocaïne et les drogues durs de «tout ce qui altère l’esprit». Par ailleurs, à la page 28, sa traduction restrictive du terme «al-maytah» (الميتة), qui veut dire tout type de cadavres, par le terme «la bête morte non sacrifiée», dans le verset 145 de la sourate 6, l’a conduit à une étrange conclusion interrogative, je cite : «ce passage, pour un littéraliste est limpide. Il signifie qu’il n’y a d’autres viandes interdites que celles évoquées dans le verset. Soyons alors littéraliste jusqu’au bout ! Si l’on s’en tient à la lettre de ce verset, l’anthropophagie ne ferait pas partie des pratiques interdites !» Ce qui a échappé à l’imam de Bordeaux, c’est que l’anthropophagie est incluse dans le sens du terme «al-Maytah» …
[15] Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 197
[16] Ibid., p. 199
[17] Ibid., p. 199
[18] Ibid., p. 200
[19] Ibid., p. 80
[20] http://mohamedlouizi.eu/2017/04/29/presidentielle-emmanuel-macron-otage-du-vote-islamiste/
[21] Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 119
[22] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 124
[23] Ibid., p. 16
[24] Ibid., p. 187
[25] Ibid., p. 75
[26] Ibid., p. 206
[27] Ibid., p. 206
[28] Ibid., p. 189
[29] Ibid., p. 190
[30] Ibid., p. 194
[31] Ibid., p. 192
[32] Ibid., p. 193
[33] Ibid., p. 194
[34] Ibid., p. 193
[35] Ibid., p. 189
[36] Ibid., p. 194
[37] Ibid., p. 194
[38] Ibid., p. 195
[39] Ibid., p. 195
[40] Ibid., p. 195
[41] Ibid., p. 195
[42] https://www.lavoixdunord.fr/610431/article/2019-07-07/tourcoing-elle-efface-sa-comparaison-entre-l-interdiction-du-burkini-et-la
[43] https://www.tdg.ch/monde/europe/temps-emmanuel-macron-jesuite/story/14993434
[44] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 196
[45] Ibid., p. 197
[46] Ibid., p. 196
[47] http://www.expressio.fr/expressions/la-fin-justifie-les-moyens.php
[48] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 196
[49] Ibid., p. 196
[50] Ibid., p. 197
[51] Ibid., p. 197
[52] Ibid., p. 197
[53] Ibid., p. 204
[54] http://www.lefigaro.fr/medias/la-loi-contre-la-haine-sur-internet-arrive-au-parlement-20190618
[55] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 204-205
[56] https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/02/la-loi-de-1881-impose-une-rigueur-de-jugement-qui-permet-d-eviter-l-arbitraire_5484006_3232.html
[57] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 196
[58] Ce hadith est cité dans le recueil des Hadiths authentiques d’al-Bukhâry (n° 383). Lire : Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 197
[59] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 197
[60] Ibid., p. 198
[61] Ibid., p. 199
[62] Ibid., p. 190
[63] Ibid., p. 198
[64] Céline Pina, Silence coupable, Editions Kero, Paris, 2016, 255 pages, 18,90€.
[65] http://www.voir-et-dire.fr/
[66] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 18
[67] https://www.marianne.net/debattons/editos/les-freres-musulmans-la-gauche-et-le-pari-de-trump
[68] https://fr.gatestoneinstitute.org/7319/allemagne-islamisation
[69] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 22
[70] Ibid., p. 22
[71] Ibid., p. 298
[72] Ibid., p. 299
[73] Ibid., p. 299
[74] Ibid., p. 299
[75] Ibid., p. 299
[76] https://www.youtube.com/watch?v=y4WcD7eidqU
[77] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 121
[78] Ibid., p. 122
[79] Ibid., p. 324
[80] https://www.cnrtl.fr/definition/suspendre
[81] Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 309
[82] https://www.saphirnews.com/Replique-a-Tareq-Oubrou-arretons-d-exiger-un-islam-a-la-carte_a26451.html
[83] http://mohamedlouizi.eu/2018/11/13/projet-islamiste-tareq-oubrou-decalotte-tareq-oubrou/
[84] https://www.youtube.com/watch?v=Wn2hI60c6Gg
[85] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 315
[86] https://www.la-croix.com/Archives/2006-11-13/Peter-Berger-ou-le-pari-du-retour-de-la-religion-_NP_-2006-11-13-276525
[87] https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Loups-garous_de_Thiercelieux
[88] Baltasar Graciãn : «La vie humaine est un combat contre la malice de l’homme même. L’homme adroit y emploie pour armes les stratagèmes de l’intention. Il ne fait jamais ce qu’il montre avoir envie de faire ; il mire un but, mais c’est pour tromper les yeux qui le regardent. Il jette une parole en l’air, et puis il fait une chose à quoi personne ne pensait. S’il dit un mot, c’est pour amuser l’attention de ses rivaux, et, dès qu’elle est occupée à ce qu’ils pensent, il exécute aussitôt ce qu’ils ne pensaient pas. Celui donc qui veut se garder d’être trompé prévient la ruse de son compagnon par de bonnes réflexions. Il entend toujours le contraire de ce qu’on veut qu’il entende, et, par là, il découvre incontinent la feinte. Il laisse passer le premier coup, pour attendre de pied ferme le second, ou le troisième. Et puis, quand son artifice est connu, il raffine sa dissimulation, en se servant de la vérité même pour tromper. Il change de jeu et de batterie, pour changer de ruse. Son artifice est de n’en avoir plus, et toute sa finesse est de passer de la dissimulation précédente à la candeur. Celui qui l’observe, et qui a de la pénétration, connaissant l’adresse de son rival, se tient sur ses gardes, et découvre les ténèbres revêtues de la lumière. Il déchiffre un procédé d’autant plus caché que tout y est sincère. Et c’est ainsi que la finesse de Python combat contre la candeur d’Apollon.» A lire ici : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Baltasar_Graci%C3%A1n_-_L%E2%80%99Homme_de_cour.djvu/7
[89] https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Baltasar_Graci%C3%A1n_-_L%E2%80%99Homme_de_cour.djvu/7
[90] https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Baltasar_Graci%C3%A1n_-_L%E2%80%99Homme_de_cour.djvu/8
[91] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 18
[92] Ibid., p. 123
[93] Ibid., p. 339
[94] Ibid., p. 116-117
[95] Ibid., p. 277
[96] Ibid., p. 259
[97] Ibid., p. 260
[98] Ibid., p. 301
[99] Ibid., p. 301
[100] Ibid., p. 9-10
[101] Ibid., p. 9-10
[102] Ibid., p. 280
[103] Ibid., p. 300
[104] https://www.saphirnews.com/Depart-de-Tareq-Oubrou-de-MF-Je-ne-suis-pas-un-theologien-organique_a25180.html
[105] https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/05/l-uoif-marine-le-pen-et-emmanuel-macron-le-point-sur-la-polemique_5123015_4854003.html
[106] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 75
[107] https://www.scienceshumaines.com/le-tabligh-une-multinationale-du-religieux_fr_35326.html
[108] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/27/01016-20150127ARTFIG00202-islam-radical-qu-est-ce-que-le-mouvement-tabligh.php
[109] https://www.scienceshumaines.com/le-tabligh-une-multinationale-du-religieux_fr_35326.html
[110] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/27/01016-20150127ARTFIG00202-islam-radical-qu-est-ce-que-le-mouvement-tabligh.php
[111] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/27/01016-20150127ARTFIG00202-islam-radical-qu-est-ce-que-le-mouvement-tabligh.php
[112] http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2015/01/08/10001-20150108ARTFIG00285-lunel-traumatisee-par-le-djihad.php
[113] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/27/01016-20150127ARTFIG00202-islam-radical-qu-est-ce-que-le-mouvement-tabligh.php
[114] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 14
[115] Ibid., p. 16
[116] Ibid., p. 16
[117] http://www.ikhwan.whoswho/blog/archives/10369
[118] https://www.huffingtonpost.fr/patricia-lalonde/lideologie-des-freres-mus_b_9007088.html
[119] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 306
[120] Lire en arabe ici : https://archive.islamonline.net/?p=71
[121] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 297
[122] Lire cette fatwa (en arabe) citant l’avis de Fayçal Mawlawi au sujet de la salutation et de l’amitié envers les juifs et les Gens de Livre : https://archive.islamonline.net/?p=544
[123] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 15
[124] Ibid., p. 15
[125] http://mohamedlouizi.eu/2018/11/13/projet-islamiste-tareq-oubrou-decalotte-tareq-oubrou/
[126] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 300
[127] Hassan Al Banna, Épîtres de l’imam martyr Hassan Al-Banna (en arabe رسالة الجهاد), Dãr Al-Hadarah Al-Islamiyyah, p. 121-123.
[128] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 292
[129] Ibid., p. 117
[130] Ibid., p. 187
[131] Ibid., p. 15
[132] Ibid., p. 14
[133] http://mohamedlouizi.eu/2018/09/30/hakim-el-karoui-to-qatar-or-not-to-qatar-2/
[134] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 15
[135] https://www.cairn.info/al-qaida-dans-le-texte–9782130547716-page-113.htm
[136] http://www.lefigaro.fr/international/2018/08/03/01003-20180803ARTFIG00301-la-mere-de-ben-laden-estime-que-son-fils-a-subi-un-lavage-de-cerveau.php
[137] https://www.letemps.ch/opinions/bosnie-musulmane-dechiree-entre-anciens-afghans
[138] https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=GMCC_233_0067
[139] https://24.ae/article/378187/
[140] http://mohamedlouizi.eu/2019/02/03/lislamiste-naima-ben-yaich-soeur-de-jihadistes-est-invitee-a-lille/
[141] https://www.huffingtonpost.fr/haoues-seniguer/appels-au-djihad-qatar_b_3516820.html
[142] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 35
[143] Ibid.,
[144] Ibid.,
[145] Tariq Ramadan, De l’islam et des musulmans, Presses du Châtelet, 2014, p. 127
[146] Ibid., p. 145
[147] http://www.fondapol.org/wp-content/uploads/2018/01/ISLAM-POLITIQUE-1.pdf
[148] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 35
[149] Lettre que j’ai traduite de l’arabe dans : Mohamed Louizi, Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans : retour éclairée vers un islam apolitique, Michalon, Paris, 2016, p.213
[150] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 15-16
[151] Ibid., p. 15-16
[152] Ibid., p. 27
[153] Ibid., p. 280
[154] Ibid., p. 279
[155] Ibid., p. 267
[156] Lire ici une présentation synthétique du wahhabisme : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-wahhabisme-le-fondateur-la.html
[157] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 280
[158] Ibid., p. 12
[159] Ibid., p. 339
[160] Ibid., p. 42
[161] Ibid., p. 34
[162] http://mohamedlouizi.eu/2009/07/03/le-juste-prix-de-la-terre-promise-reflexion-autour-de-la-circoncision/
[163] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 91
[164] http://mlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/iltaitunefoisuninfodsurlechemindedamas.pdf
[165] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 91
[166] Ibid., p. 91
[167] https://www.droitaucorps.com/appel-debat-conditions-consentement-circoncision
[168] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 145f
[169] Nasr Hamid Abû Zayd, Al imam Al-Shafi’î et l’établissement de l’idéologie du juste milieu (الإمام الشافعي و تأسيس الأيديولوجية الوسطية), arabe, Editions Al Markaz At-Thaqafi Al-Arabi, 2007.
[170] Pour plus de détails et de référence à ce sujet, le lecteur est invité à lire l’acte VI de : Mohamed Louizi, Plaidoyer pour un islam apolitique : immersion dans l’histoire des guerres des islams, Michalon, Paris, 2017, 256 pages, 18€.
[171] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 34
[172] Ibid., p. 43
[173] Ibid., p. 41
[174] Ibid., p. 116
[175] Ibid., p. 264
[176] Ibid., p. 265
[177] Ibid., p. 150
[178] Ibid., p. 29
[179] Ici, vous pouvez lire et télécharger une étude que j’ai consacrée à ce personnage en 2008 : http://mlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/iltaitunefoisuninfodsurlechemindedamas.pdf
[180] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 47
[181] Ibid., p. 47
[182] Ibid., p. 46
[183] Ibid., p. 47
[184] Ibid., p. 64
[185] Ibid., p. 64
[186] Ibid., p.46, note de bas de page n° 46.
[187] Al-Bukhâry, Le Sahih d’al-Bukhâry, les hadiths authentiques, trad. Harakat Ahmed, Beyrouth, Al-Maktaba al-Assrya, édition 2006, Volume VII, n° 6227, p. 542.
[188] Livre saint, 42, 11
[189] Tareq Oubrou, op. cit. , p.46, note de bas de page n° 81.
[190] https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Wadlow
[191] https://www.hominides.com/html/ancetres/ancetres-homo-sapiens.php
[192] https://fr.wikipedia.org/wiki/Homme_de_Vitruve
[193] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 170
[194] Ibid., p. 167
[195] Ibid., p. 183
[196] Ibid., p. 241-242
[197] Ibid., p. 183
[198] Ibid., p. 119
[199] Ibid., p. 167
[200] Ibid., p. 177
[201] Ibid., p. 166
[202] Ibid., p. 155
[203] Ibid., p. 177
[204] Abou Hamid al-Ghâzâlî, Critérium de la distinction entre l’islam et l’hérésie (en arabe), Dâr al-Minhâj, Djeddah, édition 2012, p. 54
[205] Ibid., p. 55
[206] Ibid., p. 55
[207] Ibid., p. 87
[208] Ibid., p. 87
[209] Ibid., p. 87
[210] Ibid., p. 84
[211] Ibid., p. 79
[212] Ibid., p. 81
[213] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 177
[214] Ibid., p. 171
[215] Lire la note de bas page n° 1 : Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 77
[216] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 183
[217] Ibid., p. 242-243
[218] Ibid., p. 307
[219] Ibid., p. 307
[220] Ibid., p. 307
[221] https://www.saphirnews.com/Tareq-Oubrou-recoit-sa-legion-d-honneur_a18379.html
[222] http://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/primaires-droite/2016/11/24/35004-20161124ARTFIG00175-ali-juppe-et-tareq-oubrou-un-surnom-ravageur-et-un-allie-encombrant.php
[223] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 306
[224] Lire la note de bas page n° 1 : Tareq Oubrou, Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française, Plan, Paris, 2019, p. 77
[225] https://tareqoubrou.com/sharia-de-minorite-reflexion-pour-une-integration-canonique-de-lislam-en-terre-laique/
[226] https://www.al-qaradawi.net/node/5061
[227] Lire la note de bas page n° 1 : Tareq Oubrou, op. cit. , p. 307
[228] Lire la note de bas page n° 1 : Tareq Oubrou, op. cit. , p. 307
[229] L’accès à l’intégralité de ce texte en arabe est ici : http://islamport.com/w/tym/Web/3202/177.htm et la suite ici : http://islamport.com/w/tym/Web/3202/178.htm
[230] L’accès à l’intégralité de ce texte en arabe est ici : http://islamport.com/w/tym/Web/3202/177.htm et la suite ici : http://islamport.com/w/tym/Web/3202/178.htm
[231] http://www.minbarlibya.org/?p=6930
[232] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 124
[233] Ibid., p. 124
[234] Ibid., p. 309
[235] https://www.liberation.fr/france/2016/05/03/l-ei-lance-une-fatwa-contre-tareq-oubrou_1450192
[236] https://blogs.mediapart.fr/rachid-barbouch/blog/150115/terroristes-de-charlie-hebdo-disciples-dibn-taymiyya
[237] Lire en arabe ici : https://www.alittihad.ae/wejhatarticle/91242/ ناهض-حتر-والصارم-المسلول
[238] https://waqfeya.com/book.php?bid=11170
[239] https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-macron-justifie-son-choix-de-rendre-hommage-au-marechal-petain-07-11-2018-2269292_20.php
[240] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 237
[241] https://www.revuedesdeuxmondes.fr/antisemitisme-face-cachee-de-heidegger/
[242] https://laregledujeu.org/tele-rdj/colloque-heidegger-et-les-juifs-alain-finkielkraut-et-jean-claude-milner-conferences-inaugurales/
[243] http://www.lemondedesreligions.fr/une/tareq-oubrou-l-islam-catalyse-la-crise-du-modele-republicain-26-06-2019-8111_115.php
[244] Ibid.,
[245] Ibid.,
[246] Ibid.,
[247] Ibid
[248] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 94
[249] Ibid., p. 98
[250] Ibid., p. 96
[251] Si on tape au clavier le mot « Oubrou » sur le moteur de recherche de La Croix, au moins 203 articles citant Tareq Oubrou s’afficheront.
[252] https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Le-paradoxal-appel-reconciliation-Tareq-Oubrou-2019-06-24-1201030984
[253] Ibid.,
[254] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 77
[255] https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Le-paradoxal-appel-reconciliation-Tareq-Oubrou-2019-06-24-1201030984
[256] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 325
[257] Ibid., p. 325
[258] Ibid., p. 326
[259] https://www.lepoint.fr/politique/le-grand-bouleversement-la-dechristianisation-s-accelere-28-02-2019-2296990_20.php
[260] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 214
[261] Ibid., p. 221
[262] Ibid., p. 222
[263] Ibid., p. 225
[264] Ibid., p. 226
[265] Livre saint, 3, 112-115
[266] Livre saint, 2, 134 et 141
[267] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 213
[268] Ibid., p. 195
[269] Ibid., p. 228
[270] Ibid., p. 228
[271] http://islamport.com/w/tym/Web/3202/177.htm#
[272] http://www.ahewar.org/debat/show.art.asp?aid=476020
[273] https://www.lemonde.fr/ete-2007/article/2007/07/30/la-bataille-de-karbala-le-bapteme-de-sang-des-chiites_940340_781732.html
[274] Lire en arabe ici : https://www.hespress.com/orbites/418904.html
[275] Al-Bukhâry, Les hadiths authentiques, volume IV, hadith n° 2927, p.164
[276] Jean Mouttapa, Un arabe face à Auschwitz : le mémoire partagée, Albin Michel, Paris, 2004, p. 92
[277] Ibid., p. 92
[278] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 228
[279] David Motadel, Les musulmans et la machine de guerre nazie, préface de Christian Ingrao, Editions la découverte, 440 pages, 25€.
[280] Ibid., p.45.
[281] Ibid., p.18.
[282] Ibid., p.52.
[283] Ibid., p.52
[284] Ibid., p.52
[285] https://www.marianne.net/societe/rachid-rida-contre-linvasion-culturelle-occidentale
[286] David Motadel, Les musulmans et la machine de guerre nazie, préface de Christian Ingrao, Editions la découverte, p.52
[287] https://al-maktaba.org/book/6947/4283
[288] Ibid.,
[289] David Motadel, op. cit. , p.55
[290] Ibid., p.55
[291] Ibid., p.53
[292] Ibid., p.53
[293] Ibid., p.53
[294] Ibid., p.53
[295] Ibid., p.49
[296] Ibid., p.49
[297] Ibid., p.53
[298] Ibid., p.53
[299] Ibid., p.53
[300] Ibid., p.53
[301] Ibid., p.54
[302] Ibid., p.54
[303] Jean Mouttapa, op. cit. , p. 92
[304] https://www.almesryoon.com/story/644859/وول-ستريت-جورنال-لماذا-تمنى-هتلر-لو-كان-مسلما
[305] David Motadel, op. cit. , p.78
[306] Ibid., p.98
[307] Ibid., p.98
[308] Ibid., p.105
[309] https://ar.wikipedia.org/wiki/ يونس_بحري
[310] David Motadel, op. cit. , p.103
[311] Ibid., p.109
[312] Ibid., p.103
[313] Ibid., p.103
[314] Ibid., p.103
[315] Ibid., p.115
[316] Ibid., p.121
[317] Ibid., p.121
[318] Ibid., p.121
[319] Ibid., p.121
[320] Ibid., p.121
[321] Ibid., p.119
[322] Ibid., p.119
[323] Ibid., p.119
[324] Ibid., p.119
[325] Ibid., p.119-120
[326] Ibid., p.120
[327] Ibid., p.304
[328] Ibid., p.304
[329] Ibid., p.304
[330] Ibid., p.304
[331] Ibid., p.91
[332] Ibid., p.361 (note numéro 31)
[333] Ibid., p.91
[334] Ibid., p.304
[335] Ibid., p.312
[336] Ibid., p.313
[337] Ibid., p.313
[338] Ibid., p.317
[339] Ibid., p.312
[340] https://www.letemps.ch/suisse/financement-terrorisme-arrestation-patron-nada-management-lugano
[341] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 320
[342] Ibid., p. 322
[343] Ibid., p. 322
[344] Tareq Oubrou fait référence au Consistoire dans ce passage par exemple : «Il manque un conseil ou un ordre des imams, à l’instar du Consistoire central israélite réservé au seul culte et au rabbinat.» (p. 346)
[345] https://www.lepoint.fr/societe/tareq-oubrou-la-loi-1905-n-est-pas-un-texte-sacre-06-11-2018-2268913_23.php
[346] Ibid.,
[347] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 311
[348] Ibid., p. 316
[349] Ibid., p. 325
[350] Ibid., p. 322
[351] Ibid., p. 280
[352] https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/0cdcd87075ba98f68bda461b3bc96860.pdf
[353] Nouveaux enjeux de la laïcité (Centurion – 1990, collectif) ; Scruter la loi de 1905, la République française et la religion (Fayard – 2010) ; Notre laïcité ou les religions dans l’espace public (Desclée De Brouwer – 2014)
[354] https://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Emile-Poulat-entre-unite-et-separation-2015-06-04-1319561
[355] https://www.saphirnews.com/Emile-Poulat-Il-y-a-la-laicite-dans-les-textes-et-la-laicite-dans-les-tetes-_a12473.html
[356] https://www.saphirnews.com/Emile-Poulat-pionnier-dans-l-etude-de-la-laicite_a20013.html
[357] https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/28/modifier-la-loi-de-1905-afin-de-mieux-accompagner-les-associations-religieuses-musulmanes_5389621_3232.html
[358] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 342
[359] Ibid.,
[360] Ibid.,
[361] Ibid.,
[362] Ibid.,
[363] Ibid.,
[364] Christian Chesnot, Georges Malbrunot, Qatar Papers : comment l’émirat finance l’islam de France, Michel Lafon, Paris, 2019, 304 pages, 18,95€
[365] Ibid.,
[366] https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/rapport-un-islam-francais-est_-possible.pdf
[367] https://www.institutmontaigne.org/publications/nouveau-monde-arabe-nouvelle-politique-arabe-pour-la-france
[368] http://mohamedlouizi.eu/2018/12/09/hakim-el-karoui-et-les-freres-musulmans-ici-et-maintenant/
[369] Le terme casuiste, qui renvoie à la tradition jésuite, est cité dans l’essai à plusieurs reprises, notamment pour définir les imams qui devraient composés ce conseil : «Les imams qui le composent seraient des casuistes qui jouissent d’une grande plasticité et largesse d’esprit théologico-canonique et d’une sagesse qui ferait que leurs avis serait écouté non seulement par les musulmans dans leur diversité, mais par toute la société française.» (p.347).
[370] Tareq Oubrou définit les qualités et autres exigences que doivent respecter les membres de son conseil : «des religieux les plus compétents, les plus irréprochables moralement et indépendants de toute influence financière, idéologique ou politique.» (p. 346) ; «Au niveau financier, ils ne doivent pas être liés au business du halal ni à celui du pèlerinage ni aux milieux d’affaires et banques dits « islamiques » afin d’éviter tout conflit d’intérêts ou toute subordination à des organismes à but non lucratif.» (p.346).
[371] https://www.saphirnews.com/L-AMIF-une-structure-qui-veut-se-positionner-comme-un-pilier-de-l-islam-de-France_a25935.html
[372] https://www.liberation.fr/france/2019/05/29/le-ministre-de-l-interieur-boude-le-cfcm_1730344
[373] http://www.lefigaro.fr/vox/religion/islam-en-france-que-revele-la-brouille-entre-christophe-castaner-et-le-cfcm-20190531
[374] https://www.liberation.fr/france/2019/01/07/macron-recoit-le-conseil-francais-du-culte-musulman-a-l-elysee_1701368
[375] https://www.lavoixdunord.fr/607457/article/2019-07-01/islam-l-interieur-demande-aux-prefets-de-faciliter-l-emergence-d-instances
[376] Tareq Oubrou, op. cit. , p. 128
[377] Stefan Zweig, Conscience contre violence, Le Livre de poche, édition de septembre 2010, p.261
[378] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre : le salut 1944-1946, 3° vol., Paris, Plan, 1975, p.652
Formidable analyse, vertigineuse lecture. On n’en sort pas indemne, mais… merci beaucoup pour cet éclairage salutaire !
Bonjour,
content de retrouver votre blog si précieux .
Merci pour toutes ces informations
Bien cordialement
Merci beaucoup pour cet enorme travail.
êtes-vous sollicité par les médias pour exposer votre point de vue et aussi en contradicteur lorsque des « frêristes » sont invités sur des plateaux?
Bonjour Adrien, mon point de vue n’intéresse pas ceux qui invitent les fréristes. Car je ne suis pas dans le politiquement correct.