Vers une mosquée réformée !
« Dieu ne modifie point l’état d’un peuple tant que
les humains qui le composent n’auront pas
modifié ce qui est en eux-mêmes »
Coran, 13, 11
« Ce que tu es capable d’imaginer peut exister.
Il n’y a rien qui soit impossible »
Fun-Chang
Avertissements aux lecteurs
Dans le présent article, j’utilise le néologisme « mosquée réformée » pour dire la même chose que « mosquée/Al-Jami’i » – expression utilisée dans les précédents articles. Car il est important de rendre facile, à ce stade, la prononciation du nom de cette structure souhaitée. En effet, dans « mosquée/Al-Jami’i », il y a le terme « Al-Jami’i », emprunté de l’arabe et signifiant : lieu de rassemblement, dont la prononciation peut s’avérer difficile pour le lecteur francophone.
Par ailleurs, l’usage de l’adjectif « réformée » sert d’outil de différenciation entre la « mosquée » classique rivée au passé et l’autre modèle, « mosquée réformée », qui se définit comme dissidence consciente à ce modèle « omeyyade » et comme alternative soutenable tournée vers l’avenir.
Le néologisme « mosquée réformée » ne fait aucune allusion à « L’Eglise réformée ». Même si, dans ma démarche, j’ai été amené à étudier, sommairement, le mouvement protestant et la naissance de l’Eglise Réformée de France.
Outre mon expérience personnelle au sein de la mosquée de Villeneuve d’Ascq, au sein de l’UOIF et lorsque j’étais chargé de la planification des prêches de vendredi dans les salles de prière des résidences universitaires de la cité scientifique de Lille 1, d’autres projets et expériences locales m’ont beaucoup inspiré dans la conception de ce modèle :
Il s’agit, à titre non exhaustif, du concept et de l’organisation interne de la « Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités » (MRES), située au 23, rue Gosselet à Lille.
Au même titre, Certaines idées de ma réflexion sont nées au sein de la « Maternité Jeanne de Flandre » qui est attachée au centre hospitalier de Lille. Naissance qui a eu lieu, plus précisément, dans la petite « salle de prière », située au sous-sol. Celle-ci, par son aménagement, interpelle silencieusement les consciences et témoigne qu’une autre approche de la gestion des lieux de culte, basée sur le partage d’un même espace de prière et de recueillement, est possible. D’ailleurs, dans moins de 10m², on a réussi à mettre côte à côte, la Bible et le Coran ; l’étoile, la croix et le croissant ; une petite table de l’eucharistie, quelques chaises et un tapis de prière dirigé vers la Mecque !
Après ces précisions, je vous souhaite une bonne lecture et n’hésitez surtout pas à laisser vos commentaires, vos interrogations et vos critiques !
Rêves d’adulte
J’ai un rêve (*) qu’un jour la mosquée trouvera enfin son âme perdue et se mariera de nouveau avec l’esprit humanisant de « Al-Jami’i ».
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée retrouvera le goût et les couleurs du respect de l’humain et de son épanouissement inconditionnel.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera garante – à l’image de la Vème République et de sa Constitution – de la liberté de conscience, de la liberté de pensée, de la liberté d’expression et qu’elle garantira le libre choix à tout un chacun sans restriction aucune.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée adoptera le principe de neutralité à l’égard du politique et/ou du théologico-politique et ne sera ni de gauche ni de droite ; ni des blancs ni des noirs ; ni des sunnites ni des chiites ; ni des magrébins ni des turcs ; ni des modérés ni des extrémistes ; ni des progressistes ni des traditionalistes…
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée ne reconnaîtra, ne cautionnera et ne soutiendra aucun politique de quelque formation que ce soit et qu’elle ne reconnaîtra, ne cautionnera ni salariera aucun théologico-politique de quelque idéologie que ce soit.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera à l’évidence, synonyme d’humanité, de miséricorde, de paix, d’amour, de fraternité, de non-violence, de tolérance, de dialogue, d’ouverture d’esprit, d’accueil de l’autre, de pluralité et de gestion pacifique des différents.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée se refusera d’être le synonyme désolant de sectarisme, de communautarisme, de fanatisme, de dogmatisme, de doctrinarisme, d’idéologisme, de despotisme, de cléricalisme, d’abrutissement, d’endoctrinement, d’enfermement, d’exclusion et d’intolérance.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée pourra accueillir, sans complexe, sans tabous sans protocoles et de la façon la plus égalitaire et la plus juste qu’elle soit, des humains de tout horizon, de toute confession, de toute religion, de toute sensibilité intellectuelle, de tout courant philosophique, de toute tendance spirituelle, de toute croyance et pourquoi pas de toute non-croyance, de tout agnosticisme et de tout athéisme. Afin que les doutes des uns puissent relativiser les certitudes des autres et que les vérités des uns puissent dialoguer avec le scepticisme des autres.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera l’espace de l’expression libérée où tout un chacun – femme ou homme, fille ou garçon, jeune ou adulte– puisse exprimer ses doutes, ses questionnements et ses inquiétudes sans qu’il fera l’objet de fatwa ou de procès publics d’inquisition ou qu’il sera contraint de supporter, bon gré malgré, le fardeau de l’exclusion et les injures d’hérésie ou d’apostasie.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée ne sera plus prise en otage par la pensée unique ; par le(s) discours unique (!) ; par l’association unique ; par le recteur unique ; par l’imam unique… et qu’elle sera au contraire le théâtre de la pluralité d’idées, de discours, d’intervenants, de personnes, d’associations et d’ambitions.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera délivrée in extenso de toute sorte de cléricalisation héritée ou imitée ; importée d’ailleurs ou imposée à coup de pouvoir et qu’elle sera en revanche, le lieu où personne, pas même l’imam, ne pourra prétendre impertinemment un quelconque privilège, une quelconque prééminence ou une certaine entremise entre Dieu et les gens.
Raisons d’être !
Ces rêves ne pourront se réaliser – et je suis bien conscient de la réalité complexe – sans qu’une révolution intellectuelle profonde, pour ne pas dire radicale, ne soit opérée massivement, de manière aussi bien orthodoxe qu’iconoclaste, à tous les niveaux et par tous les moyens légitimes et pacifiques.
Par ailleurs, il en est de la responsabilité de chacun de prendre conscience et de tenir compte de la réalité des mosquées en France qui sont, pour le rappel, pensées, moulées et élaborées de façon générale, en conformité avec la vison omeyyade et non en inspiration du modèle mohammadien que fut autrefois la « mosquée/Al-Jami’i » de Médine.
Il en est, en priorité, de la mission du peuple des mosquées de ressusciter l’esprit humanisant et libérateur de la « mosquée/Al-Jami’i » et d’en finir avec l’aberration monumentale et millénaire qui continue hélas, de produire des effets néfastes menaçant, de façon implicite ou explicite, l’intelligence collective, le métissage culturel et les libertés fondamentales.
Je croîs qu’une revivification de ce concept et de cet état d’esprit au sein de la cité n’est pas simplement souhaitable mais elle est plus que nécessaire. Et ceci, pour plusieurs raisons :
Premièrement, une telle revivification est nécessaire pour que la majorité soit souveraine et reprenne le contrôle des lieux qui a été longtemps délaissé à la minorité au pouvoir exécutif de ces mêmes lieux. En effet, de nombreuses mosquées dans l’hexagone, telle qu’elles se présentent aujourd’hui, n’assurent pas uniquement des services cultuels de base aux fidèles mais elles sont aussi des lieux où cette minorité pragmatique du pouvoir décide, sans s’inquiéter, à la place de la majorité des fidèles ; où l’on diffuse des discours redoutables ; où l’on oriente, avec préméditation, la collectivité vers une direction privilégiée ; et où l’on alimente le sentiment communautaire, pour ne pas dire communautariste, qui peut se révéler dangereux pour la stabilité de certaines cités, pour la paix sociale et pour le vivre ensemble.
Et lorsque les mosquées sont confiées à des personnes engagées idéologiquement dans des projets, du moins que l’on puisse dire, obscurantistes, les conséquences et les impactes qui en résultent sur la cité et sur la société tout entière ne peuvent être que dramatiques.
Par conséquent, une telle revivification rétablira à coup sûr la situation et remettra à nouveau les clefs et le sort de la structure entre les mains de la majorité des fidèles avec sa complexité, sa pluralité et surtout sa sagesse.
Deuxièmement, elle est nécessaire parce que la cité change, jour après jour, et donc tout devra suivre quasiment la même dynamique, au risque de se voir dépassé, le cas contraire, par les événements et de se voir cristalliser sur des modes et des modèles archaïques et rétrogrades, importés des époques historiques révolues ou d’un autre monde, dont lequel, des valeurs comme liberté, justice, humanisme et démocratie ne sont que des slogans publicitaires à effet d’annonce mais sans effets remarquables dans la réalité de tous les jours.
La sagesse veut que l’on prévienne collectivement les risques, que l’on surmonte ensemble les défis et que l’on privilégie le sens aux apparences trompeuses. Elle veut aussi que l’on ne reproduise pas les mêmes erreurs du passé, que l’on apprenne de l’Histoire de l’humanité toute entière, que l’on améliore nos conditions présentes et que l’on comprenne la nature et les caractéristiques du vecteur directionnel de l’avenir.
Dans ce sens, la « mosquée réformée », par son calme et son hospitalité offerte à toutes et à tous, offrira la sérénité nécessaire favorisant la méditation individuelle et le cadre indispensable aux échanges collectifs qui serviront pour le repérage en commun du cap à suivre, pour un avenir prospère et pacifique.
Troisièmement, elle est nécessaire pour que l’on finisse une fois pour toute avec le climat d’abrutissement qui règne en maître depuis les omeyyades, dans presque toutes les mosquées du monde, y compris celles implantées ici en France et en Europe.
L’abrutissement, en effet, dispense de penser et de cultiver l’esprit critique. Il favorise la pérennisation de l’asservissement. Pis encore, il facilite la tâche des « néo-marchands de la prière et du pèlerinage » et des recruteurs extrémistes qui s’activent, au nom de Dieu, pour trouver « des proies », prêtes à servir la cause communautariste et motivés pour s’engager dans le sentier de Dieu.
Quoi de pire que de produire à la chaîne – ou plutôt à la rangée – des individus sans faculté de penser par eux-mêmes ? Même si l’abrutissement a à son actif quelques avantages puisqu’il nous évite de supporter le chaos, à en croire Paulo Coélho qui affirme dans « le Zahir », je cite : « Un monde sans abrutis, ce serait le chaos ! Au lieu des chômeurs comme on a aujourd’hui, il y aurait du travail en trop et personne pour travailler » !
Seule une indispensable reconnaissance à tout un chacun de sa capacité à penser par lui-même et de sa liberté de choix, pourra nuire à l’abrutissement par la voie religieuse et pourra contrarier les projets de mécanisation des esprits conduits par des théologiens de service, et qui profitent aux ennemis des libertés et de l’épanouissement humain.
Il faut donc en finir avec cette situation de crise intellectuelle profonde au sein des mosquées en établissant le modèle de la « mosquée réformée » où l’abrutissement de la masse sera prohibé et exclu à jamais du cahier des charges.
Quatrièmement, elle est nécessaire pour permettre au peuple des mosquées de se prononcer au sujet de l’organisation de leur culte. Car on assiste, depuis bientôt deux décennies, à une agitation inquiétante, de part et d’autre, quant à l’avenir de l’objet « islam de France » et de sa ramification rituelle le « culte musulman ». La façon dont le pouvoir politique en place et ses alliés religieux les conçoivent et les veulent, est doublement préjudiciable, et au caractère laïc de l’Etat, et à l’approche « collectiviste » de la gestion de celui-ci.
En effet, les acteurs de cette agitation, que ce soient les présumés « représentants du culte musulman » ou les représentants de l’Etat, mènent leurs projets en dehors de la sphère des mosquées. Et ce, en marginalisant, sciemment ou inconsciemment, les premiers concernés qui sont d’abord celles et ceux qui s’y rendent habituellement et qui ne sont au courant de rien, si ce n’est de quelques noms médiatisés et de quelques abréviations, par-ci et par-là.
D’ailleurs, l’expression de « représentants du culte » pose problème même si l’on assiste, presque tous les trois ans à un semblant élections régionales et nationales. Reste à examiner de prime abord, le pourquoi et le bien fondé d’une telle représentativité. Et savoir par la suite si véritablement cette représentativité présumée est effectivement représentative de l’ensemble des idées, des projets et des souhaits de ladite communauté musulmane.
Une telle revivification permettra de rendre la parole confisquée à toutes les sensibilités qui exprimeront au sein de la « mosquée réformée » leurs différences et leurs préférences. Elle permettra aussi l’entente sur les règles de l’organisation interne et externe du culte, de la gestion des lieux et de l’adhésion, ou non, dans un processus de représentativité voulu et/ou imposé par l’Etat.
A ce stade, il faut rappeler que l’Etat n’a pas, au nom de la laïcité, à dicter les « règles d’organisation générale du culte» ni à imposer un cadre représentatif sélectif, ni à désigner ou coopter certaines figures qui passent mieux, politiquement et médiatiquement, ni à cautionner les conditions et les tractations faisant parti d’un autre temps et d’un autre monde dont lesquelles se déroulent les campagnes électorales et les soi-disant élections.
Cinquièmement, elle est nécessaire pour permettre aux uns et aux autres de revisiter le sens et l’essence de l’objet « Islam ». Et de permettre aussi, à qui le souhaite bien sûr, la possibilité d’assister à cette redécouverte. Non pas sous forme de cours de religion dispensés de façon autoritaire et qui laissent s’installer d’un côté, des Cheikhs – comme porteurs exclusifs de connaissances théologiques, comme donneurs de leçons de morale et comme présumés détenteurs de certaines « vérités » absolues – et de l’autre côté des disciples silencieux qui doivent se contenter d’approuver sans contester et d’apprendre par cœur ce que l’on leur dicte sans réfléchir. Mais plutôt, sous forme d’interaction dégagée de toute hiérarchie et de toute forme de domination par des connaissances appelées, à tort, « sciences islamiques ».
Sixièmement, elle est nécessaire pour assurer au sein de la cité un cadre où l’on pourra aborder toutes les questions de société et de religion qui fâchent, et qui sont traitées timidement, dans des sphères trop imperméables de chercheurs, d’universitaires spécialisées et trop en rupture avec la réalité des mosquées. Une réalité marquée par l’omniprésence d’autre genre de questions, tout à fait compréhensibles dans l’état où l’on est, mais qui ne s’éloignent pas de la sphère rituelle et formaliste, laissant de côté les sujets fondamentaux aussi bien impérieux qu’occultes.
« Mosquée réformée » comme espace de débats avant-gardistes
Il est clair que les sujets fondamentaux occultés sont très nombreux et ils n’attendent qu’à être abordés, à l’aube de ce 21ème siècle, avec le courage et l’honnêteté intellectuelle indispensables.
Au sein de la cité, et à l’exception des mosquées et de quelques rares instituts académiques à tendance plutôt conservatrice, il n’y a pas d’espace permanent et adapté qui puisse rassembler le peuple des mosquées – les premiers concernés par ces questions – et où l’on puisse oser parler de ce genre de sujets qui tracassent, en silence et de manière quasi inavouée, la conscience collective.
L’université, bien qu’elle soit utile pour apporter des éclairages scientifiques, historiques, anthropologiques, sociologiques, psychologiques et autres, n’est pas un lieu populaire approprié où la collectivité puisse réfléchir, dans son hétérogénéité caractéristique, à ces questions.
La structure et l’organisation interne de la mosquée, telle que nous la connaissons aujourd’hui et qui reste largement prisonnière d’un lourd héritage ancestral contraignant et d’une pesanteur institutionnelle qui est administrativement rédhibitoire et idéologiquement réprobatrice, ne permet pas elle aussi à libérer le débat ni à encourager la réflexion permettant d’élucider l’ensemble de ces questions.
Par conséquent, le seul lieu adapté et qui reste à réinventer et à restaurer de nouveau, est à mon intime conviction, la « mosquée réformée ». Qui certainement, n’aura pas à se soucier de la gestion des affaires sociales et économiques ou à s’ingérer dans les affaires politiques de la cité. Même si elle peut se préserver le droit d’être un espace, parmi tant d’autres, où l’on puisse échanger sur les impacts du social, de l’économique et du politique sur l’être individuel et sur l’être collectif. Pour ces affaires, il y a bien des conseils de quartiers, des conseils municipaux, des instances départementales, régionales et nationales qui s’en occupent tout en se démarquant totalement – malgré quelques exceptions déplorables ici ou là – de la sphère religieuse. Et Dieu merci que ce soit ainsi !
La « mosquée réformée » servira, en plus de sa fonction cultuelle primitive, d’espace où d’autres fonctions d’ordre intellectuel et culturel seront assurées conjointement. Là où l’on pourra construire, en permanence, l’objet « islam de France » en collectivité, en évitant à ce que cela ne soit pas à la charge du pouvoir politique ou d’une quelconque minorité attachée, d’une manière ou d’une autre, à ce même pouvoir. Là où l’on osera, peut-être, penser « l’impensé » communautaire, pénétrer dans les secrets des tabous et faire jaillir de la lumière sur les innombrables zones d’ombres et les questionnements qui tourmentent les esprits en quête de sens et ceux qui sont à la recherche d’humanisme aimant et pacifique.
Cela suppose une réforme structurelle, en amont, de la « mosquée » actuelle et nécessite la combinaison de nombreux ingrédients, à juste dose, tels que la volonté collective ; l’imagination inventive ; le courage intellectuel ; le travail d’équipe ; la synergie des actions ;… et évidemment beaucoup plus de sagesse et de patience.
La « mosquée réformée » permettra, de ce point de vue, une totale démocratisation et transparence quant à l’examen de ces questions cruciales. Cette structure conduira effectivement à l’émergence d’une conscience collective sur l’ensemble de ces sujets tabous. Elle mettra fin à une tradition qui, depuis des siècles, empêche toute réforme structurelle de la jurisprudence et du droit dit « islamique » et qui n’a peut-être d’islamique que le nom !
Dans ce schéma, seule la collectivité est souveraine. Ni Cheikhs ni mollahs théologico-politiques ne pourront, à partir de ce moment précis, dicter leurs humeurs ou les humeurs de leurs saints prédécesseurs, en les déguisant soigneusement d’apparences religieuses.
Questions qui fâchent et revendications coraniquement incorrectes !
Parmi ces questions nombreuses que l’on n’ose plus poser et traiter en collectivité, au sein de la mosquée actuelle et qui pourront trouver toute leur place et alimenter les échanges au sein de « la mosquée réformée » souhaitée, il y a, à titre d’exemple :
La question du sens même – statique ou dynamique – que l’on donne à l’objet « Islam », à sa variante « islam de France », à sa ramification « culte musulman », à sa réglementation « droit musulman », à son fidèle le « musulman », à son adversaire supposé le « non musulman », à sa collectivité nationale la « communauté musulmane », à sa communauté supranationale la « Oummah musulmane », à l’articulation recherchée entre ladite « Oummah musulmane » et la République, au compromis entre le droit dit islamique et le droit positif laïque,…
La question de savoir, si oui ou non, il doit y avoir au sein de chaque mosquée un imam – islamiquement parlant et en observance de ce qu’a été la genèse organisationnelle de la « mosquée réformée ». Un imam faisant de la célébration de la prière, de l’exhortation – voire de l’exorcisme (!) – et de son aptitude à répondre aux questions des gens, une activité rémunérée.
La question de savoir, si oui ou non, il doit y avoir, comme le souhaite le Président de la République, lorsqu’il était encore ministre de l’intérieur, un Conseil des Imams – une sorte d’autorité religieuse officielle et reconnue par l’Etat – qui aura pour mission : d’ « étudier des questions d’ordre spirituel et moral » ; « rechercher des positions de compromis » ; «construire un socle de repères communs sur les points essentiels de la foi musulmane » ; « servir de vecteur à la modernisation de l’islam, au développement d’une approche plus scientifique et moins littérale du Coran » et d’accélérer « la victoire des valeurs essentielles et universelles de cette religion [l’islam] sur des conceptions rétrogrades héritées du passé et de l’histoire ». (1)
Et sans juger, de bonne ou mauvaise, l’intention du Président de la République, et sans rentrer non plus dans le vif du sujet, cette question méritera d’être débattue au sein de la « mosquée réformée » et non pas dans d’autres sphères fermées, élitistes et cooptées. Chose qui peut conduire éventuellement à la cléricalisation forcée de l’islam de France et à une sorte d’hiérarchisation que le Président même juge étrangère à la culture musulmane.
A ce sujet, Nicolas Sarkozy écrit, je cite : « L’idée même d’une instance régulatrice du contenu de la foi islamique est étrangère à la culture musulmane » (2). Le danger d’une cléricalisation par le haut de l’objet « islam de France » n’est pas à sous-estimer, lorsque l’on s’engage dans de pareil processus de représentativité. On voit actuellement, dans d’autres pays et sans retracer l’histoire depuis les omeyyades, les conséquences graves de la cléricalisation de l’islam, que ce soit l’islam chiite ou l’islam sunnite, même si les protagonistes de ce dernier nient l’existence d’un quelconque clergé sunnite. Néanmoins, les faits sont là. Et même certaines déclarations officielles des autoproclamés représentants du culte le confirme. (3)
Que dire donc des fatwas limitatives des libertés individuelles et attentatoires aux droits fondamentaux, y compris le droit à la vie, qui ont été émises par l’instance égyptienne sunnite Al-Azhar à l’encontre de nombreux intellectuels qui ont eu le malheur de toucher à des questions tabouisées ? Sans parler des instances chiites qui excellent dans l’art de la censure et des fatwas meurtrières !
A rappeler tout de même que le Président de la République, tout en niant tout caractère régulateur du contenu de la foi islamique, a d’ailleurs sollicité Al-Azhar en décembre 2003 pour obtenir une fatwa « républicaine » ordonnant aux musulmanes de France de se conformer à la loi française et d’accepter d’enlever le voile à l’école – même si le caractère obligatoire du voile dit islamique reste sujet à controverse !
Sans parler aussi de l’autre fatwa « républicaine » offerte – sous commande paraît-il – à Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur, par Dar Al-Fatwa de l’UOIF, le 6 novembre 2005, demandant aux révoltés des banlieues d’observer, au nom d’Allah et de leur islamité respective, la retenue et de cesser la révolte violente. Comme si les révoltes des banlieues étaient motivées par des revendications religieuses et comme si les révoltés étaient tous des petits musulmans qui avaient oubliés les leçons de morale islamique et qu’il fallait que la sainte UOIF intervienne pour rétablir l’ordre !
On peut légitimement, après ces ingérences réciproques, se demander si ce Conseil des Imams, tant désiré par le Président de la République, ne sera pas simplement la traduction, en français, de l’instance théologiquo-politique d’Al-Azhar ; qui incarnera, à coup sûr, non seulement la régulation du contenu de la foi islamique mais aussi la régulation comminatoire du contenu de la loi, des mœurs, des habitudes, des choix et même des assiettes !
Cela m’amène à soulever la question de la « formation des imams » qui occupe une place centrale dans le projet que l’Etat mène avec les mouvements dits représentatifs du « culte musulman ». Cette question en particulier mérite qu’elle soit examinée avec les premiers concernés, le peuple des mosquées dans sa pluralité. Et ce, pour répondre au minimum à deux interrogations :
Premièrement, de quel contenu de formation s’agit-il ? Et deuxièmement, pour quel statut pratique et/ou symbolique au sein de la mosquée prépare-t-on les présumés imams de demain ?
Bien que les intentions déclarées se veuillent bonnes et rassurantes, les réponses proposées à ces deux grandes questions, ne présagent que la reproduction, à la française, des modèles importés d’ailleurs. Et c’est la raison pour laquelle, j’attire l’attention sur la question du contenu de la formation.
Autrement dit, et bien que certains projets de formation jouent la carte de la modernité en intégrant des disciplines des sciences humaines et du droit français, le support fondamental de la formation quant à lui, reste, en grande partie, composé des connaissances dites « sciences islamiques » sélectionnées selon des critères assez souvent idéologiques et théologiquo-politiques – sans que l’on examine le bien fondé de la scientificité et de l’islamité supposées de ces connaissances – et qui ne prennent pas en compte l’ensemble de l’héritage religieux, dans ses contradictions inhérentes.
Le contenu de ces connaissances ne diffère guère du contenu que proposent des universités en Egypte, au Maroc ou en Arabie Saoudite. D’ailleurs ceux qui se chargent de mettre en place les programmes de formation – sans jugement de valeur – sont en majorité des ex-diplômés de ces universités théologiques. Du coup, on peut imaginer d’ores et déjà, le contenu des discours que ces imams, supposés formés par la République, vont diffuser en langage français, aux seins des mosquées de l’Hexagone.
La deuxième question concerne le statut pratique et/ou symbolique qu’auront ces présumés imams une fois formés (je ne parle pas du statut professionnel ou salarial puisque la République n’a pas vocation à rémunérer les imams, laïcité oblige). En d’autres termes, seront-ils des clercs représentants d’Allah dans la cité, comme c’est déjà le cas aujourd’hui dans de nombreuses mosquées ? Ou bien seront-ils de simples bénévoles au service de la bonne parole, mais sans aucune prétention sacrale ni statut salarial ?
En effet, je peux comprendre que la République veut rendre lisible, voire visible et contrôlable cet islam « républicain », mais ce que je ne comprends toujours pas c’est l’utilisation par l’Etat d’une grille de lecture qui, bien qu’elle soit convenable pour la lisibilité de la hiérarchie ecclésiastique catholique ou juive, elle est inappropriée quant à la lecture de l’objet « islam », qu’il soit républicain ou étranger. D’ailleurs, l’islam mohammadien tel qu’il est expliqué dans le Coran, n’est pas de nature à admettre, en son sein, une quelconque autorité religieuse et il n’approuve aucune salarisation des professionnels de l’exhortation.
Par ailleurs, d’autres revendications sont loin d’être consensuellement admises et nécessitent donc une élucidation dans le débat contradictoire. Parmi lesquelles, on y trouve :
La question de l’abattage rituel et de la viande dite Halal. Ceci permettra, à mon avis, de résoudre deux énigmes qui me paraissent problématiques et tabouisées :
La première énigme est d’ordre religieux et théologique. Il s’agit de revisiter, dans un premier temps, l’expression «sacrifice rituel » et l’expression « abattage Halal » pour voir qu’elle en est la part juste du « culte musulman » et qu’elle en est la part exagérée de la culture – ou des cultures – et de l’histoire. Et d’oser dans un deuxième temps, sans calculs idéologiques, examiner en quoi la charcuterie – hormis le porc – que l’on vend chez le boucher du coin et qui n’est pas labellisé Halal ne peut être comestible par les musulmans riverains ?
La deuxième énigme est d’ordre financier. Je pense qu’il est du droit de ladite communauté musulmane, dans son entièreté, de comprendre les rouages et les coulisses du marché Halal. Il est nécessaire pour la transparence financière de lever enfin le voile sur la manne d’argent qu’assure ce marché au profit de certains « marchands du culte musulman », que se soient des personnes physiques ou des organisations de contrôleurs, affiliées en majorité aux fédérations dites représentatives du « culte musulman ». Celles-ci perçoivent des taxes (!) et font payer les abattoirs pour contrôler la bonne foi musulmane du sacrificateur et l’islamité de l’abattage des bêtes.
En plus de cela, d’autres rémunérations généreuses sont perçues par certains contrôleurs lorsqu’ils ont la chance de travailler avec des sociétés et des firmes transnationales de l’agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique. Par exemple, le fait de contrôler la provenance Halal de la gélatine – à destination alimentaire ou pharmaceutique – et de s’assurer qu’il ne s’agit pas de gélatine porcine ou bovine non Halal, constitue une manne d’argent pour ces contrôleurs qui s’enrichissent, ou qui enrichissent leur fédération-mère, sur le dos du « culte musulman » ! L’objet « islam » fait gagner de l’argent paraît-il !
La revendication des « carrées musulmans » mérite elle aussi d’être réexaminée. Puisqu’il n’y a aucun fondement coranique à cette revendication communautaire, qui se veut légitime ! Le courage intellectuel veut lui, que l’on enquête davantage et que l’on dévoile les origines ségrégationnistes, historiques, culturelles, politiques, voire militaires de cette revendication.
Comment se fait-il que les musulmans de France revendiquent – et c’est le droit – une citoyenneté française, émancipée et égalitaire au moment même où de nombreux musulmans de France font le choix, ou d’autres le font à leur place, de se faire enterrer ailleurs dans une autre terre considérée comme « terre de l’islam » ? La France n’est-elle pas une « terre d’islam » pour ces français ? Pourquoi donc faire le choix de vivre ici quand on désire mourir et se faire enterrer ailleurs ?…
Comment expliquer le fait que cette communauté accepte de se mélanger avec les désignés « autres » dans les écoles, dans les centres commerciaux, dans les plages et dans les quartiers résidentiels et qu’elle refuse en même temps de se mélanger avec ces mêmes « autres » dans les cimetières ?
Comment se fait-il que la terre de la République ne soit désirée que pour profiter d’un cadre de vie, relativement prospère, et qu’elle soit déconsidérée et dédaignée au moment de la mort et de l’enterrement ?
Est-il raisonnable que certains mouvements dits représentatifs de « l’islam de France » prônent manifestement le vivre ensemble au moment même où elles légitiment, au nom de Dieu, la mort ghettoïsée et l’enterrement communautarisé ?
Cette idée des «carrées musulmans » ne cache-t-elle pas une autre idée, aussi bien grotesque que xénophobe, celle du « peuple élu d’Allah » qui prétend être, par définition, supérieur et meilleur que les « autres ». Et de ce fait, il ne doit pas se mélanger avec ces « autres » considérés inférieurs car incrédules. Et s’il n’arrive pas à assumer cette préférence et ce devoir pendant la vie, il devra se rattraper au moment de la mort et de l’enterrement ?…
La question du mariage dit « mixte » ou « intercommunautaire », surtout lorsque l’on est femme ! D’ailleurs, pour qu’elle(s) raison(s), par exemple, un homme musulman, au nom de son islamité revendiquée, peut éventuellement se marier avec une femme chrétienne, ou juive ou autre alors qu’une femme musulmane est toujours contrainte de se marier exclusivement, au nom de la même islamité revendiquée, avec un homme musulman et avec personne d’autre ? Faut-il encore chercher l’origine historique et l’interprétation du texte qui, pour certains, légitiment ce mode de fonctionnement ? La communautarisation des esprits n’est-elle pas une conséquence directe ou indirecte du refus et de la prohibition des mariages mixtes ?
La question de la circoncision des garçons musulmans mérite elle aussi d’être réexaminée. Pour précision, je ne parle pas de l’excision des filles que le clergé sunnite considère comme pratique étrangère au « culte musulman » et je ne peux d’ailleurs que m’en réjouir ! Je parle bel et bien de la circoncision des garçons.
Dans le Coran – au contraire de la Torah juive – il n’y a aucun texte coranique qui prescrit cette pratique. Et même dans lesdits Hadiths supposées prophétiques, il n’y a aucun texte, a force de loi, qui stipule le caractère cultuel obligatoire de la circoncision des garçons. On ne trouve que quelques textes, rapportées de façon redoutables, et des histoires épouvantables comme celle qui raconte que le prophète Abraham s’est fait circoncis seul (!) dans le désert à l’âge de 80 ans à coup de pioche (!) Pas la peine donc de réclamer des témoins oculaires !
Au-delà, des bienfaits médicaux supposées ou avérées de cette pratique sur la santé sexuelle, en particulier, des questions persistent en l’absence d’un cadre de débat où toute la communauté doit être associée :
Comment se fait-il que l’on insiste, lorsque l’on est parent musulman, à pérenniser cette pratique qui est plutôt culturelle que cultuelle et plutôt d’origine pharaonique que d’origine prophétique ?
Comment se fait-il que la circoncision soit observée tel un sixième pilier de l’islam ? Comment se fait-il que l’on n’accepte pas l’excision des filles et que l’on ordonne la circoncision des garçons ? Les deux pratiques ne sont-elles pas de la même nature ? Le musulman a-t-il besoin d’être circoncis pour qu’il soit reconnu en tant que tel ? La circoncision est-elle un acte de foi ?
La circoncision n’est-elle pas une marque de différenciation ethnico-religieuse et un signe religieux non ostensible qui pourrait se révéler mortel lors des guerres civiles ? Comme c’était le cas pendant la 2ème guerre mondiale ou pendant la guerre des Balkans.
En effet, l’armée de Slobodan Milosevic exécutaient systématiquement, tout homme portant ce signe physique distinctif qui témoigne d’une certaine islamité par l’anatomie du sexe. Et c’étaient aussi le cas des juifs, 50 ans auparavant – qui pratiquent eux aussi la circoncision des garçons depuis toujours – lorsque les nazis du parti national-socialiste allemand, à défaut de faire des tests ADN, différenciaient le juif du non-juif, à l’aide de cette signature gravée sur leurs chairs et procédaient par la suite, à les éliminer de manière barbare et affreuse.
D’autres questions pourront être aussi traitées et étudiées au sein de la « mosquée réformée ». Il s’agit de jauger dans le débat contradictoire le bien-fondé de l’ensemble de ces revendications communautaires, qui se veulent légitimes et qui forment le corpus des requêtes des instances dites représentatives du « culte musulman » auprès du pouvoir public.
« Mosquée réformée » : un concept à six piliers
La « mosquée réformée » est avant tout un concept qui demeure en construction permanente. Il ne prétend pas être « La » Réponse à toutes les interrogations et les critiques que j’ai pu formuler depuis le début de cette série. Néanmoins, il tente de promouvoir des pistes de réflexions et d’initier des chantiers d’action, visant à réformer la mosquée et à la libérer de la mainmise idéologique et théologiquo-politique qui pèse lourdement sur elle, et qui l’empêche d’accomplir ses fonctions spirituelles et intellectuelles au service de l’humain pacifique et de la cité plurielle.
La « mosquée réformée » se définit premièrement, tel un lieu où la spiritualité religieuse mohammadienne pourra prospérer et s’exprimer pleinement. Elle sera de facto, le lieu où cette spiritualité pourra inviter, rencontrer et vivre des moments d’interconnaissance, de partage et d’échange avec d’autres spiritualités religieuses, chrétiennes, juives, bouddhistes,… et pourra convier, accueillir et dialoguer, avec modestie et sans suprématie prétentieuse, avec d’autres spiritualités non religieuses, agnostiques voire athées.
Elle se définit deuxièmement, comme un lieu de recueillement, de prière et de méditation. Un espace aménagé pour que les croyants mohammadiens puissent accomplir leur prière, individuellement ou collectivement. Un lieu où les croyants d’autres religions et aussi les non-croyants, qui désirent profiter d’un moment de prière, de calme, de méditation ou qui veulent satisfaire un simple désir de découverte puissent y accéder à toute heure, sans qu’ils soient obligés de demander l’autorisation d’accès à qui que ce soit. L’accès libre à cet édifice doit être gravé sur son fronton.
Elle se définit troisièmement, tel un espace où les femmes ne seront pas reléguées dans les derniers rangs ou confiner dans des salles isolées. Au contraire, elles auront le même statut ; assureront les mêmes fonctions que les hommes ; s’exprimeront sur la même tribune, y compris le jour du vendredi et occuperont tout l’espace de l’édifice, sans restriction discriminatoire, dictée par des interprétations machistes et bédouines des textes religieux ou motivée par des positions féministes déplorables ; car assujetties aux règles de bonne conduite destinées aux femmes et qui sont définies par des théologiens hommes, prisonniers des traditions misogynes des temps révolus.
Elle se définit quatrièmement tel un forum permanent, bouillonnant de perspectives et de pensées. Un lieu où les carriéristes de l’exhortation seront remerciés mais sans indemnités de départ. La parole redeviendra dès lors un droit sacré au profit de tout un chacun. Fini alors la confiscation de cette parole par les présumés imams et par les recteurs autoproclamés. Place donc aux libres initiatives et à l’imagination.
Elle se définit cinquièmement, tel un espace où pourrait siéger, à côté de l’association cultuelle qui se charge, exclusivement, d’assurer l’exercice public du culte, de sa gestion et de l’entretien de l’édifice, toutes autres associations concernées par les questions d’ordre humain, spirituel, intellectuel et aussi toute association oeuvrant sur le terrain des solidarités, au sens le plus large du terme.
Elle se définit sixièmement, tel un espace fondamentalement apolitique et non-idéologique. Elle ne sera pas le fief ou la réserve des voix d’une quelconque formation politique. Elle se refusera à tout engagement partisan et à tout marchandage électoral. Elle ne sera pas le quartier général idéologique d’une quelconque confrérie théologico-politique. Cependant, elle ne devra pas être muette sur les enjeux menaçant la dignité humaine et les questions tracassant la cité des humains.
« Mosquée réformée » : Vers un amendement de la loi 1905
La loi concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, du 9 décembre 1905, a définit le cadre d’intervention des associations dites cultuelles. Dans son article 4, elle préconise que : « les locaux religieux seront transférés aux associations qui en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées suivant les perspectives de l’article 19 ». En effet, cet article suppose, dans l’absolu, qu’il y a des règles d’organisation générale propre à chaque culte. Et que les associations qui se chargent de la gestion de l’exercice cultuel doivent s’y conformer.
Cela est vrai dans le cas de l’Eglise catholique romaine dont la hiérarchie est établit de fait, et depuis des siècles, sous forme d’organigramme sacral allant du Pape jusqu’au prêtre et diacre, tout en passant par les archevêques, les cardinaux et les évêques. Qui non seulement sont considérés comme simples gestionnaires des lieux de culte mais qui exercent au-delà de ça, un pouvoir moral et une mission sacrée au nom et par l’autorité religieuse de Jésus Christ et de ses apôtres, reçue dans le cadre d’une ordination épiscopale, presbytérale ou diaconale, pour le service du peuple de Dieu.
L’Eglise catholique a protégé, en se basant sur cet article et sur l’accord signé en 1924 entre le Saint Siège et l’Etat Français, son identité, son organigramme interne et ses règles d’organisation générale du culte. L’Etat quant à lui, a respecté cette structure hiérarchique et n’a pas cherché à imposer le fonctionnement démocratique des associations, prévu par la loi du 1901 qui stipule, entre autres, que lors des assemblées de votes et de délibérations, la voix d’un membre, quel qu’il soit, vaut autant que la voix d’un autre.
Si cela est vrai dans le cadre d’association culturelle, il ne pouvait pas l’être dans les associations cultuelles catholiques. Puisque celles-ci, connues sous le nom d’associations diocésaines, sont soumises chacune au pouvoir suprême de l’évêque de la circonscription territoriale (ou diocèse) et non au pouvoir statutaire de l’assemblée générale, comme c’est le cas des associations loi 1901. Dans une assemblée ecclésiastique, les voix ne se valent pas.
Le judaïsme rabbinique a lui aussi ses propres règles d’organisation générale du culte. Les synagogues et temples juifs sont soumis à l’autorité rabbinique. Les missions sont structurées et hiérarchisées. On y trouve : le Rabbin de la communauté – soumis lui aussi à l’autorité du Grand Rabbin – reconnu compétant par un jury de pairs et chargé de répondre aux questions à caractère légal qui se posent au sein de la communauté ; Le Dayan reconnu expert de la législation juive, dirige le tribunal rabbinique et tranche dans les litiges financiers, matrimoniaux et les questions de conversion ; Le Hazzan ou Shatz qui tient le rôle de vocaliste, officiant et meneur de la prière ; le Mohel qui pratique la circoncision ; le Shohet qui est chargé de l’abattage rituel ; le Sofer ou scribe qui est expert dans l’art de l’écriture des textes sacrés (rouleaux de la Torah entre autres) ;… Là aussi on est bien en présence de règles établis depuis des siècles régissant l’organisation générale du culte juif. L’esprit de la loi 1905 reste observé.
Le problème se pose sérieusement lorsque l’on veut connaître exactement qu’elles sont les règles de l’organisation générale du culte dit musulman, auxquelles doivent se conformer les associations cultuelles qui s’en chargent ? Qui définit ces règles et au nom de qui et de quoi ?…
Par conséquent, et en l’absence d’hiérarchie religieuse – surtout sunnite parce que les chiites duodécimains sont soumis à l’hiérarchie des mollahs – reconnue, du moins de manière officielle, les associations gestionnaires du « culte musulman » adoptent, en réalité, l’un des deux scénarios suivants (ou même un mélange des deux) :
Le premier scénario consiste à reproduire à l’infini, dans un souci de fidélité à une certaine tradition millénaire, les règles de contrôle mises en place, il y a des siècles, par des théologiens omeyyades et non par le prophète. Ces règles sont devenues les règles d’organisation générale du culte telles que nous les connaissons aujourd’hui. Elles établissent dans chaque mosquée, une sorte d’autorité religieuse de contrôle servant à la domestication des sujets, au quadrillage de l’opinion publique et à la limitation des libertés.
Cette autorité religieuse est trop hiérarchisée, allant, si on commence par le bas de l’échelle, de l’imam et de ses assistants jusqu’au grands Maîtres des écoles de jurisprudence et des Hadiths, tout en passant par des Cheikhs intermédiaires, morts ou vivants. Dans ce même schéma, l’imam est télécommandé du palais royal (ou présidentiel), par la voie d’une hiérarchie religieuse officielle, centralisé à l’échelle nationale avec des délégations régionales et locales. Ce qui explique le fait que dans la plupart des pays arabes, le Ministère des Affaires Islamiques jouit d’une place centrale au sein du pouvoir exécutif et est considéré un des principaux ministères de souveraineté !
Le deuxième scénario consiste à imiter, dans les détails et dans un esprit malveillant ou simplement naïf, les pratiques associatives d’autres cultes. Sans se poser la question sur la pertinence et la convenance d’une telle contrefaçon misérable. Puisque, si le judaïsme rabbinique et le catholicisme se construisent, fondamentalement, autour d’autorités religieuses hiérarchisées et largement admises au sein de leurs communautés respectives, le culte mohammadien se refuse à toute hiérarchisation et à toute autorité.
Raison pour laquelle, je plaide pour une réforme pure et simple des mosquées afin d’y définir, dans la concertation populaire, des règles simples et cohérentes avec l’esprit qui régnait jadis au sein de la « mosquée/Al-Jami’i » de Mohammad où nulle ne prétendait, pas même le prophète, un quelconque pouvoir sacral ou une quelconque entremise entre Dieu et les gens.
Les lois en vigueur – en particulier la loi de 1905 et la loi relatives aux associations dite de 1901 – représentent à cet égard, un cadre juridique garantissant la légalité de la réforme souhaitée. Ce cadre le sera encore davantage lorsque le législateur français reconnaîtrait, dans un amendement apporté à la loi 1905 la spécificité organisationnelle des lieux de cultes dits musulmans et mettrait la définition des fameuses règles d’organisation générale du culte entre les mains de la collectivité plurielle qui fréquente les mosquées et non entre les mains d’une quelconque oligarchie religieuse autoproclamée, cooptée ou alliée aux pays étrangers.
« Mosquée réformée » : Et si on essayait une gestion multi-associative ?
Par ailleurs, si la question des règles d’organisation générale du culte est sujette à controverse, la gestion des lieux du « culte musulman » qui est, juridiquement, conférée aux associations cultuelles n’est pas remise en cause. Puisqu’il doit y avoir une structure qui prendra en charge la gestion, la financiarisation et l’entretien au quotidien de ces lieux. Ceci dit, rien n’empêche la domiciliation sociale et la cœxistence avec d’autres associations, loi 1901, au sein du même édifice à côté de l’association cultuelle.
En effet, les articles 18 et 19 de la loi de séparation stipulent que l’association cultuelle doit avoir exclusivement pour objet l’exercice du culte. En d’autres termes, elle doit se charger uniquement des tâches relevant de l’exercice cultuel, de sa subvention et de l’entretien de son édifice.
Force est de constater aujourd’hui que de nombreuses associations, se définissant comme cultuelles, enfreignent cette restriction réglementaire et élargissent maladroitement leurs objets et champs d’actions. L’association cultuelle, en la personne de ses dirigeants, s’occupe de tout ; contrôle tout ; monopolise tout ; organise tout ; exige un droit de regard sur tout ;… Et lorsqu’elle veut jouer la carte de la diversité et de l’ouverture vis-à-vis de l’extérieur, elle choisi l’ambiguïté du discours en se définissant tantôt comme association cultuelle tantôt comme association à vocation culturelle ou socioculturelle. Et parfois, elle crée d’autres associations-écrans, soi-disant spécialisées et à objet culturel en intronisant à leurs têtes, des équipes inféodées, qui seront les gardiens des principes idéologiques que l’association-mère défend.
Pour sortir de ce « guet-apens » associatif préjudiciable, une des solutions qui me paraît efficace consiste à opérer deux changements capitaux :
Premièrement, il faut que l’association cultuelle redevienne de nouveau cultuelle en se chargeant exclusivement, et comme le préconise la loi, de l’exercice du culte, de sa subvention et de l’entretien de son immobilier.
Et deuxièmement, il est indispensable de rendre accessible toute autre action associative au sein de la structure. Il est temps que l’associatif de domination disparaisse et que l’associatif de coopération naisse. Cela se traduit par l’établissement d’un système favorisant la création et la domiciliation sociale d’autres associations au sein de l’édifice, à condition de satisfaire nécessairement les trois conditions ci-après :
La première condition stipule que l’association candidate accepte de signer une charte (ou un texte-cadre) reprenant, entre autres, les six piliers susmentionnés de la « mosquée réformée » ; rappelant le fonctionnement multi-associatif et les fonctions de la structure ; énumérant les droits et les devoirs de chacun et explicitant les responsabilités des associations adhérentes.
La deuxième condition stipule que cette association accepte de signer les statuts et le règlement intérieur de la structure. Tout en se préservant le droit de proposer lors des assemblées générales, si besoin est, des modifications et des améliorations pour qu’ils assurent au mieux le fonctionnement multi-associatif.
La troisième condition préconise que l’association s’engage à participer financièrement, de manière périodique, aux frais de fonctionnement et de l’entretien des lieux. Cette participation sera versée dans le compte de l’association cultuelle et sera rajoutée aux cotisations et aux dons dont bénéficie celle-ci.
Une fois ces trois conditions sont et en plus réunies, toute association pourra bénéficier de la domiciliation de son siège sociale au sein de la structure et de tout l’espace de celle-ci pour les réunions et les activités. Aucune autre considération ne devra se rajouter à ses trois conditions. L’association cultuelle n’a pas à autoriser ni à interdire, sur la base de considérations idéologiques, théologico-politiques, ethniques, racistes ou autres, une association qui accomplit ces trois conditions. Elle ne doit pas non plus outrepasser son objet cultuel ou s’ingérer dans les affaires internes des autres associations membres.
Chaque association adhérente gardera certes sa vision, sa personnalité, son projet et son indépendance. Néanmoins, le cortège associatif devra trouver une, ou des, ère(s) d’entente pour que la structure ne soit pas uniquement le théâtre d’une juxtaposition d’entités indépendantes et égoïstes, mais au contraire, qu’elle soit l’espace où, à partir de la multiplicité d’entités, d’approches et de projets où on réussira à en créer du sens et en produire une synergie merveilleuse.
Les associations devront se parler, travailler ensemble, mutualiser les expériences et s’entraider réciproquement. Les valeurs de la « mosquée réformée » devront voir leurs empruntes sur la dynamique associative fleurissant en son sein. Elle devra favoriser davantage et encourager les initiatives partenariales.
La « mosquée réformée » – voir l’organigramme ci-après – aura, juridiquement parlant, le statut d’association loi 1901. Elle sera dirigée par un conseil d’administration représentatif de toute la dynamique de la structure (associative et non associative). Ce conseil sera composé de deux collèges élus à des proportions qui resteront à définir, selon la taille de la structure, le nombre des adhérents et le nombre des associations. Il s’agit du collège des associations adhérentes et le collège des personnes physiques indépendantes et qui n’adhèrent pas forcément à la dynamique associative.
Organigramme de l’association « mosquée réformée »
Dans le collège des associations, seule l’association cultuelle sera membre permanent du conseil administratif de la structure « Mosquée reformée ». Car c’est bien elle qui s’occupera du culte, de sa gestion et de l’entretien du bâtiment. Et de ce fait, sa présence permanente au sein du conseil d’administration, va de soi.
Cependant, et à part ce privilège, elle n’aura pas d’autres prérogatives concernant le vote. La même règle de délibérations s’appliquera de la même façon à tout le monde, selon un principe démocratique très simple : un membre du conseil d’administration = une voix.
Quant aux autres associations, elles concourront, à travers leurs candidates et candidats aux autres sièges à pourvoir selon des modalités qui seront prévues par les statuts et par le règlement intérieur de la structure. Des membres physiques indépendants, qui ne seront pas représentés par les associations-membres, auront un nombre de sièges à pourvoir proportionnellement à leur nombre dans la structure. La parité homme/femme devra être observée rigoureusement.
Le conseil d’administration sera élu pour un mandat lors d’une assemblée générale élective qui se tiendra selon une périodicité à définir. Ce conseil élira un président-coordinateur (ou une présidente-coordinatrice) parmi ces membres. Celui-ci (ou celle-ci) formera son bureau et le fera valider par le conseil. Il (ou elle) ne devra pas avoir un deuxième mandat à la tête d’une autre association membre. Il (ou elle) ne pourra pas non plus occuper ce poste pendant deux mandats successifs. La « mosquée réformée » devra faire preuve d’alternance démocratique et du non-cumul des mandats.
Les membres du conseil d’administration ne devront être ni salariés ni rémunérés de leur fonction d’administrateurs. Ils devront siéger alors à titre bénévole. Ce conseil d’administration, en partenariat avec l’association cultuelle, pourra, si besoin est, recruter un directoire ou un nombre du personnels salariés (Directeur ou directrice, secrétaire(s), comptable, conseiller juridique,…) pour assurer le bon fonctionnement interne de la structure. Le directoire pourrait participer, à titre consultatif sans qu’il puisse voter, aux assemblées générales, aux réunions du conseil d’administration et aux réunions du bureau de l’association.
Le conseil d’administration de la « mosquée réformée » étudiera les demandes de création, de renouvellement ou de domiciliation de nouvelles associations au sein de la structure. Il validera les plannings et les emplois d’occupation des lieux. Il sera aussi l’espace où des initiatives partenariales, entre associations-membres, pourront naître et s’accentuer.
Quel(s) rôle(s) resteraient-ils à l’association cultuelle ?
Dans ce schéma, l’association cultuelle gérera uniquement la partie qui lui revient de droit/devoir. Elle assurera les bonnes conditions de célébration de la prière. En rapport avec cette mission, la direction de la prière collective devra être repensée avec l’ensemble des fidèles afin de prendre une décision concernant le maintien ou non, de la fonction de l’imam rémunéré – qui coûte parfois plus de 20.000 € à la communauté des fidèles ce qui veut dire plus de 50 % du montant de la cotisation mensuelle que ceux-ci doivent payer à l’association !
Toutes les idées doivent être prise en considération, y compris, celle qui considère qu’il ne doit pas y avoir un imam rémunéré pour guider les prières. D’ailleurs, nombreux sont ceux et celles, parmi les fidèles bénévoles et volontaires, qui peuvent diriger et célébrer la prière sans aucune contrepartie financière ! L’association pourra mettre en place une liste des imams bénévoles et un planning hebdomadaire organisant cette fonction.
Si toutefois, pour une raison X ou Y, l’association cultuelle ferait le choix du maintien du caractère salariale de la fonction d’imam, elle devra subvenir aux frais qui en résulteraient, par les cotisations de ses propres adhérents. Les associations-membres de la « mosquée réformée » ne devront pas être concernées par cette charge cultuelle.
Par ailleurs, l’association garantira aux hôtes de la maison de Dieu, quels qu’ils soient, l’hospitalité et le bien-être. Elle s’occupera de l’entretien de l’édifice et de sa propreté. Elle subviendra aux charges de fonctionnement et de l’entretien. Et pour cela, elle devra mettre en place un budget annuel qui sera financé par les cotisations, les dons et par tout ce que permet la loi. Les autres associations qui siègent au sein de la « mosquée réformée », contribueront aux charges liées à l’occupation des lieux (Electricité, Eau, Chauffage, Téléphonie, Fax, Internet,…).
Aussi, l’association cultuelle pourra, en conformité avec les articles 20, 21 et 22 de la loi 1905, constituer des unions (locales, régionales,…) avec d’autres associations cultuelles d’autres « mosquées réformées ». Ces unions, ainsi constituées, remplaceront le CFCM et ces institutions régionales. Elles pourraient faciliter la mutualisation, en priorité, de leurs ressources financières et mettre en place des fonds de réserves, selon les modalités et les restrictions prévues par la loi en vigueur. Et ce, dans un souci de prise en charge collective et mutualiste des édifices de culte. Mais, en aucun cas, ces unions ne devront se transformer en une sorte d’autorité religieuse régulatrice du contenu de la foi ou émettrice de fatwa.
Rassemblement du vendredi : Quatre principes et une déontologie
Le rassemblement du vendredi devra lui aussi retrouver sa fraîcheur et son esprit d’antan. Autrement dit, il devra cesser d’être un spectacle d’exhortation où l’imam-prêcheur y fait hebdomadairement son one man show idéologique et théologico-politique, dans le mutisme des fidèles, qui sont réduits en spectateurs et consommateurs de la parole moralisante. Pour cela, et pour l’ensemble des raisons évoquées dans les articles précédents, la fonction d’imam-prêcheur devra disparaître purement et simplement. Le rassemblement devra gagner en pluralisme.
Le rassemblement de vendredi, dans le cadre d’une gestion multi-associative de la « mosquée reformée », deviendrait une sorte d’assemblée générale hebdomadaire et informelle. Pendant laquelle, les associations qui y siègent, pourraient à tour de rôle, où lorsqu’il y aurait nécessité, prendre la parole devant le public présent pour l’informer des raisons de la tenue d’une activité, lui expliquer un projet, lui demander son avis, solliciter son aide,… Le conseil d’administration de l’association « mosquée reformée » établira un calendrier des interventions associatives.
Ce rassemblement pourrait servir aussi de moment d’échange et de réflexion collective sur l’ensemble des questions susmentionnées et sur bien d’autres. A ce niveau, le conseil d’administration de la « mosquée réformée » assurera la bonne tenue de ce rassemblement en observant, autant que cela sera possible, les quatre principes suivants :
Faire parler la diversité : L’atout majeur de la « mosquée reformée » sera sa diversité et son pluralisme. Les intervenants lors du rassemblement devront refléter ce pluralisme. Il est temps que toutes les tendances, toutes les écoles, tous les courants de pensée, puissent s’exprimer librement et que la pensée unique disparaisse pour toujours.
Encourager le volontariat : La tribune de vendredi devra cesser d’être pris en otage par les salariés de l’exhortation. Le respect de la tradition prophétique veut que ceux et celles qui font le choix de guider les autres dans le droit chemin, doivent le faire à titre gracieux. Bizarre quand même de lire, dans le Coran par exemple, que les prophètes travaillaient comme tout le monde et refusaient de recevoir un quelconque salaire, en contrepartie de leur missions de prophètes. Et de voir aujourd’hui des imams ou plutôt des salariés présumés de Dieu courrant derrière des hauts salaires, des plans de carrière au sein des associations cultuelles et refusent par la même d’aller travailler comme tout le monde ! Le conseil d’administration devra faire appel à contribution et mettre en place un planning périodique aux noms des intervenants (es).
Oser briser les tabous : Tous les sujets devront être traités avec sagesse mais sans complaisance. Il est temps de risquer l’impensée collective en garantissant la liberté d’expression !
Mieux répartir le temps de parole entre les intervenants (es) et le public : Monopoliser la parole est contraire à l’esprit du rassemblement. De ce fait, une répartition équitable des temps de parole, entre l’intervenant(e) et le public, devra être de rigueur.
En plus de ces quatre principes, le conseil de la « mosquée réformée » devra mettre en place une charte déontologique qu’il fera signer par les différents (es) intervenants (es) pour s’assurer de la bonne tenue du rassemblement de vendredi et des différentes réunions, se tenant au sein de l’édifice. Des règles simples d’ordre éthique devront être rappelées. Par exemple : Le respect de la dignité humaine ; l’acceptation de la diversité ; la protection des libertés et notamment la liberté de conscience, de pensée et d’expression ; la non violation des droits humains fondamentaux ; l’éthique du dialogue ;…
Dans la même charte déontologique d’autres règles et articles de lois devront être mentionnées. Par exemple :
« Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques… » (Art. 25 – loi 1905)
« Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte » (Art. 26 – loi 1905)
« Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à dix mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte » (Art. 31 – Loi 1905)
« Tout ministre d’un culte, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 25.000 F et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement […] » (Art.34 – loi 1905)
« Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile » (Art.35 – loi 1905)…
La « mosquée reformée » sera l’expression d’une diversité assumée et l’incarnation d’une éthique de liberté, de dialogue et d’ouverture. Le rassemblement du vendredi en sera l’ultime occasion et en sera aussi l’extraordinaire représentation. En son sein, l’éloge de tout ce qui est humanisant, apaisant et modernisant sera mis à l’honneur. La célébration du divin nourrira l’apologie de la modeste grandeur de l’humain qui, en s’accrochant bec et ongles à ses libertés et à ses droits, se confirme davantage dans ces devoirs envers la cité des Humains, envers la nature et se tourne confiant vers un avenir meilleur et pacifique.
Enfin…
Un an est déjà passé, depuis la publication du premier article « Mosquée dans la cité : réalités et espoirs ! ». Et me voilà enfin, entrain de m’apprêter à mettre un point final à cette aventure d’introspection et de prospective. Une aventure qui m’a permis, en contrepartie d’un prix que je paye toujours, de revisiter mon passé récent associatif et d’en témoigner avec franchise et sans complaisance. Cette aventure m’a déjà coûté des êtres qui m’étaient chers : certains « amis » ou plutôt certains « frères » !
Cependant, elle m’a ouvert les yeux, Dieu merci, sur des facettes cruelles de la réalité : la notre et celle dans laquelle sombre, depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, de nombreuses mosquées, ici comme ailleurs. Au fil des mois, une question me tracassait l’esprit et me causait des insomnies chroniques :
Cette réalité tragique, serait-elle une fatalité inéluctable à laquelle, les mosquées ne pourraient y échapper un jour ? Ou serait-elle simplement, l’expression d’une altération ininterrompue, résultante d’un processus malintentionné, conduite par une minorité de gens chevronnés, sans foi ni loi, qui se sont servis des mosquées afin d’asseoir leurs autorités, d’accroître leurs richesses, d’élargir leurs cercles d’influence au prix d’abrutir, de pervertir, d’asservir, au nom de Dieu, des générations successives et de sacrifier l’intelligence collective et la paix, chère aux humains, sur l’autel de vils intérêts personnels ?
Aujourd’hui, ma réponse s’est exprimée à travers cette série de témoignages et d’articles. Il s’agit vraisemblablement d’une altération profonde dont les prémices se sont manifestées, quelques dizaines d’années après la mort de Mohammad. Au moment où les Omeyyades ont réussi à reconquérir, aidés par des théologiens mercenaires, les pouvoirs qu’ils avaient perdu du vivant du prophète. Ils avaient mis la main sur la « mosquée/Al-Jami’i » qui représentait le centre de gravité et aussi la pierre angulaire de la construction sociale que Mohammad avait initié autour des valeurs de la fraternité, de la solidarité et du vivre ensemble.
Au-delà de ce constat amer, je crois profondément qu’il y a des antidotes à cette altération, donc il y’a de l’espoir. J’ai proposé quelques pistes de réflexions et aussi quelques chantiers d’action. Et bien que je sois conscient que, peut-être, ces propositions resteraient inaudibles pour longtemps car les mosquées sont tellement verrouillées par les héritiers théologico-politiques des Omeyyades, je crois en notre capacité collective et en la capacité des générations futures à restaurer la version originale de la « mosquée/Al-Jami’i » sous une forme tout à fait contemporaine et adaptée que l’on pourrait baptisée : la « mosquée reformée ».
Dans l’attente, qui durera, un an … dix ans … un siècle … voire dix siècles ou plus, je me suis attelé à construire ma propre « mosquée reformée » dans l’intimité de mon cœur !
Je l’ai construit sans murs, donc sans portes … ouverte sur les quatre directions géographiques … prenant de là où je mets mon pied, un sol … prenant de l’horizon que peuvent atteindre mes yeux, un toit … une mosquée plutôt dynamique car elle m’accompagne là où je vais … et même lorsque je me résigne à marcher, elle m’emmène là où je n’ai jamais rêver auparavant voyager … Un coup, elle me fait visiter l’histoire pour me raconter la tragédie terrible de son arrière grand-mère la « mosquée/Al-Jami’i » que la sagesse prophétique avait bâtie et que malheureusement, l’alliance théologico-politique avait anéantie … Un coup à travers notre époque pour me montrer la condition calamiteuse dont laquelle se trouvent ses soi-disant semblables … Et un coup vers l’avenir pour me faire partager son souhait le plus profond : voir un jour fleurir, dans ce monde, là quelque part, ne serait-ce qu’une « mosquée réformée » affranchie de tout joug et proclamant son appartenance à l’humanité toute entière…
Ma mosquée intime reste toujours éveillée en moi, même lorsque je réussis à somnoler en son sein … elle me procure de la joie pendant mes instants de tristesse … elle ne met aucun obstacle devant les gens qui souhaitent simplement s’asseoir en son calme, le temps d’une prière, ou pendant quelques minutes de méditation … elle n’exclut personne car elle se refuse à toute exclusion …
Ma « mosquée reformée » me dit lève-toi, marche et avance car le chemin de ton humanité, tu ne pourras l’emprunter en reculant … marche et avance car la paix à laquelle tu aspires, tu ne pourras l’atteindre en faisant du surplace … marche et avance car le Dieu auquel tu crois, te dis : « Ô humain, qui t’efforces de rencontrer ton Seigneur, sache que, en persévérant, sûrement tu le rencontreras »…
Un jour elle s’est confiée à moi, en me disant : « Dis à ton prochain, si par nostalgie ou par amour, tu souhaites me restaurer une nouvelle fois à l’image de l’esprit de mon arrière grand-mère, construit-moi, d’abord dans ton cœurs ! Le reste coulera de source !».
Notes :
(*) J’ai emprunté l’expression du discours que Martin Luther King avait prononcé sur les marches de Lincoln Memorial le 28 août 1963. Le combat pour la liberté ne connaît pas, et ne connaîtra peut-être jamais de répit.
(1) Nicolas Sarkozy, La République, les religions, l’espérance, éditions du Cerf, Paris, 2004, p. 83-84
(2) Ibid., p. 83
(3) Une récente déclaration du recteur de la mosquée de Lille-Sud, dans une interview accordée à Saphirnews.com, confirme expressément cette idée. En effet, le recteur, en rependant à une question de la journaliste, a dit, je cite : « Je ne faisais personnellement pas partie du débat parce que en tant qu’autorité religieuse, je dois respecter mes limites… ». Personnellement, je n’ai pas compris ce qu’il a voulu dire d’abord par « autorité religieuse » ? Je n’ai pas non plus saisi ce sur quoi, il se base pour la proclamer et pour l’exercer royalement, depuis presque 30 ans !
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